1« fas est, et decet meminisse fratrum ». Tel est le sort. Aussi convient-il de se souvenir de ses amis (I, MacchabĂ©es, XII, 11). 2Ce prĂ©cepte biblique nous fait nous retrouver, ce soir, dans le juste hommage que nous devons tous, ici, Ă  la mĂ©moire du cher Professeur Christian Atias, disparu il y a Ă  peine un mois.. 3Il n’est certes pas facile de faire l’éloge funĂšbre de quelqu Index Outline Text Bibliography Notes References About the author Full text 1Dans le hall du bĂątiment, ils attendent en bavardant, affichant des attitudes dĂ©contractĂ©es et nonchalantes que trahissent, cependant, des rires un peu forcĂ©s, des regards inquiets. Enfin, trois ou quatre garçons, parmi ceux qui rient et parlent le plus fort, osent pousser la porte battante sur laquelle est affichĂ© cet avertissement Laboratoire d'anatomie. Passage interdit Ă  toute personne Ă©trangĂšre au service. » Nous voici dans un sombre couloir. Les rangs se resserrent. Ici des fioles de parfum circulent, dont on imbibe mouchoirs ou foulards, lĂ  on s'inquiĂšte J'ai pas envie d'y aller, je vais pas le supporter », on s'interroge Tu crois que ça saigne ? », Y'en a qui se sont Ă©vanouis ? », on se rassure C'est une chose, c'est pas une personne », ailleurs on fanfaronne Si je vois pas mon mort, je fais un caca nerveux ! » Enfin, les Ă©tudiants du groupe prĂ©cĂ©dent sortent de la salle Alors ? – C'est nul, on voit rien ! », C'est de la viande ! », Surtout ne pensez pas que ce sont des ĂȘtres humains. » Entre leur fausse modestie un rien condescendante Vous allez voir, c'est pas si terrible ! » et leur franc dĂ©goĂ»t Ah ! C'est dĂ©gueulasse ! », chacun s'efforce de se faire une idĂ©e de ce qui l'attend. Il faut pourtant se rĂ©soudre Ă  franchir la porte, un dernier regard en arriĂšre, une derniĂšre bouffĂ©e d'air pur, et l'on pĂ©nĂštre dans la salle de dissection1. 2Aux perplexitĂ©s des jeunes Ă©tudiants en mĂ©decine, que nous voyons hĂ©siter entre inquiĂ©tude et fanfaronnade au moment d'assister Ă  leur premiĂšre dissection, font Ă©cho les souvenirs ambivalents de leurs confrĂšres plus ĂągĂ©s. Ceux-ci dĂ©noncent l'absence de valeur pĂ©dagogique des travaux pratiques d'anatomie l'intĂ©rĂȘt est nul », je voyais pas Ă  quoi ça nous servait », sur le plan anatomique j'en ai rien retirĂ© », que l'on peut rĂ©sumer par cette formule lapidaire qui revient avec insistance on n'y voit rien ». En mĂȘme temps, ces sĂ©ances demeurent remarquablement prĂ©sentes dans leur mĂ©moire, qui les associe toujours Ă  une tradition », une coutume », Ă  ce point nĂ©cessaire que ne pas s'y soumettre serait risquer de ne jamais devenir tout Ă  fait mĂ©decin Ça m'aurait presque frustrĂ©e de faire des Ă©tudes de mĂ©decine sans avoir vu mon petit macchab' en salle d'anat' ... J'avais envie de voir, parce qu'il faut aller voir. » Ainsi, cette nĂ©cessitĂ©, confusĂ©ment ressentie, semble faire des exercices de dissection le cadre obligĂ© d'une expĂ©rience spĂ©cifique, le lieu et le moment d'acquisition d'un savoir autre », qui fait » le mĂ©decin. 3Or cette conviction trouve une premiĂšre confirmation dans le nom mĂȘme donnĂ© aux Ă©tudiants en mĂ©decine – les carabins, lequel les associe justement Ă  la violence meurtriĂšre et aux manipulations de cadavres. Au xvie siĂšcle, ce terme dĂ©signe un soldat de cavalerie lĂ©gĂšre » LittrĂ© 1877, puis par extension une personne qui agit par boutade, en tirailleur, sans mettre de suite dans ses actions » Larousse 1866-1879. AppliquĂ© Ă  l'univers mĂ©dical, il a d'abord dĂ©signĂ© les aides chirurgiens par exemple les carabins de Saint-CĂŽme, du nom de l'Ă©cole de chirurgie Ă  Paris » ibid., avant de s'Ă©largir, au siĂšcle dernier, Ă  l'ensemble des Ă©tudiants en mĂ©decine. Si les dictionnaires s'accordent sur les divers usages de ce mot, l'Ă©tymologie en demeure obscure2. Le LittrĂ© 1877 en propose deux, soit Calabre, machine de guerre en provençal, soit Calabrinus, qui est de Calabre pays des carabiniers, le passage du soldat Ă  l'Ă©tudiant se faisant par dĂ©nigrement. Le TrĂ©sor de la langue française Imbs 1977, quant Ă  lui, suggĂšre une altĂ©ration d'escarrabin, ensevelisseur de pestifĂ©rĂ©s au xvie siĂšcle, venant lui-mĂȘme d'escarbot, insecte fouillant la terre et le fumier. La rĂ©putation d'efficacitĂ© des soldats carabins pour liquider leurs ennemis, attribuĂ©e par dĂ©rision aux aides chirurgiens inexpĂ©rimentĂ©s, rendrait compte de l'Ă©volution sĂ©mantique. Faire de tout Ă©tudiant en mĂ©decine un carabin, n'est-ce pas, dĂšs lors, l'inscrire dans une relation particuliĂšre Ă  la mort et aux morts ? 4Cependant, les facultĂ©s de mĂ©decine tĂ©moignent, Ă  leur tour, d'une remarquable ambivalence, dans le temps, Ă  l'Ă©gard des dissections. Longtemps, c'est dans la clandestinitĂ©, bravant les interdits, que les chirurgiens ont pu les pratiquer3. Ce n'est que progressivement que la dissection, comme base de l'anatomie, s'est affirmĂ©e comme indispensable Ă  la bonne formation des praticiens. Elle ne se verra pleinement lĂ©gitimĂ©e qu'a posteriori par les savants du xviiie siĂšcle, bĂ©nĂ©ficiant de l'essor de la mĂ©thode anatomo-clinique4. Mais, alors qu'on aurait pu s'attendre Ă  son dĂ©clin alors que se diffusent, depuis les annĂ©es quatre-vingt, des techniques d'imagerie mĂ©dicale de plus en plus sophistiquĂ©es et dotĂ©es d'une bien plus grande valeur didactique, on observe au contraire un effort de revalorisation de la dissection, Ă  l'initiative des Ă©tudiants, soutenus par les enseignants d'anatomie qui affirment, eux aussi, sa nĂ©cessitĂ©, alimentant ainsi une polĂ©mique au sein de l'UniversitĂ©. 5Enfin, la place accordĂ©e Ă  cet enseignement pratique est loin d'ĂȘtre identique dans tous les pays. En Italie, ne serait-ce que du fait d'un trĂšs grand nombre d'inscrits, les sĂ©ances de dissection sont devenues facultatives et rĂ©duites, lorsqu'elles existent, Ă  une dĂ©monstration magistrale, oĂč seuls opĂšrent le professeur et son assistant. Aux États-Unis5, Ă  l'inverse, les Ă©tudiants doivent dissĂ©quer dĂšs la premiĂšre annĂ©e et, par petits groupes de cinq ou six, se voient attribuer un corps sur lequel ils vont travailler tout un semestre. Actuellement en France – du moins dans les facultĂ©s toulousaines – si ces sĂ©ances sont obligatoires, notĂ©es et sanctionnĂ©es par un examen oral, les Ă©tudiants, en revanche, ne sont plus tenus de dissĂ©quer eux-mĂȘmes6. 6Aussi, pour donner sens Ă  cet enseignement qui paraĂźt marquer dĂ©finitivement ceux qui s'y sont soumis, tout en faisant l'objet d'Ă©valuations aussi contrastĂ©es, dans la longue durĂ©e comme dans la diversitĂ© prĂ©sente des formations, suivons donc nos Ă©tudiants dans la salle d'anatomie. Seule, en effet, l'observation directe confrontĂ©e aux souvenirs d'Ă©tudiants plus ĂągĂ©s et de plusieurs gĂ©nĂ©rations de praticiens, nous permettra de reconnaĂźtre la tradition » dont relĂšvent, dit-on, ces travaux pratiques, revendiquĂ©s comme une nĂ©cessitĂ© coutumiĂšre »7. Y'avait un macchabĂ©e... 7Dans la salle, une chaire, un tableau noir, une dizaine de paillasses. Les rideaux sont tirĂ©s, les nĂ©ons allumĂ©s. MalgrĂ© une mise en garde de leurs camarades Surtout, ne regardez pas au fond ! », pas un qui n'y porte d'emblĂ©e son regard. LĂ , Ă©tendus sur quatre tables en inox, les corps, plus ou moins bien recouverts d'une piĂšce de toile de jute marron. Les Ă©tudiants s'installent le plus loin possible d'eux, se groupant – contrairement Ă  leurs habitudes – aux premiers rangs Ă  trois ou quatre par table. On se regarde, Ă  la fois excitĂ© et mal Ă  l'aise. Mon voisin me souffle Ils font pas vrai, on dirait pas des vrais. » Mais la sĂ©ance commence. Au tableau, un volontaire planche sur la question de ce premier jour la rĂ©gion scapulaire »8, guidĂ© par les remarques de deux moniteurs9 ; les autres, studieux, prennent des notes en silence. Au bout d'une heure, tous commencent visiblement Ă  s'impatienter, ils s'agitent, chuchotent, se retournent... Enfin, les enseignants annoncent, souriants On va dissĂ©quer. Vous allez dissĂ©quer, si vous voulez... Vous ĂȘtes venus pour ça, non ? », et tous de rire nerveusement en attrapant leur blouse blanche – pour ceux qui l'ont apportĂ©e – et en se dirigeant vers les cadavres. Inaugurant la dĂ©monstration, chaque prosecteur dĂ©couvre un corps devant les Ă©tudiants Le but de cette annĂ©e, c'est la mĂ©moire visuelle. » Dans un murmure, on s'installe autour du théùtre anatomique ». Certains enfilent avec dĂ©termination des gants en caoutchouc, deux volontaires vont manier le scalpel et la pince en tentant malhabilement de suivre instructions et commentaires de l'enseignant. Il s'agit maintenant de dĂ©gager la rĂ©gion ou l'organe que l'on vient d'Ă©tudier et de schĂ©matiser au tableau, afin de l'observer in situ en trois dimensions. C'est bien sur cet aspect qu'insistent les professeurs d'anatomie, en rĂ©action contre la tendance actuelle qui verrait l'enseignement de la mĂ©decine se [faire] au tableau », ceux qui justement dĂ©fendent envers et contre tous leurs » travaux pratiques expliquant ainsi certaines carences techniques constatĂ©es chez les internes en chirurgie qui ne vont jamais Ă  l'amphithéùtre pour dissĂ©quer » ou qui s'ils l'ont fait, on l'a fait pour eux en premiĂšre annĂ©e et ils l'ont oubliĂ© complĂštement ». Mais ces exercices que le discours pĂ©dagogique prĂ©sente comme un prĂ©requis indispensable Ă  l'Ă©tude du fonctionnement normal et pathologique des organes, constituent, pour les Ă©tudiants, une vĂ©ritable Ă©preuve, physique et psychique – on n'Ă©tait pas dans notre Ă©tat normal... personne » –, dont la rĂ©ussite nĂ©cessite un apprentissage particulier. 8La participation aux tĂąches Ă  accomplir, ne serait-ce que la simple observation, se heurte d'emblĂ©e Ă  une sĂ©rie d'obstacles. Le premier, qui saute au nez dĂšs que l'on franchit la porte, est soulignĂ© par tous l'odeur. C'est que, se souvient un urologue, il s'agit d'une odeur ... difficilement rapprochable d'autre chose... pas du tout une odeur de mort. Une odeur de formol, mais pas un formol comme on l'entend, du moins comme on sent. C'est un formol imbibant quelque chose, et... c'est vrai qu'il y a une odeur caractĂ©ristique, un peu comme le mĂ©tro, une odeur qu'on n'arrive pas Ă  dĂ©finir... mais qui n'est pas forcĂ©ment agrĂ©able, mĂȘme qui est assez suffocante ». Voire, nous dira-t-on, pestilentielle », dĂ©gueulasse » ou ignoble ». 9Le deuxiĂšme sens mis Ă  rude Ă©preuve est la vue, tant Ă  cause de la couleur des cadavres, jaunĂątre », un peu verdĂątre », que de leur aspect gĂ©nĂ©ral, raides, dessĂ©chĂ©s », dĂ©charnĂ©s », en dĂ©composition ». SĂ©verine raconte sa premiĂšre sĂ©ance J'ai vu le cadavre, je me suis mise Ă  pleurer, et je suis partie. » Les Ă©vanouissements, Ă  vrai dire assez rares, mais redoutĂ©s par tous les Ă©tudiants – Moi, j'avais peur de tomber... d'avoir un malaise, au premier » – constituent une autre forme de fuite dont les jeunes AmĂ©ricains interviewĂ©s par Segal 1988 20 explicitent l'enjeu si l'on craint une Ă©ventuelle syncope, c'est que celle-ci pourrait faire douter de la capacitĂ© Ă  devenir mĂ©decin. De fait, quelques mĂštres de distance entre le corps et soi suffisent le plus souvent pour pouvoir agir par personne interposĂ©e ainsi, Isabelle, qui ne s'approchera pas de la table, prĂ©cisera J'ai pas regardĂ© le corps, j'ai regardĂ© les tĂȘtes [de ses camarades], et rien qu'Ă  voir les tĂȘtes j'imaginais ce qu'ils pouvaient faire ! » Bref, ce spectacle est tellement ignoble » que, ajoute ce mĂȘme chirurgien, il y avait une rĂšgle... Ă©thique, qui existe encore, et qui faisait que les rideaux doivent ĂȘtre tirĂ©s dans la salle de dissection. Pour pas que n'importe qui vienne regarder ». 10Transgresser cette rĂšgle est justement le premier devoir des jeunes Ă©tudiants, qu'avant mĂȘme la premiĂšre sĂ©ance, leurs aĂźnĂ©s soumettent Ă  un apprentissage progressif en les invitant Ă  se hisser subrepticement sur une borne et Ă  se glisser Ă  l'intĂ©rieur d'une haie de sapinettes pour entrevoir, Ă  la faveur d'un rideau mal tirĂ©, un bout » de cadavre. Certains, plus tĂ©mĂ©raires, essayent mĂȘme de s'introduire clandestinement dans le laboratoire. Épreuve qui distingue les futurs mĂ©decins, voir les cadavres est, Ă  l'inverse, interdit Ă  tous ceux qui n'exerceront jamais la mĂ©decine, et cette rĂšgle commandait au xixe siĂšcle, la construction des nouveaux amphithéùtres d'anatomie le Dictionnaire encyclopĂ©dique des sciences mĂ©dicales stipule qu'Ă  dĂ©faut de les Ă©loigner des villes, il faut les entourer de murs trĂšs Ă©levĂ©s » et surtout que les jours pris au dehors soient munis de treillages Ă  mailles serrĂ©es ou de volets en tabatiĂšre, comme on le fait pour les prisons de maniĂšre Ă  dĂ©rober Ă  la vue des voisins le spectacle rĂ©pugnant des travaux qui s'y accomplissent » Dechambre Anatomie. Quant Ă  ceux qui doivent franchir les portes de l'amphithéùtre, la confrontation avec les corps doit ĂȘtre, Ă  son tour, progressive le tout [est] recouvert de toile de jute, pour ne pas agresser l'Ɠil d'emblĂ©e ». Et l'on s'indigne lorsque cette rĂšgle implicite n'est pas respectĂ©e On est rentrĂ©s, on a vu les cadavres dĂ©couverts. Ils les avaient pas recouverts .... On est entrĂ©s en plein dans le vif ! » 11Rares sont les Ă©tudiants qui vont aller jusqu'au toucher, malgrĂ© la mise Ă  leur disposition de gants en latex. Ceux qui auront osĂ©, prĂ©ciseront avec une moue dĂ©goĂ»tĂ©e, que c'Ă©tait sec, froid », cartonneux », raide, dur comme du bĂ©ton armĂ© », bref fort Ă©loignĂ© de l'expĂ©rience habituelle d'un corps humain. Ainsi, Ă  l'Ă©preuve des sens, ces morts se rĂ©vĂšlent comme autant d'ĂȘtres bizarres », de nature incertaine, de statut mal dĂ©fini et qui, en outre, s'inscrivent dans une diversitĂ© qu'il s'agit d'apprendre Ă  distinguer. 12Ces ĂȘtres auxquels sont confrontĂ©s les Ă©tudiants, sont, bien sĂ»r, des cadavres. Mais, s'agit-il vraiment de cadavres d'ĂȘtres humains ? C'est quelque chose de dĂ©shumanisĂ©... pas humain, quoi », j'avais du mal Ă  imaginer que c'Ă©tait des gens morts, qui avaient pu avoir une vie antĂ©rieure », [ils ont] des traits qui ne sont pas des traits d'ĂȘtres qui ont pu vivre il y a quelques mois ou annĂ©es ». Devenir carabin, c'est, au fil des sĂ©ances, apprendre Ă  distinguer ces cadavres vieux », ancestraux », moyenĂągeux », des cadavres frais, non prĂ©parĂ©s, entreposĂ©s au froid, Ă  la morgue, qui ont conservĂ© la plupart des caractĂ©ristiques de la vie, et qui, de ce fait, se voient attribuer une valeur supĂ©rieure On attendait les cadavres frais, parce que c'est vraiment dĂ©gueulasse les cadavres formolĂ©s. » La distinction s'accompagne donc d'une hiĂ©rarchisation des ĂȘtres manipulĂ©s, fondĂ©e sur une proximitĂ© de plus en plus grande avec le vivant10. Chaque Ă©tape franchie dans ce registre marque une progression parallĂšle des Ă©tudiants dans une autre hiĂ©rarchie, celle basĂ©e sur la connaissance et l'expĂ©rience acquises tout au long du cursus universitaire Les prosecteurs, les moniteurs se servaient d'abord », parce qu'on est en deuxiĂšme annĂ©e, on nous donne des vieux, enfin des cadavres assez vieux, parce qu'ils sont pas frais, lĂ  ». Les enseignants eux-mĂȘmes les encouragent en ce sens S'il y en a qui sont vraiment intĂ©ressĂ©s, laissez votre tĂ©lĂ©phone et on vous appellera pour les cadavres frais. » Anne, qui a arrĂȘtĂ© ses Ă©tudes de mĂ©decine en troisiĂšme annĂ©e en 1961, met clairement en Ă©vidence la diffĂ©rence de statut Si on voulait mieux comprendre ce qu'on avait fait Ă  la dissection, on descendait Ă  la morgue ... et on refaisait la dissection sur un mort frais11. » 13L'incertitude quant Ă  la nature de ces ĂȘtres rĂ©servĂ©s au tout premier apprentissage se retrouve dans la diversitĂ© des termes employĂ©s par les Ă©tudiants pour les dĂ©signer. Pour certains, c'est des gars qu'on connaĂźt pas », des types », pour d'autres de la viande et puis c'est tout, ça pourrait ĂȘtre un bƓuf, un lapin... », voire de la charogne », ou encore un outil de travail ». A l'opposĂ©, cet Ă©change entre deux amis se croisant au sortir d'une sĂ©ance C'Ă©tait le mĂȘme bonhomme ? – Non, c'Ă©tait une dame. » Ces incertitudes lexicales sont d'autant plus remarquables qu'elles s'opposent aux façons de parler propres aux enseignants – et Ă  la plupart des mĂ©decins – qui reconnaissent en eux des macchabĂ©es. Aussi, s'exercer aux dissections anatomiques, n'est-ce pas seulement acquĂ©rir un savoir positif sur la structure de tel ou tel organe. C'est, tout autant, maĂźtriser les rĂšgles et les usages qui permettent de frĂ©quenter ces ĂȘtres qui peuplent les théùtres d'anatomie. Apprendre, Ă  son tour, Ă  les nommer, c'est apprendre Ă  reconnaĂźtre en eux des ĂȘtres sociaux Ă  part entiĂšre, comparables Ă  ces autres ĂȘtres sociaux que sont dans bien des sociĂ©tĂ©s les morts avec lesquels on communique et qui jouent un rĂŽle dans cette vie. Or, en Europe, le groupe des morts, on le sait, est plus particuliĂšrement frĂ©quentĂ© par les jeunes gens au temps de leur formation » coutumiĂšre12. N'est-ce pas, dĂšs lors, de cette mĂȘme tradition » que relĂšve la nĂ©cessitĂ©, pour les carabins, de se soumettre Ă  l'Ă©preuve des macchabĂ©es ? A chacun sa distance 14Faire des cadavres Ă  dissĂ©quer des macchabĂ©es, c'est, tout d'abord, les soumettre Ă  une sĂ©rie de manipulations » qui ne se rĂ©duisent pas aux techniques de dissection. Il importe en premier lieu de se prĂ©server de leur odeur de moisi » et de dĂ©composition », ce Ă  quoi s'emploient les mouchoirs parfumĂ©s observĂ©s entre les mains de nos nĂ©ophytes, leurs Ă©charpes et leurs cols roulĂ©s. Mais il existe d'autres recours Je me mettais toujours derriĂšre la mĂȘme fille, parce qu'elle sentait bon », et d'autres Ă©crans On essayait de masquer l'odeur en fumant comme des pompiers, le cadavre se perdait dans les nuages. » Or il s'agit moins de se prĂ©server de l'odeur des cadavres que de soumettre ceux-ci Ă  une mĂ©tamorphose progressive dont les nuages de parfum et de fumĂ©e sont Ă  la fois la condition et le rĂ©sultat. Ainsi dissoute, la matĂ©rialitĂ© rĂ©pulsive des corps morts peut faire place Ă  ce qui a pu leur servir autrefois de substitut13 cires, prĂ©parations anatomiques et autres modĂšles artificiels exposĂ©s dans les musĂ©es d'anatomie et que les Ă©tudiants sont engagĂ©s Ă  visiter aujourd'hui encore. Aux macchabĂ©es, on reconnaĂźt un aspect cireux », on dirait des mannequins », c'est comme le musĂ©e d'anat, ça serait de la cire... Ça fait pas humain ! » Cette assimilation suggĂšre des jeux de substitution que nous rĂ©vĂšlent des biographies de mĂ©decins Au milieu des cadavres, il arrivait qu'un plaisantin glissĂąt l'un des modĂšles en cire fabriquĂ©s Ă  dessein ils Ă©taient fendus par-devant et la tripaille dĂ©gringolait. Il Ă©tait difficile de distinguer le faux cadavre du vrai, car l'on fumait trop de cigares pour tuer la puanteur et l'on avait trop l'habitude de dĂ©tourner les yeux dĂšs qu'on ne travaillait pas directement. Quelqu'un plongeait sa lame dans la cire colorĂ©e, et de grands Ă©clats de rire volaient au-dessus des tables » Paul West 1991 175-17614. 15Mais, tandis que les Ă©tudiants s'emploient Ă  mĂ©tamorphoser les cadavres en mannequins, en corps de cire » aux visages semblables aux masques » des anciens rituels funĂ©raires, les enseignants les invitent Ă  soumettre les macchabĂ©es Ă  des techniques de morcellement qui prolongent celles que certains mettent spontanĂ©ment en Ɠuvre. Ce peut ĂȘtre un dĂ©coupage virtuel, comme pour SĂ©verine Je me suis mise derriĂšre les autres, de maniĂšre Ă  ce qu'entre les tĂȘtes et les Ă©paules j'arrive Ă  cadrer juste ce que je voulais voir [pour] oublier que c'Ă©tait un homme entier » ; un partage thĂ©orique, dans le cas de ce gĂ©nĂ©raliste La vision des diffĂ©rentes zones d'anatomie, rĂ©gions que l'on Ă©tudiait, permettait d'oublier le cĂŽtĂ© choquant de la visualisation de la mort » ; ou effectif, par exemple dans les souvenirs de ce chirurgien Il faut que je dissĂšque le maxillaire, que je cherche le facial. Et on voyait pas tellement que c'Ă©tait la joue d'un bonhomme. » Ainsi, Plus ça allait, moins c'Ă©tait Ă©pouvantable ..., impressionnant, ...ça n'avait plus rien d'un corps humain. » Les Ă©tudiants amĂ©ricains se voient demander par leurs enseignants de n'exposer aux regards que la zone sur laquelle ils travaillent, et de recouvrir par des champs opĂ©ratoires adaptĂ©s le reste du corps Segal 1988 20. Un mĂ©decin du dĂ©but du siĂšcle dernier commentait ainsi ces pratiques L'homme studieux, profondĂ©ment occupĂ© de la partie qu'il recherche, des moyens de l'isoler et d'en dĂ©couvrir la structure et les usages, ne songe plus au triste spectacle qu'il a sous les yeux, tout entier Ă  sa science il oublie une pitiĂ© mal entendue pour des restes inanimĂ©s » Panckoucke 1814 Dissection. 16Cette dĂ©shumanisation exige la suppression de ce qui est le plus humain » dans l'homme les visages, les mains... SĂ©verine, quand elle reviendra assister aux travaux pratiques, ira demander Ă  l'enseignant de ne pas dĂ©couvrir les visages », aux USA pendant le reste du travail, faces et organes gĂ©nitaux sont recouverts par de petits morceaux de tissu blanc Fox 1988 54. C'est vrai que les tĂȘtes m'ont marquĂ©e, et les mains », Un type Ă  qui on a ouvert la joue ou quelque chose comme ça, parce qu'on reconnaĂźt bien la structure d'un ĂȘtre humain, c'est un peu plus impressionnant. » Une anatomopathologiste italienne nous confiera que lorsqu'elle conduit une autopsie, aprĂšs l'indispensable examen mĂ©dico-lĂ©gal de la face, elle s'empresse de la recouvrir jusqu'Ă  la fin de sa tĂąche. 17Or, ces diverses manipulations des corps morts, afin qu'ils ne soient plus ni tout Ă  fait des cadavres, ni tout Ă  fait des personnes, ne constituent pas seulement l'apprentissage des premiers gestes techniques que l'on retrouvera, ensuite, lorsque l'ouverture du corps devient le prĂ©alable nĂ©cessaire au diagnostic et Ă  l'intervention curative. Suspendre l'humanitĂ© des ĂȘtres Ă  manipuler fait immĂ©diatement surgir d'autres images, s'Ă©veiller d'autres appĂ©tits qui n'ont, semble-t-il, que peu Ă  voir avec l'acquisition de compĂ©tences mĂ©dicales. 18 Viande », bidoche », barbaque », voire charogne », surgissent, tout Ă  coup, des exclamations et des commentaires qui fusent autour de la table de dissection ou bien viennent ponctuer, aprĂšs coup, les rĂ©cits des exercices d'anatomie15. Et la dimension agressive de ces façons de dire n'Ă©chappe pas Ă  ceux qui prennent plaisir Ă  les employer comme autant de dĂ©fis Ă  ces ĂȘtres redoutables, qu'il faut en quelque sorte neutraliser ». Cette violence n'est pas seulement verbale, comme l'atteste cette scĂšne observĂ©e Ă  la fin de l'une des premiĂšres dissections au centre d'une dizaine de leurs camarades, Christophe et Manuel ont officiĂ©, ne cessant de se disputer la prĂ©rogative de manier le scalpel et de dĂ©couper le corps. Qui veut du foie ? Bon appĂ©tit. Viens voir le foie ! On dirait du foie gras... », Et des rognons ?... » Soudain, Christophe, pince Ă  dissĂ©quer dans une main, s'empare, de l'autre, du bistouri de Manuel, et manipulant ces instruments tels de macabres couverts, se penche sur le thorax ouvert du cadavre d'un air affamĂ©. Ce geste ne suscitera parmi les spectateurs fascinĂ©s que quelques ricanements gĂȘnĂ©s. Et l'un d'eux conclura la sĂ©ance par un – Ă  peine ironique – Nous Ă©tions en classe d'apprentis bouchers ! » 19Cette parentĂ© de la dissection avec la boucherie s'inscrit, on le sait, dans une trĂšs longue durĂ©e. Écoutons ce qu'au xixe siĂšcle en disait un anatomiste On ne peut s'empĂȘcher de comparer la plupart des Ă©lĂšves qui dissĂšquent Ă  des bouchers qui passent leur vie Ă  tailler dans la viande, sans jamais se prĂ©occuper des objets placĂ©s sous le tranchant du couteau » Forth 1868 2. Ajoutons que les employĂ©s du laboratoire d'anatomie et de la morgue sont parfois appelĂ©s les garçons bouchers ». Rappelons-nous enfin ces caricatures oĂč chirurgiens anatomistes et anatomopathologistes sont dĂ©crits ou reprĂ©sentĂ©s avec les attributs des bouchers tabliers blancs maculĂ©s de sang et grands couteaux16. Cette assimilation guidait, au siĂšcle dernier, le choix des lieux appropriĂ©s Ă  la construction de nouveaux amphithéùtres d'anatomie De tels Ă©tablissements devraient ĂȘtre rejetĂ©s, comme les abattoirs et les clos d'Ă©quarrissage, Ă  une certaine distance des localitĂ©s habitĂ©es » Dechambre Amphithéùtre17. Elle compose, enfin, depuis le Moyen Age, l'une des images du chirurgien Pouchelle 1983 125. 20Mais, Ă  devenir Ă©tal de boucherie », la table d'anatomie suscite d'Ă©tranges maniĂšres de table » qui ne font pas seulement basculer nos carabins vers les mĂ©tiers sanglants mais Ă©veillent en eux le rĂȘve d'une consommation cannibale de chair crue que partagent d'autres mangeurs monstrueux. J'ai faim ! » dit un garçon au dĂ©but des travaux pratiques, Vas-y, te gĂȘne pas ! » lui rĂ©torque son voisin en dĂ©signant un corps. DĂšs lors, comme dans les fins de repas de pensionnat ou, plus tard, dans ces moments de fĂȘte oĂč les jeunes gens se retrouvent entre eux pour des dĂ©fis relevant de la dĂ©pense carnavalesque, la chair interdite se mue, dans de bien rĂ©elles batailles, en dĂ©chets impropres Ă  la consommation. Y'avait la bagarre de bidoche, ... assez peu se livraient Ă  ce sport, y'en avait un certain nombre qui dĂ©coupaient de la bidoche et qui vous la flanquaient sur la figure extrĂȘmement dĂ©sagrĂ©able ! » Seuls des praticiens ayant dĂ©passĂ© la soixantaine peuvent Ă©voquer de tels souvenirs, presque identiques Ă  ceux rencontrĂ©s dans La pierre d'Horeb Duhamel 1926 et Les hommes en blanc Soubiran 1949, autobiographies romancĂ©es de mĂ©decins qui font encore figure de modĂšles pour le parcours du carabin18. Les uns jouaient Ă  la boucherie avec les dĂ©chets de leurs prĂ©parations, installaient un Ă©tal et simulaient des marchandages ; d'autres, retranchĂ©s derriĂšre les tables, finirent par se battre avec les dĂ©bris » Duhamel 71. L'un des protagonistes des Hommes en blanc se justifie ainsi Une bataille de bidoche, c'est naturel, c'est hygiĂ©nique, ça dĂ©tend et ça ne fait de mal Ă  personne, pas mĂȘme aux macchabĂ©es » Soubiran 1949 130. 21Les macchabĂ©es survivent donc Ă  ce dĂ©peçage sans merci, dont les effets se lisent sur les Ă©tudiants eux-mĂȘmes, telle par exemple, l'apparition assez frĂ©quente de dĂ©goĂ»ts alimentaires La premiĂšre fois, j'ai pas pu manger de la daube pendant longtemps », Moi, je vais devenir vĂ©gĂ©tarienne ». Comme une victoire pĂ©niblement acquise sur la rĂ©pulsion tout d'abord Ă©prouvĂ©e, les batailles de bidoche » consacrent l'appartenance au groupe, en dĂ©clenchant Ă  la fois la rĂ©pugnance et le rire libĂ©rateur auquel on reconnaĂźt une valeur cathartique – on a tous sorti une blague Ă  la con ... pour tenir le coup »19, et que l'on identifie comme appartenant en propre au carabin puis au mĂ©decin De toute façon, tous les toubibs sont comme ça, ils sont vachement cyniques, et l'humour noir, ça compte Ă©normĂ©ment. » Mais au sein du groupe ainsi constituĂ©, apparaissent des diffĂ©rences significatives. DĂšs les premiĂšres dissections, se dessine une organisation concentrique fondĂ©e sur une hiĂ©rarchisation des acteurs, qui va permettre Ă  chacun de dĂ©finir l'intensitĂ© de son engagement au sein de l'Ă©preuve collective20, de celui qui est au centre et en fait trop, paraissant transgresser une rĂšgle implicite – par exemple en baffant21 les cadavres, en balançant leurs bras », voire en les dilacĂ©rant au scalpel » – Ă  celle qui demeure en retrait et critique ses camarades, non, ça me choque », ils s'amusaient avec le corps ... je voyais des vampires ». Autour des macchabĂ©es, en effet, garçons et filles sont Ă  la fois unis et sĂ©parĂ©s. Les Ă©tudiantes se trouvent le plus souvent du cĂŽtĂ© des spectateurs passifs, alors que les attitudes de leurs homologues masculins relĂšvent davantage du dĂ©fi, de la preuve Ă  fournir, Ă  soi et aux autres. L'un d'eux ne prĂ©cise-t-il pas Il y a une espĂšce d'Ă©mulation de groupe, faut pas flancher devant les autres ! » Mais ce partage, bien sĂ»r, n'est pas rigide. Pour passer du cĂŽtĂ© des garçons, certaines filles adoptent d'emblĂ©e les gestes les plus agressifs, elles dĂ©coupent, plaisantent, parlent haut et fort, d'oĂč la remarque critique de ce mĂ©decin Certaines filles Ă©taient plus excitĂ©es que les garçons, par le fait d'aller tripoter tout ça. Elles ne se sentaient plus. » 22Mais, en gĂ©nĂ©ral, Ă  l'assaut des macchabĂ©es, les filles sont tenues Ă  plus de rĂ©serve, devenant Ă  leur tour la cible des plaisanteries de leurs compagnons d'apprentissage. Aujourd'hui mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste, Anne se souvient Un jour en sortant de la fac, il pleuvait. Je mets mon capuchon et ils m'avaient mis une oreille dedans. C'Ă©tait les copains. C'Ă©tait classique », d'autres glissent des doigts dans les trousses des filles ». DissĂ©minant des fragments comme autant de reliques sur leur passage, les macchabĂ©es franchissent le seuil du théùtre d'anatomie on oublie » une tĂȘte dans un placard, une main dans un tiroir, on la passe le long du dos de quelqu'un devant soi ». La parole obscĂšne – qui affiche l'identitĂ© virile – accompagne bien souvent ces plaisanteries, et lĂ  encore, elle prend pour cible les filles. On Ă©changeait des blagues de sexualitĂ© de bas Ă©tage, surtout s'il y avait une fille », reconnaĂźt un gynĂ©cologue-accoucheur. Telle par exemple, cette rĂ©ponse Ă  la question angoissĂ©e d'une Ă©tudiante Ils sont complĂštement nus ? », Mais tu crois pas qu'ils ont un soutien-gorge ! » De ces rĂ©pliques les garçons ne sont pas protĂ©gĂ©s, comme en tĂ©moigne cet Ă©change dans le couloir du laboratoire Tu en as mis du temps ! », Ben oui, je lui taillais une pipe, au cadavre ! » On peut toutefois penser que l'accĂšs de plus en plus massif des filles aux Ă©tudes mĂ©dicales favorise l'Ă©mergence, au sein mĂȘme de l'amphithéùtre, de blagues macabres ou obscĂšnes qui autrefois devaient trouver leurs cibles privilĂ©giĂ©es Ă  l'extĂ©rieur du groupe, les surveillantes, les infirmiĂšres trouvaient des doigts, n'importe quoi dans leurs poches », voire Ă  l'extĂ©rieur de la facultĂ© Sectionner un sexe de cadavre et le faire pendre Ă  la braguette et aller prendre le car avec ça, et la premiĂšre personne qui faisait une remarque, on disait "oh, excusez-moi" et on remettait le sexe dans sa poche », Avec une belle bite et une paire de roubignoles dans le sac d'une vieille fille, ça serait encore plus drĂŽle » semble surenchĂ©rir ce personnage de Soubiran 1949 132. Les observateurs des anciens usages funĂ©raires ont parfois notĂ©, pour s'en scandaliser, les jeux qui accompagnaient dans les sociĂ©tĂ©s paysannes, les veillĂ©es mortuaires. Par exemple, en pays de MontbĂ©liard, ils [les garçons] s'amusaient parfois du dehors Ă  faire des niches aux filles, Ă  les effrayer, Ă  leur jouer des tours de leur façon. Les divertissements naissant de cette rencontre des garçons et des filles ont maintes fois dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© en scandales et mĂȘme en odieuses profanations » Van Gennep 1946 704-705. La nĂ©cessitĂ© de se protĂ©ger de la dangereuse proximitĂ© des macchabĂ©es suscite, autour de la table de dissection, le mĂȘme recours Ă  l'obscĂ©nitĂ©, mais, en outre, celle-ci n'annonce-t-elle pas la suractivitĂ© sexuelle plus particuliĂšrement prĂȘtĂ©e Ă  cette fraction des Ă©tudiants – les internes – qui se doit d'accomplir jusqu'au bout un parcours de formation jalonnĂ© de fĂȘtes et de soirĂ©es tumultueuses oĂč doit ĂȘtre Ă©prouvĂ©e et exhibĂ©e une virilitĂ© qu'anticipent les plaisanteries autour des macchabĂ©es ? La leçon d'anatomie 23Cependant, cette irruption et cette mise en scĂšne de la violence, de la dĂ©rision, de la parole obscĂšne ou blasphĂ©matoire n'Ă©puise pas l'Ă©ventail des conduites que suscite la manipulation des macchabĂ©es. Aux antipodes des diverses formes de transgression, d'autres gestes, d'autres attitudes paraissent tout aussi nĂ©cessaires. 24A Toulouse, la premiĂšre sĂ©ance de travaux pratiques n'est plus institutionnellement prĂ©cĂ©dĂ©e d'un discours fondĂ© sur le respect, la sacralitĂ© du cadavre » comme c'est le cas en Italie22 et aux États-Unis, oĂč l'on souligne la gĂ©nĂ©rositĂ© des donateurs, le privilĂšge des mĂ©decins d'ouvrir les corps et oĂč l'on rappelle le devoir de garder une attitude sĂ©rieuse, scientifique Fox 1988 59. Cependant, entre eux, les Ă©tudiants admettent des rĂšgles implicites qui ordonnent et limitent les conduites en apparence les plus dĂ©rĂ©glĂ©es. Les premiers Ă  les dĂ©noncer sont d'abord ceux et celles qui ont mal supportĂ© les sĂ©ances Je trouve qu'il y a un respect envers la mort, une dignitĂ© qui est pas respectĂ©e. Non, ça me choque », mais les participants passifs des scĂšnes les plus mĂ©morables affirment eux aussi l'existence de bornes. Ainsi, la dissection menĂ©e par Christophe et Manuel – les dissecteurs cannibales – a suscitĂ© les critiques les plus vives on a tous dit quelque chose contre », le principal reproche portant sur le manque de respect » du cadavre, qui suggĂšre un tout autre dĂ©rĂšglement Lui c'est un malade », Il est pas bien... » Mais le mĂȘme Christophe, sera, Ă  son tour, le premier Ă  condamner l'attitude d'un autre Ă©tudiant, censĂ© avoir dilacĂ©rĂ© [les macchabĂ©es] au scalpel » Y'a quand mĂȘme un minimum de dĂ©cence Ă  avoir ! ... Y'a des limites Ă  tout. Faut pas dĂ©conner ! » Ainsi, de la mĂȘme maniĂšre que chacun dans le groupe dĂ©termine, pour soi, la bonne distance avec le macchabĂ©e, il doit apprendre – quitte Ă  les franchir – les frontiĂšres du licite et de l'illicite, du tolĂ©rĂ© et de l'intolĂ©rable. Mais qu'entend-on, au juste, signifier lorsqu'on invoque le respect du cadavre » ? 25LĂ  encore, une observation attentive des sĂ©ances de dissection peut nous mettre sur la voie. Il arrive ainsi que l'on se dĂ©tourne du mort pour Ă©ternuer, qu'on lui demande pardon lorsqu'on le frĂŽle par inadvertance, et que, du moins lors des premiĂšres sĂ©ances, on baisse la voix auprĂšs de lui. Toutes ces prĂ©cautions s'Ă©clairent si l'on ajoute qu'Ă©tudiants et enseignants font souvent le lapsus » entre cadavre et malade ou patient, comme, par exemple, ce garçon de premiĂšre annĂ©e On ne voyait que les malades... les cadavres qui Ă©taient sur les tables. » La mĂȘme assimilation est attestĂ©e aux États-Unis, oĂč les Ă©tudiants non seulement traitent les cadavres comme des patients, mais s'appellent Docteur » entre eux, et de plus confondent dissection et opĂ©ration Segal 1988 21. Ainsi l'immobilitĂ© de ces corps allongĂ©s, aux yeux clos, bien bordĂ©s dans leurs linceuls, transforme ces ĂȘtres inquiĂ©tants en de paisibles dormeurs. Faisant entrer un groupe dans la salle, le garçon d'anatomie plaisante Ne vous inquiĂ©tez pas, je leur ai donnĂ© un somnifĂšre ! » Un prosecteur, voulant expliquer une particularitĂ© anatomique, prĂ©cise, De toute façon lĂ , le malade est endormi...23 » 26 Respecter » les cadavres, c'est donc tout d'abord reconnaĂźtre en eux leur irrĂ©ductible humanitĂ©, et cette attribution prend forme dans une sĂ©rie d'interrogations qui toutes visent Ă  redonner une identitĂ© sociale Ă  ces ĂȘtres anonymes. Les Ă©tudiants cherchent Ă  savoir l'Ăąge, les antĂ©cĂ©dents, l'Ă©tiologie et les circonstances du dĂ©cĂšs de leur patient ». Qui sont donc ceux qui ont voulu donner leur corps Ă  la science » ? Quelle fut leur vie, quel genre de personnes Ă©taient-ils ? Pour le rendre encore plus familier, les AmĂ©ricains attribuent Ă  leur » mort un nom, voire le marquent Ă  leurs initiales Segal 22. Mais, Ă  Toulouse, l'attribution d'une identitĂ© se fait, de maniĂšre plus inquiĂ©tante, sur le mode de la reconnaissance La façon dont on regarde un cadavre a bien une arriĂšre-pensĂ©e, et je pense que [c'est] celle de reconnaĂźtre quelqu'un. » Le plus souvent, on n'y voit que des clodos », des vieux », des mendiants », qualifications qui semblent assigner aux macchabĂ©es la fonction de mĂ©diations entre les vivants et les morts que toutes les sociĂ©tĂ©s paysannes d'Europe dĂ©lĂšguent aux pauvres. Sans aller aussi loin que ces deux mĂ©decins, qui se souviennent d'avoir reconnu l'un, un instituteur, que j'avais eu quand j'Ă©tais en CE1 ou CE2 », l'autre, une clocharde qui habitait plus ou moins dans le couloir de la maison de ma marraine », plusieurs Ă©tudiants nous ont confiĂ© que si les premiĂšres sĂ©ances avaient Ă©tĂ© difficiles, c'Ă©tait bien parce que ça m'a un peu fait penser Ă  une grand-mĂšre », Le vieux, lĂ , c'Ă©tait mon grand-pĂšre ! » 27Mais, juste retour des choses, cette humanitĂ© retrouvĂ©e fait s'interroger sur sa propre identitĂ©. Faire des macchabĂ©es ses propres ancĂȘtres, n'est-ce pas se reconnaĂźtre, Ă  son tour, comme participant d'une mĂȘme nature et d'un mĂȘme destin ? Ainsi scrute-t-on attentivement les secrets changements qu'opĂšre en soi leur proximitĂ©. Retournons dans le couloir du laboratoire, devant la porte encore fermĂ©e de la salle d'anatomie. Une fille attend, un garçon sort. Elle Alors ? », lui C'est dĂ©gueulasse, ça pue ! Regarde, sens ! » Il l'attrape alors par le capuchon de son manteau et lui plonge le nez entre son Ă©charpe et son cou, Tu sens pas ? », Peut-ĂȘtre, un peu... » rĂ©pond-elle, inquiĂšte. Or cette odeur, nous le savons, est la premiĂšre caractĂ©ristique des macchabĂ©es. Qui la respire s'en imprĂšgne J'ai un copain, aprĂšs, il Ă©tait tout le temps en train de se sentir les mains... » Les traitĂ©s mĂ©dicaux consacrĂ©s, au siĂšcle dernier, aux maladies professionnelles, plaçaient cette odeur au centre des dangers » guettant les anatomistes Les miasmes putrides qu'exhalent les cadavres, et dont s'imprĂšgnent la transpiration, les urines et les matiĂšres fĂ©cales des anatomistes, peuvent produire sur l'Ă©conomie une impression funeste, et occasionner des maladies graves » PĂątissier 1822 171. On va jusqu'Ă  Ă©largir les risques Ă  tous les apprentis-mĂ©decins en Ă©numĂ©rant les Inoculations vĂ©nĂ©neuses », les empoisonnements septiques » et surtout les terribles piqĂ»res anatomiques » qui dĂ©cimaient » leurs rangs Dechambre Amphithéùtre. 28L'Ă©preuve que constitue l'intimitĂ© imposĂ©e avec les macchabĂ©es ne consiste donc pas seulement Ă  voir la mort, mais tout autant Ă  la frĂŽler, Ă  s'exposer Ă  son danger. Aujourd'hui encore, alors que des antibiotiques et des antiseptiques puissants permettent de contrĂŽler le danger septicĂ©mique, les moniteurs rĂ©pĂštent les mĂȘmes recommandations Surtout, attention de ne pas vous couper ! », et cet Ă©tudiant, impressionnĂ©, mettra Ă  son tour ses camarades en garde A la moindre coupure, on peut y rester ! » Autant dire que confrontĂ© Ă  ces ĂȘtres menaçants, on risque Ă  son tour de passer du cĂŽtĂ© des morts. Traditionnellement, Ă  l'entrĂ©e des amphithéùtres d'anatomie, Ă©tait gravĂ©e cette Ă©pigraphe Hic locus est ubi mors gaudet succere vitae... A Toulouse, l'ancienne plaque de marbre noir, don des Capitouls en 1686, transportĂ©e Ă  chaque dĂ©mĂ©nagement de l'amphithéùtre, est devenue presque illisible, aussi, en face, peut-on lire en rouge sur fond blanc sa traduction C'est ici que la mort apprend Ă  secourir la vie, rassasiĂ©e de sang elle y abandonne ses dĂ©pouilles, afin que les cadavres des morts procurent la santĂ© Ă  leurs concitoyens. C'est ici qu'une main discrĂšte, animĂ©e d'une cruautĂ© pieuse, poursuit les embĂ»ches des maladies et met obstacle aux menaces du destin. » Mais, Ă  vrai dire, l'efficacitĂ© du savoir acquis auprĂšs des macchabĂ©es est d'une tout autre nature. Franchir la porte de l'amphithéùtre d'anatomie, c'est, trĂšs exactement, passer dans l'autre monde pour en Ă©prouver soi-mĂȘme les propriĂ©tĂ©s. Comme le dit explicitement un gĂ©nĂ©raliste, tirant la leçon de ces travaux pratiques, on ne peut accepter de continuer ses Ă©tudes de mĂ©decine que quand on a acceptĂ© sa propre mort. C'est-Ă -dire quand on l'a visualisĂ©e ». En cela rĂ©side l'Ă©preuve qu'il faut subir. Mais encore faut-il se rĂ©vĂ©ler plus fort que les macchabĂ©es qui, tout comme les mauvais morts des reprĂ©sentations coutumiĂšres, tendent toujours Ă  entraĂźner avec eux les vivants. Envahissant la vie nocturne des futurs thĂ©rapeutes, la lutte peut prendre la forme rĂ©pĂ©titive de cauchemars, comme l'a vĂ©cu ce neuropsychiatre Moi, je fais partie des gens qui ont failli ne pas faire mĂ©decine Ă  cause des macchabĂ©es ! ... Je me rappelle encore un rĂȘve, comme si c'Ă©tait hier, j'Ă©tais poursuivi par des cadavres .... Je sautais par les fenĂȘtres, je courais, je montais l'escalier, je revenais dans la salle, et les cadavres couraient aprĂšs moi. Les types Ă©taient aprĂšs moi, et ils cherchaient Ă  m'attraper. C'est un rĂȘve qui m'a poursuivi Ă  plusieurs reprises, ça m'avait profondĂ©ment impressionnĂ©. » 29Et l'on peut maintenant donner sens aux batailles de bidoche » qui, Ă  la fois rĂ©prouvĂ©es et revendiquĂ©es, bouleversent le cours ordonnĂ© des sĂ©ances de dissection n'est-ce pas une maniĂšre de s'incorporer littĂ©ralement la mort et par lĂ  mĂȘme d'acquĂ©rir le double pouvoir de revenir, changĂ©, parmi les vivants et de guĂ©rir ceux que la maladie fait, provisoirement, passer dans l'autre monde ? Observons le jeune Alain, maintenant chirurgien rĂ©putĂ©, Ă  la sortie de sa premiĂšre dissection dans les annĂ©es soixante Je vois passer les gens sur les allĂ©es, et je me suis dit Vraiment, tu n'es pas comme eux, ce sont des laĂŻcs, toi, tu es un clerc. Ils ne comprendront jamais ce que tu fais. Tu es dans un autre monde qu'eux, et tu sais des choses qu'ils ne sauront jamais. » 30Fiers d'avoir surmontĂ© cette premiĂšre Ă©preuve, les carabins s'emploient Ă  le faire savoir. A leurs cadets d'abord, pour lesquels ils enjolivent leurs exploits J'en tirais gloriole auprĂšs des premiĂšre annĂ©e. » AuprĂšs de leurs aĂźnĂ©s, les bizuts sentent bien qu'il est inutile de surenchĂ©rir, mais ils savent aussi que cette Ă©tape les rapproche d'eux Au moment oĂč ils les font [les travaux pratiques], ils se sentent plus intĂ©grĂ©s », remarque aprĂšs coup un interne. Mais la reconnaissance attendue ne se limite pas au cercle restreint des futurs confrĂšres. Amis et famille doivent, Ă  leur tour, supporter des rĂ©cits hauts en couleur On fabule vachement, aprĂšs. Surtout les premiers temps, l'excitation de l'avoir vu, de l'avoir fait .... J'ai peut-ĂȘtre dĂ» les bassiner avec ça » admet une interne en gastro-entĂ©rologie, tout comme cet Ă©tudiant qui se vante d'avoir Ă©cƓurĂ© les invitĂ©s » Ă  la table familiale. Ce faisant, les futurs mĂ©decins ne font que se conformer Ă  cette attente sociale qui voit en eux de joyeux carabins », ouvrant et dĂ©coupant des cadavres comme Ă  plaisir et dont on exige qu'ils fassent partager un peu de leur savoir Parce que les gens, ça les intĂ©resse de savoir si on l'a vu, qu'est-ce qu'on a fait dessus, qu'est-ce qu'on est allĂ©s trifouiller », et tous de rĂ©pĂ©ter la question vient des autres ». 31Mais le rĂ©cit qui soumet parents et amis Ă  une Ă©preuve identique Ă  celle que l'on a soi-mĂȘme subie n'est pas la seule forme de consĂ©cration de cette connaissance nouvellement acquise. Écoutons ce psychiatre Y'avait un photographe qui venait chaque annĂ©e et tout le monde prenait sa photo autour du cadavre. » La photographie vient ainsi fixer un passage auquel elle donne la dimension d'une cĂ©rĂ©monie. 32Ritualisation que l'on retrouve aux USA, dans l'institution du grand banquet que les enseignants d'anatomie prĂ©sident, auquel toute la promotion assiste et qui clĂŽture le cycle d'enseignement Segal 23. RĂ©cits et images qui fixent » la traversĂ©e de cet au-delĂ  sont, parfois, accompagnĂ©s d'un geste purificateur, tel ce bĂ»cher qu'allume, aux États-Unis, l'un des professeurs d'anatomie, pour brĂ»ler les vĂȘtements portĂ©s par les Ă©tudiants au cours de l'annĂ©e Ă©coulĂ©e Chicago Tribune 21/01/82, citĂ© par Segal 25. En France, les Ă©tudiants ont la possibilitĂ©, Ă  l'issue des sĂ©ances de dissection, d'acheter os et crĂąnes provenant des macchabĂ©es, ils les conserveront avec eux tout le long de leurs Ă©tudes, voire de leur carriĂšre. Comment ne pas y voir autant de trophĂ©es tĂ©moins de leur passage de l'autre cĂŽtĂ©, du cĂŽtĂ© des morts ? Lors mĂȘme que cette Ă©preuve est refusĂ©e, certains lui substituent des usages Ă©quivalents, tel ce gĂ©nĂ©raliste qui retrouve les gestes de l'initiation coutumiĂšre des garçons Quand j'Ă©tais en premiĂšre annĂ©e, je suis allĂ© Ă  la fosse commune de mon village, la fosse commune qui m'avait toujours impressionnĂ© Ă©tant enfant ... J'ai ramenĂ© un tibia, le crĂąne et le maxillaire infĂ©rieur ... Ce crĂąne que j'ai ramenĂ© m'a toujours servi, parce que je le mettais Ă  cĂŽtĂ© de moi. » 33Ainsi, parallĂšlement Ă  l'enseignement scientifique qu'elle dispense, l'universitĂ© accueille, voire organise, une forme paradoxale d'expĂ©rience, qui permet aux Ă©tudiants d'acquĂ©rir un savoir sur la mort qui ne relĂšve en rien du corpus de connaissances et des modĂšles explicatifs de la mĂ©decine contemporaine. VĂ©ritable exigence coutumiĂšre, la leçon d'anatomie soumet donc le futur thĂ©rapeute Ă  une transformation durable, ça te passe au moule » dit prĂ©cisĂ©ment l'un d'eux, en transposant dans l'amphithéùtre les jeux des garçons avec l'au-delĂ . Mais ici, blagues macabres, incursions dans les cimetiĂšres, masques terrorisants des revenants24 prennent une allure bien particuliĂšre pour mĂ©tamorphoser de misĂ©rables corps donnĂ©s Ă  la science » en ces redoutables dispensateurs du savoir sur la mort que sont, non pas tant les maĂźtres de la FacultĂ©, que les macchabĂ©es, auxquels il faut tout Ă  la fois se soumettre et rĂ©sister, et sur l'identitĂ© desquels nous devons une derniĂšre fois revenir. Martyrs et bourreaux 34Dans le journal de FĂ©lix Platter, Ă©tudiant en mĂ©decine Ă  Montpellier de 1552 Ă  1559, comptes rendus de dissections et de mises Ă  mort en place publique alternent, voire se superposent Le 3 dĂ©cembre [1556] eut lieu l'exĂ©cution de BĂ©atrice .... Elle fut pendue sur la place .... Le corps fut donnĂ© Ă  l'amphithéùtre d'anatomie .... Enfin le bourreau vint reprendre les dĂ©bris, les lia dans un drap, et les suspendit Ă  une potence » Platter 1979 145. Les xvie et xviie siĂšcles virent une mĂȘme popularitĂ© des exĂ©cutions et des anatomies publiques. Giovana Ferrari 1987 100 insiste sur le fait qu'en dehors des dĂ©membrements et autres mutilations relevant d'une mĂȘme mise en scĂšne ritualisĂ©e de la violence, le principal point commun entre ces deux spectacles, c'est bien le corps du condamnĂ©. D'autre part, les anatomistes n'opĂ©raient que sur des suppliciĂ©s, de sorte que l'on a pu voir dans la dissection un prolongement du supplice subi par le criminel » Pouchelle 1976 274. Si tenace est cette homologie qu'elle se retrouve au xixe, dans cette critique du Conseil d'amĂ©lioration des prisons en livrant au scalpel des anatomistes les restes des dĂ©tenus, on aggrave de cette maniĂšre leur punition » D'Arcet, Parent-Duchatelet 1831 280, et qu'elle fonde, selon ces mĂȘmes auteurs, la haine que le bas peuple porte aux jeunes anatomistes » qui disposent, pour les besoins de la science, des restes des pauvres et des misĂ©rables » ibid. 250. Les Ă©quivalences entre anatomie et exĂ©cution, corps anatomisĂ© » et corps exĂ©cutĂ©, se prolongent jusqu'aux acteurs qui apparaissent comme interchangeables Il arrive mĂȘme que le personnage du chirurgien se confonde avec celui du bourreau, soit que les criminels soient exĂ©cutĂ©s de la façon choisie par les anatomistes qui le dissĂ©queront ensuite, soit que des expĂ©riences soient tentĂ©es sur des condamnĂ©s » Pouchelle 1976 27425. Dans le Massachusetts, au dĂ©but du xixe siĂšcle, une loi donnait au coroner la disposition du corps des hommes tuĂ©s en duel, soit qu'il les fasse enterrer sans cercueil et transpercĂ©s d'un pieu, soit qu'il les livre Ă  un chirurgien pour ĂȘtre dissĂ©quĂ©s Haggard 1929 159-160. 35Or, qui dit bourreaux dit martyrs, et c'est bien ainsi que se prĂ©sentent les macchabĂ©es. L'EncyclopĂ©die de Berthelot 1888 MacchabĂ©e signale l'usage du mot Macchabee ou Macabit par les mariniers, pour dĂ©nommer un cadavre trouvĂ© flottant sur l'eau. Un noyĂ© donc, au corps difforme et mĂ©connaissable, Ă  jamais privĂ© de vraie » sĂ©pulture, un mauvais mort26. Le Petit Larousse 1979, pour illustrer l'adjectif Macabre, cite cet exemple Faire une dĂ©couverte macabre dans la Seine repĂȘcher un cadavre », cette parentĂ© entre noyĂ©s et macchabĂ©es est encore bien prĂ©sente, comme en tĂ©moigne cette remarque d'une interne en biologie On nous avait dit qu'Ă  Paris il y avait une grande piscine pleine de formol oĂč on mettait tous les cadavres Ă  tremper. » Mais selon Philippe AriĂšs 1977 118, l'emploi du mot MacchabĂ©e pour dĂ©signer un cadavre date du xive siĂšcle, et aurait la mĂȘme origine que Macabre le martyre de sept frĂšres juifs, dits Les MacchabĂ©es », dĂ©crit dans le deuxiĂšme Livre des MacchabĂ©es 2M618-73 et surtout le quatriĂšme, apocryphe Vigouroux 1908 MacchabĂ©es. Ainsi, tout comme les martyrs de l'Ancien Testament auxquels ils empruntent leur nom, les macchabĂ©es sont condamnĂ©s, Ă  travers les dissections, Ă  subir un vĂ©ritable martyre – Écorchez-le vif ! » s'Ă©criera un garçon pour encourager ses camarades Ă  inciser –, qui, comme tel, exige rĂ©paration. 36 Le premier novembre, fĂȘte des morts, ... il y avait une messe des morts pour les corps qui Ă©taient dissĂ©quĂ©s .... Cette annĂ©e j'ai dit dans mon cours "Je vais vous raconter une tradition du laboratoire d'anatomie. Puisque cette annĂ©e vous avez eu l'occasion de dissĂ©quer avec moi, je voudrais qu'on le refasse ...." Et on a organisĂ© une messe chez les dominicains qui sont derriĂšre la fac. VoilĂ , rĂ©surgence d'une tradition perdue. C'Ă©tait une grande tradition, la messe des MacchabĂ©es ça s'appelait, qui Ă©tait dite pour ces... gens. » Ce tĂ©moignage contemporain marque la continuitĂ© d'une vĂ©nĂ©rable coutume dont les premiĂšres traces remontent Ă  avril 1493 dans un relevĂ© des dĂ©penses consignĂ© par le doyen de la FacultĂ© de Paris, Jean Lucas, sous la rubrique Anatomie ... item pro sacerdoce qui corpus inhumavit, et pro missa per cum celebrata pro anima deffuncti 4 sol parisis » Wickersheimer 1910 166. En 1496, la FacultĂ© dĂ©crĂ©tait officiellement que tout corps dissĂ©quĂ© serait inhumĂ© en Terre Sainte et qu'on cĂ©lĂ©brerait une grand-messe en son honneur Dechambre Anatomie. A Bologne, des offices avaient lieu en mĂȘme temps que la dissection jusqu'Ă  dix Ă  quinze jours d'affilĂ©e, dans une chapelle voisine, aux frais du professeur Ferrari 1987 51. Encore aujourd'hui, en Italie, on trouve des crucifix dans les salles oĂč l'on travaille sur les cadavres. 37Les mĂȘmes connotations religieuses traversent les rĂ©cits autobiographiques lorsqu'ils Ă©voquent la profanation » des cadavres ou, au contraire la piĂ©tĂ© » requise envers ceux qui sont sacrifiĂ©s » sur des autels » Duhamel 1927 71, semblables Ă  de pathĂ©tiques crucifiĂ© s aux bras suppliants » Soubiran 1949 119. Cette assimilation sous-tend encore les illustrations du Nouveau recueil d'ostĂ©ologie et de myologie de Gamelin 1779 dans lequel sont reprĂ©sentĂ©s, parmi d'autres, un crucifiĂ©, des squelettes arrachĂ©s Ă  leur repos sĂ©pulcral par les trompettes du Jugement dernier27... Autant d'indices de cette irrĂ©ductible part de sacralitĂ© que l'on persiste Ă  reconnaĂźtre aux macchabĂ©es. HonorĂ©s par l'Église comme patrons des morts parce qu'ils Ă©taient rĂ©putĂ©s, Ă  tort ou Ă  raison, les inventeurs des priĂšres d'intercession » AriĂšs 1977 33, les macchabĂ©es sont ainsi les premiers passeurs de ceux qui se destinent Ă  l'exercice thĂ©rapeutique. AprĂšs cette premiĂšre Ă©preuve, les carabins pourront poursuivre leur formation qui continĂ»ment conjuguera l'acquisition de connaissances scientifiques et l'exploration sous d'autres formes – autodiagnostics de maladies incurables, absorption de mĂ©dicaments, ivresses et mises en scĂšne macabres, enterrement des anciens » de l'internat – de cet autre monde auquel ouvre l'accĂšs aux macchabĂ©es qui doivent ĂȘtre, comme dans la chanson, engueulĂ©s, dĂ©pecĂ©s, mangĂ©s, enterrĂ©s... Top of page Bibliography Amiel C., 1993. A corps perdu », HĂ©siode, Cahiers d'ethnologie mĂ©diterranĂ©enne, n° 2, La mort difficile » sous presse. AriĂšs P., 1977. L'homme devant la mort, Paris, Ed. du Seuil. Baudrillard J., 1972. Le corps ou le charnier de signes », Topique, n° 9-10, pp. 75-107. Beier R., 1992. Regarder l'intĂ©rieur du corps. A propos de l'histoire de l'homme de verre Ă  l'Ă©poque moderne », Terrain, n° 18, pp. 95-102. Berthelot A., 1888-1896. La Grande EncyclopĂ©die. Inventaire raisonnĂ© des Sciences, des Lettres et des Arts, Paris, SociĂ©tĂ© Anonyme de la Grande EncyclopĂ©die, articles Anatomie, Dissection, MacchabĂ©es. Binet et P. Descargues, 1980. Dessins et traitĂ©s d'anatomie, Paris, Nouvelles Editions du ChĂȘne. Blanc D., 1987. NumĂ©ros d'hommes », Terrain, n° 8, pp. 52-62. Brown 1981. Death and the human body in the later middle ages the legislation of Boniface VIII on the division of the corpse », Viator, vol XII, pp. 221-270. Caillois R., 1950. L'homme et le sacrĂ©, Paris, Gallimard. D'Arcet et Parent-Duchatelet, 1831. De l'influence et de l'assainissement des salles de dissection », Annales d'hygiĂšne publique et de mĂ©decine lĂ©gale, deuxiĂšme partie, pp. 243-329. Dechambre A., 1864-1889. Dictionnaire des sciences mĂ©dicales, Paris, Masson, Articles Amphithéùtre, Anatomie, Dissection. Desbois E., 1992. Grand-Guignol. BlessĂ©s et mutilĂ©s de la Grande Guerre », Terrain, n° 18, pp. 61-71. Duhamel G., 1926. La pierre d'Horeb, Paris, Mercure de France. Evans-Pritchard 1929. Quelques expressions collectives de l'obscĂ©nitĂ© en Afrique », in La femme dans les sociĂ©tĂ©s primitives, 1971, Paris, PUF. Fabre D., 1986. Le garçon enceint », Cahiers de littĂ©rature orale, n° 20, pp. 15-38. 1987. JuvĂ©niles revenants », Etudes rurales, n° 105-106, pp. 147-164. Ferrari G., 1987. Public anatomy lessons and the carnival the anatomy theatre of Bologna », Past and Present, n° 117, pp. 50-106. Foucault M., 1963. Naissance de la clinique, Paris, PUF rééd. 1988, coll. Quadrige. Fox R., 1988 1re Ă©d. 1979. Essays in Medical Sociology, New Brunswick and Oxford, Transaction Books. Haggard 1929. Devils, Drugs and Doctors, New York, Harper. Imbs P. ss la dir. de, 1977. TrĂ©sor de la langue française, Paris, CNRS, article Carabin. Larousse P., 1866-1879. Grand Dictionnaire universel du xixe siĂšcle, Paris, Larousse, rĂ©impression GenĂšve-Paris, 1982. Articles Anatomie, Carabin. Le Braz A., 1928. La lĂ©gende de la mort chez les Bretons armoricains, Paris, Librairie ancienne HonorĂ© Champion. Lionetti R., 1988. Van Gennep au bloc opĂ©ratoire », Cahiers de sociologie Ă©conomique et culturelle, n° 10, pp. 110-127. LittrĂ© E., 1877. Dictionnaire de la langue française, Paris rĂ©impression, GenĂšve, Editions Famot, 1979. Articles Carabin, MacchabĂ©es. Panckoucke, 1814. Dictionnaire des sciences mĂ©dicales, Paris, Panckoucke Ă©diteur. Articles Anatomie, Dissection. PĂątissier P., 1822. TraitĂ© des maladies des artisans, Paris, BaillĂšre. Peter 1980. L'histoire par les oreilles » in Le temps de la rĂ©flexion, Paris, Gallimard, pp. 273-314. Platter F. & T., 1979. FĂ©lix et Thomas Platter Ă  Montpellier, 1552-1559, 1595-1599. Notes de voyage de deux Ă©tudiants bĂąlois, Marseille, Lafitte Reprints. Pouchelle 1976. La prise en charge de la mort mĂ©decine, mĂ©decins et chirurgiens devant les problĂšmes liĂ©s Ă  la mort Ă  la fin du Moyen Age xiiie-xve siĂšcles », Archives europĂ©ennes de sociologie, XVII, n° 2, pp. 279-305. 1983. Corps et chirurgie Ă  l'apogĂ©e du Moyen Age, Paris, Flammarion. Py C. et C. Vidart, 1985. Les musĂ©es d'anatomie sur les champs de foire », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 60, pp. 3-10. Segal 1988. A patient so dead American students and their cadavers », Anthropology Quarterly, 61-1, pp. 17-25. Soubiran A., 1949. Les hommes en blanc, Paris, Segep. Van Gennep A., 1909 rééd. 1981. Les rites de passage, Paris, Piccard. 1946 rééd. 1976. Manuel de folklore français contemporain, tome I Du mariage Ă  la tombe, Paris, A. et J. Piccard. Vialles N., 1987. Le sang et la chair, Paris, ministĂšre de la Culture/Ed. de la Maison des sciences de l'homme. Vigouroux F., 1908. Dictionnaire de la Bible, Paris, Letouzey et AnĂ©. Article MacchabĂ©e. Wickersheimer E., 1910. Les premiĂšres dissections Ă  la facultĂ© de mĂ©decine de Paris », Bulletin de la SociĂ©tĂ© de l'histoire de Paris et de l'Ile-de-France, pp. 159-170. Top of page Notes 1Cette Ă©tude s'inscrit dans le cadre d'une thĂšse sur la formation coutumiĂšre des mĂ©decins, suivie Ă  l'EHESS antenne de Toulouse par Giordana Charuty, que je remercie pour son aide tout au long de mon travail. 2Dans La France mĂ©dicale du le Dr Daron avançait le mot grec Kalamin, sorte de roseau, tube, prĂ©figurant l'escopette des cavaliers et la seringue des garçons chirurgiens, d'oĂč leur nom, aprĂšs transformation en latin. 3L'Eglise a trĂšs longtemps Ă©tĂ© formellement opposĂ©e Ă  toute ouverture du corps, considĂ©rĂ©e comme sacrilĂšge et profanatoire comme en tĂ©moigne la bulle de Boniface VIII, Detestande feritatis, du 27 septembre 1299 voir Brown 1981. Ensuite, c'est contre les docteurs mĂ©decins que les chirurgiens barbiers durent lutter. Pour les premiers, dissĂ©quer eĂ»t Ă©tĂ© dĂ©choir, mais ils entendaient nĂ©anmoins contrĂŽler la pratique des chirurgiens en exerçant un monopole sur l'attribution et la dissection des cadavres, devenus ainsi enjeux de pouvoir. 4Cf. Foucault 1963. 5Nous nous rĂ©fĂ©rons aux travaux sociologiques et anthropologiques de Fox 1979 et surtout de Segal 1988 sur l'enseignement de la mĂ©decine, en particulier les dissections. 6Comme ce fut le cas jusque dans les annĂ©es soixante-dix. 7AprĂšs avoir, tout d'abord, travaillĂ© Ă  partir de souvenirs de praticiens, j'ai ensuite suivi les travaux pratiques d'anatomie avec les Ă©tudiants de deuxiĂšme annĂ©e de mĂ©decine de la facultĂ© de Toulouse Rangueil, grĂące Ă  la bienveillance du Dr Alain Chancholles, que je remercie chaleureusement. Je remercie Ă©galement M. Roux, garçon d'anatomie, pour sa disponibilitĂ© et sa gentillesse. Des enquĂȘtes comparatives ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es grĂące Ă  une bourse de la direction du Patrimoine pour l'annĂ©e 1992. 8 La rĂ©gion scapulaire comprend toutes les parties molles placĂ©es en arriĂšre de l'omoplate et de la rĂ©gion axillaire ... [C'est] une articulation fonctionnelle [qui] permet les mouvements de l'omoplate sur le thorax », et 1991. Anatomie humaine, 13e Ă©dition, Paris, Masson 218, 259. 9Il existe une hiĂ©rarchie spĂ©cifique de l'enseignement des travaux pratiques d'anatomie, que nous explicite ce chirurgien, ancien aide d'anatomie et qui l'enseigne toujours Le grand patron Ă©tait chef de travaux, agrĂ©gĂ© ou non, puis il y avait un prosecteur d'anatomie, un vieux titre [instituĂ© en 1795], qui Ă©tait nommĂ© par concours pour deux ans, trĂšs difficile, et puis il y avait les aides d'anatomie [actuellement appelĂ©s les moniteurs], nommĂ©s pour deux ans ... Y'avait les gens qui venaient de passer l'internat, qui prĂ©paraient l'adjuvat d'anatomie, et assistaient pendant un an, ils ne faisaient que regarder. » 10Ce passage obligĂ© par les cadavres avant d'en arriver Ă  la confrontation Ă  des patients bien vivants, a d'ailleurs suscitĂ© de vives polĂ©miques dans les annĂ©es soixante-dix, et on y a vu – en particulier les psychanalystes – la source de nombreux problĂšmes de la mĂ©decine scientifique et technique, cf. par exemple Baudrillard Pour la mĂ©decine, le corps de rĂ©fĂ©rence, c'est le cadavre. Autrement dit le cadavre est la limite idĂ©ale du corps dans son rapport au systĂšme de la mĂ©decine. C'est lui que produit et reproduit la mĂ©decine dans son exercice accompli, sous le signe de la prĂ©servation de la vie » 1972 96. 11De mĂȘme, les spĂ©cialistes opposent les travaux pratiques des premiĂšres annĂ©es aux nĂ©cropsies Les nĂ©cropsies, on allait chercher quelque chose de prĂ©cis », on n'allait pas chercher n'importe quoi ! » 12La frĂ©quentation des morts n'est qu'un des aspects de cette formation et consiste Ă  expĂ©rimenter la frontiĂšre entre les vivants et les morts, voir Fabre 1987. 13On observe donc une subversion de la destination de ces figures, initialement destinĂ©es Ă  reprĂ©senter au mieux le corps humain, d'oĂč leur rĂ©alisme parfois saisissant, voire choquant pour le profane, comme en tĂ©moignent les dictionnaires et encyclopĂ©dies du xixe siĂšcle Elles [les cires] peuvent mentir aux regards du plus scrupuleux observateur, tant que le toucher ne vient pas constater le mensonge » Larousse 1866-1889, Anatomie. 14Cette citation est extraite d'un roman de Paul West, Le mĂ©decin de Lord Byron Paris, Rivages poche, fondĂ© sur le journal tenu par le jeune Dr Polidori en Ă©tĂ© 1816, alors qu'il Ă©tait le mĂ©decin personnel de Lord Byron en dĂ©placement en Europe. 15La transformation des cadavres en viande n'est pas propre aux mĂ©decins, on la retrouve dans l'appellation argotique du mort la viande froide, qui dĂ©signe d'autre part, en jargon journalistique, le stock de manchettes annonçant le dĂ©cĂšs de personnalitĂ©s importantes, prĂ©parĂ©es Ă  l'avance et tenues Ă  jour, afin de parer Ă  toute Ă©ventualitĂ©. Enfin, dans les tranchĂ©es de la PremiĂšre Guerre mondiale, les soldats conjuraient l'horreur quotidienne en transformant en bidoche » leurs camarades tombĂ©s au combat et dont les corps jonchaient en dĂ©sordre les champs de bataille Desbois 1992 66. 16Cf. Flaubert dans son Dictionnaire des idĂ©es reçues Chirurgiens, les appeler bouchers », Paris, Le Club français du Livre, 1950 956. 17Il est fait allusion ici au dĂ©cret du 15 octobre 1810, relatif aux Ă©tablissements dangereux et insalubres, en particulier Ă  leur exil hors des villes. Les salles de dissection ne feront en fait jamais partie de leur nomenclature et pourront donc rester dans l'enceinte des grands hĂŽpitaux, au prix de rĂšgles d'hygiĂšne draconiennes D'Arcet, Parent-Duchatelet, 1831 266-267. 18A tel point qu'un jeune chirurgien nous confiera qu'il a Ă©tĂ© un peu déçu, si on peut dire, par rapport Ă  ce qu'on pouvait lire dans les diffĂ©rents bouquins, comme Les hommes en blanc de Soubiran, ou des dissections que l'on faisait dans les anciens temps ». Par ailleurs, on peut lire ces textes comme de vĂ©ritables romans d'apprentissage au dĂ©but l'installation du jeune provincial Ă  Paris, son inscription Ă  la facultĂ© de mĂ©decine, puis l'expĂ©rience des dissections, dĂ©taillĂ©e et valorisĂ©e, ensuite l'hĂŽpital, les malades, les concours, et pour conclure, le dĂ©but d'un nouveau cycle, celui de l'internat. En mĂȘme temps que son initiation professionnelle, le carabin dĂ©couvre le sexe opposĂ©, les façons de la courtiser, l'amour et ses revers, et il devient ainsi un homme accompli. 19Ainsi Roger Caillois analyse-t-il le comportement familier » voire impertinent », des soldats sur les champs de bataille envers les victimes non enterrĂ©es On pousse du pied ces restes misĂ©rables, on les bafoue par la parole ou par le geste pour n'en pas prendre peur ou Ă©viter d'en ĂȘtre obsĂ©dĂ©. Le rire protĂšge du frisson » 1950 227. 20On retrouve ici une diffĂ©rence analogue Ă  celle que met en Ă©vidence Daniel Fabre dans son analyse des façons de faire des garçons pendant le Carnaval et les autres temps qui les rassemblent pour faire la jeunesse, en particulier Ă  l'occasion de la prise des paris alimentaires et scatologiques Fabre 1986. 21C'est-Ă -dire en leur donnant des gifles, sens populaire du verbe baffer. Le Robert 1980 donne comme racine de baffe, baf, exprimant l'idĂ©e de bouche, d'oĂč coup sur la bouche », il prĂ©cise qu'on l'Ă©crivait parfois baffre ou bĂąfre, et renvoie Ă  baffrer, qui dans un premier sens voulait dire bafouer, bruit des lĂšvres, puis manger gloutonnement et avec excĂšs. 22EnquĂȘtes rĂ©alisĂ©es Ă  Rome, Naples et Ascoli en mars 1992. 23Chaptal, dans ses mĂ©moires, raconte comment aprĂšs avoir vraiment vĂ©cu le rĂ©veil du mort » qui donc ne l'Ă©tait pas tout Ă  fait lorsqu'il dissĂ©quait, fut tellement effrayĂ© qu'il s'orienta ensuite dĂ©finitivement vers la chimie et l'industrie Peter 1980 301 note I. Par ailleurs il semble bien que les premiers anatomistes aient pratiquĂ© des dissections sur des condamnĂ©s vivants, plus ou moins bien endormis Ă  l'opium Brown 1981. 24Voir Fabre 1987. 25Les correspondances entre chirurgiens et bourreaux s'Ă©tendent, on le sait, au-delĂ  des dissections, objet de ce travail. 26 Ces messes, destinĂ©es au salut de l'Ăąme des condamnĂ©s, ont Ă©tĂ© analysĂ©es par Pouchelle 1983 comme tout autant nĂ©cessaires Ă  celui des acteurs de la dissection, souillĂ©s par cette profanation. 27Ce manuel ne connaĂźtra aucun succĂšs et mĂȘme ruinera son auteur. On lui reprochera l'excĂšs d'originalitĂ© des positions de ses cadavres. En effet, les mises en scĂšne de squelettes ou d'Ă©corchĂ©s autour de sortes de stĂšles funĂ©raires sont assez frĂ©quentes dans les traitĂ©s d'anatomie, on trouve aussi des Ă©corchĂ©s prĂ©sentant leur peau tel saint BarthĂ©lemy, par contre, les crucifiĂ©s, mĂȘmes s'ils ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s par les artistes, illustrent trĂšs rarement les ouvrages scientifiques. Cette singularitĂ© a Ă©tĂ© attribuĂ©e Ă  une obsession de la mort chez Gamelin Binet, Descargues 1980 94-95.Top of page References Bibliographical reference Emmanuelle Godeau, Dans un amphithéùtre... » »,Terrain, 20 1993, 82-96. Electronic reference Emmanuelle Godeau, Dans un amphithéùtre... » », Terrain [Online], 20 March 1993, Online since 18 June 2007, connection on 23 August 2022. URL ; DOI of page
Dansun amphithéatre (ter) 'Phithéatre, phithéatre, phithéatre tsoin tsoin Y'avait un macchabée (ter) Accablé, un flippé, un speedé tsoin tsoin Pompons la merde, pompons la gaiment Et envoyons au bain ceux qui sont pas des frÚres Pompons la merde, pompons la gaiment Envoyons sur les roses ceux qui sont pas contents O muse prÚte-moi ta lyre Qu'afin en vers je
Word Lanes est un jeu dans lequel vous devez deviner, dans chaque niveau, plusieurs mots Ă  partir d'une dĂ©finition. Chaque niveau possĂšde plusieurs mots Ă  trouver. DĂ©couvrez dans cet article la solution de la dĂ©finition "Étages dans un stade ou un amphithéùtre". Mot Ă  deviner pour cette dĂ©finition Gradins Autres solutions du mĂȘme niveau Assembler avec du fil et une aiguille CoudreCauser directement quelque chose SusciterChampignon que l'on appelle chevelu CoprinDent tranchante du devant IncisiveÉtendu sur le ventre ou le dos AllongĂ©Gros bateau destinĂ© Ă  la haute mer NavireLe contraire de la duretĂ© Mollesse Une fois que vous avez terminĂ© entiĂšrement la grille de ce niveau, vous pouvez retourner au sommaire de Word Lanes pour obtenir la solution des prochains niveaux.
Visualising European Crime Fiction: New Digital Methods and Approaches to the Study of Transtional Popular Culture" is a Project funded by the UK's Arts and Humanities Research Council. I C'est lui. — Ce n'est pas lui. — Je te dis que c'est lui ! — Je te dis que non
 » Le concierge faisait une voix plus grosse que la concierge. Mais cette belle fille de Bourgogne vineuse avait son cri, qui valait l'autre, pour pĂ©nĂ©trer portes, cloisons, murailles, d'un suraigu ce n'est pas lui ». Toutes les loges des rues de Poitiers, de Verneuil, de Lille, de l'UniversitĂ© avaient fini par dĂ©lĂ©guer quelque reprĂ©sentant dans le joli petit entresol oĂč gisait le mince cadavre contestĂ©. PrĂšs de la main raidie, sur les draps rosĂ©s de sang pĂąle, un revolver de nacre paraissait dire, un peu confus Voici que j'ai tuĂ©. » Mais la concierge s'expliquait. Elle articulait Ce n'est pas notre locataire. Ce n'est pas le monsieur du 20 de la rue de Poitiers. Je le connaissais bien ! Je faisais son mĂ©nage, je le raccommodais, je cirais ses petites bottines. — Eh ! non, qu'est-ce que tu veux ! Nous n'y pouvons rien ? C'est lui, rĂ©pliquait l'obstinĂ©. — Mais tu l'as bien vu comme moi, hier, quand il nous a payĂ©s. Il avait les yeux clairs, les paupiĂšres propres, les cheveux bien peignĂ©s, son air qui faisait jeune. Trente ans ? Trente-cinq ? Pas beaucoup plus. Ça, c'est un vieux, chauve, avec des yeux bordĂ©s de rouge. On l'aura dĂ©posĂ©, ici, Ă  la place de mon Monsieur
 — Qui, on ? Personne n'est entrĂ© ni monté  Pour le dĂ©poser, qui ça ? — La cambriole
 — Pas de porte forcĂ©e, dit-il. La serrure intacte
 — C'est malin, quand on a la clef ! — Et Azor, tu l'oublies ? il ne peut sentir un Ă©tranger. — Les chiens dorment comme les gens. — Pas lui ! Il aurait jappĂ©. — Il est comme les autres. Et puis, vois cette barbe
 Il la portait en petite pointe trĂšs bien la barbichette de tout le monde, il y a quinze ans. Vois sa photo de cet hiver. Ça n'a pas de rapport avec les longs poils qui coulent sur la chemise, et ces frisons, comme aux bohĂ©miens Ă  la foire. En voilĂ  une qui n'est pas poussĂ©e d'hier soir ! » Et les mains dans les poches de son tablier, elle n'arrĂȘtait pas Sa barbe Ă  lui n'avait pas deux travers de doigt
 Et celle-ci
 — Elle est peut-ĂȘtre fausse, dit l'homme. — Va donc la tirer, tu verras. » Il se met en marche. Un grand diable de sergent de ville se lĂšve pour crier les paroles sacramentelles Ne touchez rien. On est allĂ© chercher Monsieur Wladimir. » II Ce grand nom fit une espĂšce de paix du silence. Bien qu'il en fĂ»t aux modestes fonctions de chien de commissaire ou secrĂ©taire du commissaire de police, Monsieur Wladimir n'Ă©tait pas le premier venu au quartier Saint-Thomas d'Aquin. Son prestige s'Ă©tendait aux Invalides et au Gros-Caillou. Actif, allant, serviable, toujours prĂȘt aux explications claires, aux renseignements prĂ©cis, il ne se faisait pas prier pour donner un conseil. Les mĂ©nagĂšres lui savaient grĂ© de sa complaisance autoritaire, certains bourgeois huppĂ©s s'en Ă©taient bien trouvĂ©s, et de belles dames aussi. Il soufflait dans sa voilure une popularitĂ© de bon goĂ»t, comme il convient dans ces quartiers. On avait perdu son nom de famille. Le prĂ©nom distinguĂ© faisait flotter sur son berceau d'agrĂ©ables pans de mystĂšre honnĂȘtes bĂątardises de grand-duc, d'archiduc, ou d'ambassadeur. De vieux Parisiens renseignĂ©s en souriaient avec rĂ©serve ; parler n'eĂ»t fait ni bien ni plaisir Ă  personne. Mais enfin, il n'Ă©tait pas tout Ă  fait ignorĂ© que le futur chien du commissaire avait Ă©tĂ© vu, faubourg Saint-HonorĂ©, dans la maison d'une haute princesse de France, en la simple qualitĂ© de valet de pied. Autant que bonne et gĂ©nĂ©reuse, Madame d'X
 Ă©tait un esprit de vaste culture et de trĂšs haut bon sens. Le hasard avait fait qu'elle employĂąt particuliĂšrement Wladimir Ă  retenir et Ă  garder ses places aux grandes confĂ©rences dont elle ne manquait pas une Sorbonne, Notre-Dame, AcadĂ©mies, CollĂšge de France, institut d'Action Française, elle y trouvait satisfaction pour son goĂ»t des idĂ©es, de leurs rapports, de leurs conflits. Elle avait remarquĂ©, Ă  plusieurs reprises, que cette perle des valets s'arrangeait pour ne jamais quitter une salle, fĂ»t-elle comble ; le bras chargĂ© de l'impermĂ©able ou de la pelisse, il se tenait debout au fond sans perdre un mot du professeur ou du confĂ©rencier. Un jour, s'Ă©tant retournĂ©e par miracle, que vit-elle ? Son Wladimir ouvrant une bouche de four, l'Ɠil plus grand que nature, et bĂ©ant tout entier, avec une expression de fĂ©licitĂ© qui n'Ă©tait point du tout d'un bĂȘta. Quand on fut de retour, elle voulut en avoir le cƓur net et se mit Ă  le questionner. Wladimir rĂ©cita de bout en bout le cours auquel il venait d'assister, sans faire grĂące d'une acrobatie du maĂźtre. Avait-il aussi bien compris que retenu ? Ses rĂ©ponses le classĂšrent Ă  l'Ă©gal de ce qu'auraient donnĂ© les philosophes mondains et les agrĂ©gĂ©s de passage dans les dĂźners de la princesse. Elle sauta sur son stylo Mon cher PrĂ©fet, Ă©crivit-elle Ă  Jean Chiappe 1, savez-vous qui nous a ramenĂ©s, hier, vous et moi, de Bergson ? Un phĂ©nomĂšne ? Non ! Un prodige ? Non ! Un phĂ©nix ! Me voyez-vous faire ouvrir mes portiĂšres par un phĂ©nix ? Je n'aime pas qu'on laboure avec un diamant. Donc, acceptez-en le cadeau. Tirez-le d'ici, vite ! EmpĂȘchons ce coulage ! Il faut que ce garçon fasse son chemin. Prenez-le donc dans vos bureaux ! Un tour de faveur au besoin, pour qu'il y ait un peu de justice en ce triste monde ! Wladimir dut porter le poulet Ă  Jean Chiappe, qui aimait aussi le talent et la justice. Il avait la princesse en vĂ©nĂ©ration. Un interrogatoire dĂ©licat et bienveillant fit apparaĂźtre que Wladimir, ayant amorcĂ© de bonnes Ă©tudes, les avait interrompues trop tĂŽt par un gros revers de fortune. De place en place, il avait dĂ» accepter celle qui l'obligeait Ă  mettre ses mollets Ă  l'air. AprĂšs un stage favorable au cabinet personnel du prĂ©fet, les chances et les risques de la vie parisienne surent organiser pour Monsieur Wladimir de petites missions suburbaines ; ses enquĂȘtes fort bien menĂ©es firent valoir ce qu'il avait dans l'esprit de rigoureusement dĂ©ductif et logique. La veine ! » disaient les uns. Et les autres le flair ! » Que ce fĂ»t par logique, sens critique ou bonne fortune, il rĂ©ussissait Ă  passer des concours et Ă  dĂ©crocher des grades qui permirent de le nommer dans le centre de Paris, oĂč l'attendaient d'autres succĂšs. Le mĂ©rite de l'homme releva des fonctions restĂ©es secondaires. Entre temps, par la protection de son officier de paix, le poĂšte Ernest Reynaud 2, de l'École romane, Monsieur Wladimir publia deux plaquettes de vers. D'un sentiment un peu froid, elles valaient par l'Ă©lĂ©gance et trahissaient l'amour des disciplines philosophiques. La bonne princesse exultait. Elle Ă©tait ravie de le rencontrer quelquefois au pied de chaires fameuses, de lui sourire et de l'accueillir. Lui n'avait garde de chercher Ă  reparaĂźtre dans la maison oĂč il avait servi ; cette discrĂ©tion ajoutait Ă  sa gloire en fleur. Signe de tact, disait la princesse. — De tact et d'amour-propre bien compris, disait aussi Jean Chiappe, qui tenait Monsieur Wladimir pour l'une des espĂ©rances de son personnel. » Il ajoutait Je lui vois un point faible. Homme d'une seule idĂ©e. Il n'en a qu'une Ă  la fois. Alors, c'est la cloche pneumatique. Par le vide, l'idĂ©e solitaire gonfle, et gonfle Ă  crever. Faute de trouver des complĂ©mentaires qui l'Ă©quilibrent, cette idĂ©e fixe peut conduire Ă  des formes de fanatisme
 — Oh ! fanatisme ! De la politique, alors ? demandait la princesse. — Heureusement pour Wladimir, il ne fait pas de politique. Je vois un fanatisme de sentiment, d'Ă©cole, de chapelle
 » Et la princesse faisait taire M. Chiappe, et M. Chiappe ne demandait pas mieux, car il aimait Wladimir pour ses talents et pour ce que son ascension sociale avait d'ancien et de nouveau, encore que de plus en plus rare dans la vie moderne. Il se fĂ©licitait de la part qu'il y avait prise, et Monsieur Wladimir n'en faisait que mieux son chemin. Ivre de belle confiance, il ne laissait rien dĂ©mĂȘler de sot. III DĂšs que le chien du commissaire eut pĂ©nĂ©trĂ© dans l'appartement, le bataillon des concierges lui rendit les honneurs ; hommes de ci, femmes de lĂ , il fut conduit processionnellement, entre deux haies, jusqu'au pied du gisant. Ni grand, ni petit, jambĂ©, rĂąblĂ©, musclĂ©, sachant jouer de l'Ɠil, du coude, du genou, c'Ă©tait un assez beau garçon que Monsieur Wladimir, avec ce soupçon d'importance qui ne prĂ©lude pas mal Ă  l'autoritĂ©. Les deux chansons recommencĂšrent C'est lui ! — Ce n'est pas lui ! » Mais le concierge mĂąle fit son rapport en rĂšgle. Un Ă©crivain connu, Denys Talon, locataire de l'entresol, s'Ă©tait donnĂ© la mort, cette nuit, ou ce matin. S'il n'est pas mort tout de suite, l'agonie, le mal, la souffrance avaient pu altĂ©rer quelque peu ses traits. Mais, foi de gĂ©rant de l'immeuble, dont il avait la garde depuis dix ans, il ne pouvait y avoir de doute sur l'identité  Ce n'est pas mon avis, monsieur Wladimir, dit la femme. Eh ! regardez-moi cette barbe ! » L'homme rĂ©pondit posĂ©ment J'ai dĂ©jĂ  dit que la barbe pouvait ĂȘtre fausse. — Voyons », dit M. Wladimir, qui approcha, tira. La barbe tint. Madame triompha Tu vois bien que ce n'est pas lui ! » L'homme allait rĂ©pliquer on ne sait quoi. Mais voici du nouveau monsieur Wladimir ayant lĂ©gĂšrement soulevĂ© le haut du corps mort, l'on entendit un bruit clair, comme des billes roulant sur le parquet. Il se baissa et put ramasser, une Ă  une, dix-neuf dents, Ă  la vĂ©ritĂ© vieilles, jaunĂątres, presque noires !
 Nouveau, triomphe de Madame Les dents de M. Talon, ça, ces chicots de vieux ? Il riait comme un petit loup. Je le sais bien ! Je le lavais, le brossais, le voyais tous les jours
 » M. Wladimir demanda s'il n'y avait pas d'autres tĂ©moins. Personne ne rĂ©pondit. La dispute aurait repris quand l'attention du magistrat fut dĂ©tournĂ©e des contestations subalternes. Sur la table de nuit, contre l'Ă©tui de l'arme et la grande montre-rĂ©veil, se dĂ©couvrait un assez fort manuscrit dont la chemise brune portait ces mots RĂ©cit, confession, testament Ă©crits Ă  main courante. Par-dessous, au milieu du premier feuillet, on lisait en grosse ronde calligraphique le titre suivant LE MONT DE SATURNE suivi de trois sous-titres Le rĂȘve, la vie, la mort et d'Ă©pigraphes variĂ©es. M. Wladimir se dit que la clĂ© de l'affaire Ă©tait lĂ , le moyen de la trouver, ou celui de la fabriquer. Il congĂ©dia l'assistance en ajoutant qu'il allait voir cela tout seul, mais non sans prescrire au planton d'aviser le commissariat que l'enquĂȘte le retiendrait tout le jour, on n'avait pas Ă  compter sur lui jusqu'au soir. M. Wladimir s'assit. Il lut. IV M. Wladimir, secrĂ©taire du commissaire de Saint-Thomas d'Aquin achevait la lecture qui allait faire Ă©clater son gĂ©nie. Aux derniers mots, il avait cru entendre la dĂ©tonation et voir l'Ă©crivain Denys Talon tomber Ă  la renverse sur l'oreiller. Mais, dit-il Ă  mi-voix, s'est-il tuĂ© raide ? C'est ce que le concierge semblait penser
 » On frappa Au diable l'intempestif ! » C'Ă©tait le mĂ©decin des morts. Heureusement, il Ă©tait fort pressĂ©. Ses premiers mots prirent la suite du soliloque de M. Wladimir Le concierge semble estimer que M. Talon ne serait pas mort tout de suite
 Alors, il se serait un peu manquĂ© ? » L'homme de l'art, ayant tĂątĂ© sommairement, reprit Un peu. » Il repalpa. De peu. Le sang perdu. Le cƓur
 — Mais, demanda le policier, Ă  quelle heure peut bien remonter le dĂ©cĂšs ? » Nouveaux tĂątons rapides Les derniĂšres heures de la matinĂ©e, peut-ĂȘtre. Midi au plus tard. Pour l'identitĂ©, savez-vous ? La femme criait, contestait
 » M. Wladimir donna au manuscrit une petite tape du dos de la main et dit, d'un ton capable La question ne se pose plus. » Monsieur Wladimir avait tout vu la promptitude de son intuition, la rigueur de sa dĂ©duction l'avaient fixĂ©. Il murmura La mort n'a pas Ă©tĂ© instantanĂ©e ? Il a agonisĂ© dix heures ? Donc tout s'explique. » Le mĂ©decin partit au trot. Il avait apportĂ© les lumiĂšres de la science. M. Wladimir en recueillait pieusement le dernier rayon, mais il l'ordonnait et l'organisait Un peu manquĂ©, longue agonie. Oui, se disait-il Ă  voix haute, tout colle, tout s'enchaĂźne, tout s'articule et se lie. » 
 OĂč d'autres, Ă  sa place, n'auraient vu que trente-six mille chandelles, il regarde s'Ă©tendre devant lui une nappe de clartĂ©s qui montent, en s'Ă©galisant vers les paradis de la certitude. Il boit et reboit ces flots purs, il s'en pĂ©nĂštre Ă  fond. Sa conviction qui s'est formĂ©e a ce caractĂšre particulier qu'elle est corroborĂ©e par ce qui pourrait l'Ă©branler dĂ©saccord des concierges, silence d'Azor, serrures intactes, les dix-neuf dents jaunĂątres dĂ©tachĂ©es d'elles-mĂȘmes, le poil allongĂ© et vieilli. Ce qui ferait difficultĂ© facilite l'explication ou la vĂ©rifie. Que la barbe de Denys Talon se soit permis de croĂźtre d'une façon dĂ©mesurĂ©e par rapport aux quelques dix pas de l'aiguille sur le cadran, ou bien que les dents aient jailli de l'alvĂ©ole au premier mouvement du corps mort, attestant une singuliĂšre vitesse de la carie, cela n'importe plus que pour s'interprĂ©ter en bonne mĂ©thode les faits sont patents, et leur ombre de rĂ©sistance s'Ă©vanouit au clair d'une saine philosophie. V Car M. Wladimir sait une bonne chose qu'il a apprise Ă  bonne Ă©cole, que le Temps vulgaire n'existe pas ou que ce Temps n'est pas le vrai ! Un grand Ă©crivain du XVIIe siĂšcle a donc Ă©tĂ© bien fat quand il a prĂ©tendu pouvoir fournir aux hommes la bonne heure en disant Je tire ma montre ». Ô illusion du vain prestige pascalien ! Le temps des montres » est un faux temps, tel que l'esprit le projette sur leur cadran Un temps tout mĂ©canique, donc ir-rĂ©-el ! » se rĂ©pĂ©tait, en Ă©pelant, M. Wladimir, selon le b-a ba d'un grand maĂźtre ; il lui revenait d'en faire aujourd'hui la toute premiĂšre application administrative et lĂ©gale. Ir-rĂ©-el. » Quand l'Ă©crivain Denys Talon a mis le point final Ă  sa phrase suprĂȘme Ça va y ĂȘtre, ça y sera », deux heures venaient de sonner. Il a tirĂ©. Il Ă©tait certainement mort Ă  midi. Entre ces deux termes, l'heure de l'horloge » avait pu marquer ou sonner leur chiffre artificiel ; mais combien plus de coups, combien plus de pas, lui aurait chantĂ©s l'Heure vraie ?
 L'heure du temps rĂ©el, rĂ©-el, Ă©pela M. Wladimir. Pour ce temps, combien d'heures ont pu tenir dans la vie du cadran ? Cinquante ? cent heures vraies ? Mille ? Dix mille ? La marge est Ă©lastique, extensible Ă  l'infini, on l'agrandira autant qu'il en sera besoin
 » La parole qu'extĂ©riorisait le jeune policier s'arrĂȘtait lĂ , pour le moment. Il s'ouvrit une longue mĂ©ditation silencieuse. Voyons ! voyons ! se disait-il, avec une espĂšce de chant qui retentissait dans les catacombes de son esprit. Ce Denys Talon Ă©tait douĂ© d'une vitalitĂ© exceptionnelle. Presque toute-puissante. Insatiable. Sans parler du nombre, de la diversitĂ© et de la violence de ses peines d'amour, l'Ă©nergie de sa conduite une fois rĂ©solue, le tableau sans bavure de sa journĂ©e d'hier portent le mĂȘme caractĂšre ; courses, commandes, legs, hammam, assaut d'armes, ronde de nuit, et le soin donnĂ© aux derniĂšres pages, Ă  cet exposĂ© final, dramatique et lucide, oĂč les abstractions sont produites en symboles clairs, en voilĂ  un que ses dĂ©boires sentimentaux n'avaient pas Ă©puisĂ© ! Les pessimistes allemands interdisaient le suicide comme le coup d'Ă©clat d'une vitalitĂ© qui ne s'est pas renoncĂ©e, ils y voyaient comme le triomphe du Vouloir-vivre. Ils avaient raison pour le cas que voilĂ  ; notre homme Ă©tait en pleine forme, ivre de ses chaleurs vitales et des clairvoyances de sa raison. Une seule faille apparaĂźt dans cette personne si forte ! Sa pitoyable philosophie. La philosophie classique française des idĂ©es claires. CartĂ©sienne ou thomiste, cette idolĂątrie de ce qui se fabrique et se dĂ©finit au grand jour. Ah ! le pauvre garçon ! Et il a cru pouvoir se battre, lui, tout seul, contre ce vrai Moi subliminal que remonte et recouvre, sans le dominer, notre menu Moi conscient ! Il ignorait que ce qui surgit, comme un seuil, de la masse des choses vers leur obscur sommet, ne peut qu'Ă©merger un instant des gouffres de l'InscrutĂ© et de l'IgnorĂ© ! Le pauvre Denys a cru vaincre son grand Moi latent, secret, insondable, avec les dĂ©biles Ă©lans et la chĂ©tive industrie de l'intelligence explicite. De quel triomphe inane s'est-il abusĂ© ? L'insensĂ© a cuydĂ© avoir Ă©galement raison de la nature universelle ainsi que de son propre naturel souterrain. La nature invaincue, la nature invincible ! Elle l'a brisĂ© en un temps et deux mouvements, lui et les armes dangereuses qui devaient Ă©clater dans sa main. AbrĂ©ger sa DurĂ©e ! Il prĂ©tendait donc Ă  cela ! Raccourcir, mutiler sa rĂ©alitĂ© essentielle ! Le plus inĂ©gal des duels ! Le rĂ©sultat s'en voit, se touche. Non seulement la mĂšre-nature, autrement forte que lui, a Ă©tĂ© plus maligne. Elle ne s'est pas laissĂ© battre. Pour parler comme lui, c'est elle qui l'a fait quinaud. Ce qui s'est passĂ© est ce qui devait se passer, selon toutes les normes. Denys Talon a commencĂ© par se manquer un, peu. Bien fait ! lui aura sifflĂ© la mĂšre-nature. Je t'avais solidement charpentĂ©. Tu Ă©tais, comme on dit, bĂąti Ă  chaux et Ă  sable. MĂȘme ton insensĂ©e main droite ne pouvait pas t'obĂ©ir, l'index droit devait te trahir, cette volontĂ© d'Ă©piderme et d'Ă©corce devait jouer contre ton futile dessein temporel pour te plier et te ployer Ă  la loi de l'Ă©ternité  Monsieur Wladimir, aprĂšs avoir fait parler la Nature, reprenait pour son compte Denys Talon devant mourir octogĂ©naire, le programme normal de son agonie Ă  quarante ans devait faire tenir dans l'arc d'un demi-tour de soleil ou de lune cette vie forcenĂ©e qui lui bourrait la moelle, et les nerfs, les muscles et les os. En ce tout petit espace du temps sidĂ©ral et, comme l'a bien dit Monsieur Bergson, du temps mĂ©canique, devait se condenser, se concentrer, se contracter la quintessence des quarante ans qui restaient Ă  brĂ»ler de l'Ă©lixir vital, des fluides qui l'animaient. Traduisons ce que cela veut dire. Un monde intĂ©rieur aux vibrantes images lui a fait sentir et souffrir ce que lui avaient prĂ©parĂ© son Ăąme et sa chair. Pour une certaine mesure, et dans cette mesure, il lui a fallu savourer toute la dose de dĂ©sirs et de dĂ©ceptions que lui avaient valu ses anciennes amours, ce que devaient lui revaloir d'autres amours futures aux nouvelles saisons d'autres Marie-ThĂ©rĂšse, d'autres IsmĂšne, d'autres Hydres blondes et d'autres GaĂ«tane, avec ce mandat exprĂšs de courir aux suivantes sans en ĂȘtre jamais content, selon la haute chanson de Menoune, mais en outre, en application de toutes les lĂ©galitĂ©s de sa longue ligne de vie, symbole efflorescent de l'infra-physique fatal. Son corps en a reçu les secousses, et donc enregistrĂ© les marques. Comment en eĂ»t-il Ă©tĂ© autrement ? IdĂ©es, Ă©motions, rĂȘves, actions, dĂ©chirures subites ou Ă©rosions lentes, ce qui lui Ă©branlait l'Ăąme dut aussi retentir ailleurs, tout le temps rĂ©el qu'il a souffert sur ce petit lit. Et je ne parle pas d'un seul genre de fatigues. Dans son agonie, sans bouger de place, Denys Talon aura voyagĂ©, il aura Ă©prouvĂ© les trĂ©pidations des rapides du monde, il a montĂ© et descendu, et aussi redescendu les houles des navires de tous les ocĂ©ans. Partout les peines et les plaisirs inĂ©prouvĂ©s le fouettĂšrent Ă  l'Ă©puiser. Des femmes de toutes couleurs, des drogues de toutes saveurs ! Il a bien fallu que sa fibre vieillisse Ă  proportion de sa prodigieuse capacitĂ© de durĂ©e, ce pur synonyme de l'Ăąme, Monsieur Bergson nous l'a bien dit. La peau de chagrin Ă©tait large, Denys Talon l'a ratatinĂ©e en vitesse, mais vitesse apparente qui n'Ă©tait pas le train rĂ©el de l'Ă©coulement de sa vie. Dans le mĂȘme demi-tour du cadran, ne l'oublions pas, il a dĂ» faire aussi son mĂ©tier d'Ă©crivain, sĂ©crĂ©ter, suer et saigner des livres inĂ©dits que nous ne lirons pas ; il les a rĂ©digĂ©s en rĂȘve et, comme tout le monde, il enfantait dans la douleur ce qu'il avait conçu dans la joie. Toute cette Ɠuvre prolongĂ©e a dĂ» ĂȘtre reprise, corrigĂ©e, remaniĂ©e, puis dĂ©fendue devant la critique. Que n'a-t-il pas Ă©crit, et fait ? Sans crever la souple membrane physique, Ă©largie ou rĂ©trĂ©cie suivant les besoins, et dont il faisait tous les frais, il exploitait son temps rĂ©el, tout en vidant son Ă©lastique fourre-tout du Grand Tout
 Le sourire des derniers mots montre que M. Wladimir, comme tout sacristain, savait un peu jouer des vases de l'autel. Mais il se remit Ă  prier Ô temps rĂ©el, que n'aura dĂ» et pu instiller et loger dans tes alvĂ©oles mobiles un homme du ressort de Denys Talon ! Outre ses travaux, n'y eut-il pas ses maladies ? Dans ces dix heures qui auront valu quarante ans, les fiĂšvres l'auront agitĂ© qui l'aidĂšrent Ă  se dĂ©grader corporellement, et voilĂ  les faits rejoints, nous pouvons les affirmer ; comment ces maladies ne lui auraient-elles pas sĂ©chĂ©, blanchi, allongĂ© le poil, creusĂ©, Ă©branlĂ© et jauni la mĂąchoire avec cette apparence de rapiditĂ© illusoire qui peut paraĂźtre insensĂ©e, alors que, trĂšs prĂ©cisĂ©ment, le contraire l'aurait Ă©tĂ© ! Souvenons-nous de ce que peut le rĂȘve sur nos sommeils. Le poĂšte y fait des vers, le savant rĂ©sout des problĂšmes, le nĂ©gociant achĂšte, vend, emprunte, paie, encaisse et ristourne. Si, pour eux, l'usure nerveuse est insignifiante, elle existe, elle ne peut ne pas retentir sur leur organisation. MĂȘme Ă  l'Ă©tat de veille, les bouleversements moraux ont des effets matĂ©riels tenant de la magie, la mauvaise aventure blanchit en une nuit une jeune tĂȘte de femme, une brusque douleur laboure de rides profondes la lisse paroi d'un beau front. AssurĂ©ment, par rapport Ă  ces cas extrĂȘmes, celui de Denys Talon peut paraĂźtre encore effarant. Soit. Et nouveau ! Soit ! Et, jusqu'Ă  prĂ©sent, inconnu. Soit encore ! Le vaste sein de la Nature naturante
 Car M. Wladimir se mettait au beau style. 
 le vaste sein de la Nature naturante rĂ©serve Ă  nos explorations bien d'autres surprises que l'allongement instantanĂ© d'une petite barbe ou la prompte carie de dix-neuf dents. Rien ne peut limiter ce champ mystĂ©rieux. À quoi bon dĂ©florer ce qu'lsis voile encore ? Tenons-nous fermement Ă  l'aveu tangible d'un Ă©trange potentiel de cet Ă©lan vital, le Nisus, l'Impetus 3, tout ce qui peut souffler sur le bĂ»cher humain. Étant ce qu'il Ă©tait, soumis aux courants qui le rĂ©gissaient, le systĂšme pileux de Denys Talon devait subir l'implacable impĂ©ratif interne de gagner un certain nombre de centimĂštres en dix heures ; son systĂšme dentaire ne pouvait se dispenser de se gĂąter et de se dĂ©coller aux deux tiers, non dans un vain espace de temps mathĂ©matique fixe, mais conformĂ©ment Ă  la mesure de sa vie et de ses esprits. Ainsi des rides, ainsi du teint ! L'invisible chef d'orchestre accĂ©lĂ©rait la mesure de son bĂąton ; les esprits animaux centuplaient la rapiditĂ© de leur bal, et le quadragĂ©naire cĂ©dait ainsi la place au vieillard, comme la concierge l'a fort bien vu quand elle a refusĂ© de le reconnaĂźtre. Mais ça a Ă©tĂ© sans nulle intervention de cambriole, tout simplement parce qu'une certaine lampe qui avait de quoi brĂ»ler et flamber quarante ans devait se consumer en une demi-nuit. Cela peut changer les idĂ©es reçues, non les idĂ©es de M. Bergson, mon maĂźtre, que voilĂ  ainsi remarquablement fortifiĂ©es et corroborĂ©es. » VI Telle fut, dans ses grandes lignes, la mĂ©ditation de M. Wladimir. Il ne s'en tint point lĂ . Esprit consciencieux, il tira de son impermĂ©able un petit livre 4 paru la veille et dont il avait dĂ©vorĂ© dĂ©jĂ  plus des trois quarts. Un signet, page 219, marquait ces lignes concluantes, qui cochaient en rouge et de bleu une prĂ©cieuse interviouve de M. Bergson 5 La considĂ©ration de la durĂ©e pure me fut inspirĂ©e par mes Ă©tudes mathĂ©matiques, alors que je ne songeais nullement Ă  me poser en mĂ©taphysicien. Elle se borna d'abord Ă  une sorte d'Ă©tonnement devant la valeur assignĂ©e Ă  la lettre t dans les Ă©quations de mĂ©canique. Mais le temps mĂ©canique, c'est celui de l'horloge. C'est celui de tous les jours
 Donc, pas le temps d'un type aussi particulier que Denys Talon, remarqua M. Wladimir. » Il revint Ă  son maĂźtre 
 Et si je rĂ©ussis Ă  dĂ©montrer qu'il n'est ce temps d'horloge qu'une dimension de l'espace, il nous faudra bien conclure que nous Ă©talons sur un espace imaginaire notre temps intĂ©rieur, ou durĂ©e rĂ©elle, qui, lui, est indivisible et se situe absolument hors de l'espace
 C'est bien cela. Hors de l'espace, rĂ©pĂ©ta M. Wladimir. Hors du tour ou du demi-tour d'un cadran. Hors d'aucun espace visible. Ab-so-lu-ment intĂ©rieur. Le seul qui soit vrai ! L'espace bassement approximatif des horloges peut, cahin-caha, mesurer la lente mue habituelle de notre pauvre corps, son changement insensible “de tous les jours” d'aprĂšs le cours observĂ© des corps spatiaux qu'il est juste d'appeler irrĂ©els comme le soleil ou imaginaires comme la lune, mais cet espace-lĂ  ne mesure en rien les mues de l'humain, Ă  plus forte raison d'un humain privilĂ©giĂ© comme le client d'aujourd'hui. Pour dĂ©vorer cette jeune vie et la conduire Ă  son degrĂ© de consomption ascĂ©tique et squelettique, le feu intĂ©rieur ne s'est pas contentĂ© de prendre un bon galop, il a couvert avec des bottes de sept lieues ce que la vie coutumiĂšre aurait mis d'infinies annĂ©es spatiales Ă  parcourir. Tous les organismes ne sont pas aussi magnifiquement douĂ©s pour participer Ă  l'incendie universel. Quelques-uns peuvent approcher celui-ci. Mais d'autres peuvent le passer. AprĂšs tout, pourquoi une simple demi-heure du mĂȘme impetus du nisus bien accĂ©lĂ©rĂ© ne ferait-il tomber en une pincĂ©e de cendres un Denys Talon mieux flambĂ©. » Ainsi allait, allait le monologue du jeune policier, philosophe antimathĂ©maticien. Tout Ă  l'enthousiasme de la contribution sans pareille qu'un fait-divers de son ressort et de son quartier apportait Ă  la doctrine des doctrines, au maĂźtre des maĂźtres, il se reprochait encore la modestie et la prudence de son langage. Simple contribution, cela ? Non, une preuve par neuf ! Quelle douche pour les impertinents qu'il avait entendus, Ă  la table de la Princesse, se permettre, jadis, objection ou contradiction ! Ce que le MaĂźtre avait pensĂ© et dĂ©montrĂ©, l'humble disciple en apportait la confirmation par l'expĂ©rience, Ă©vĂ©nement non nĂ©gligeable en matiĂšre scientifique, ce bon et brave corps mort qui, par son poil et sa denture, est devenu tel que l'a dĂ» mĂ©connaĂźtre l'Ɠil de sa propre femme de mĂ©nage et concierge trĂšs dĂ©vouĂ©e. Le regard de M, Wladimir flottant sur la couche funĂšbre, baignait aussi dans une douce mer de lait, comme il s'en manifeste dans les aurores de l'Esprit. VII Il n'y tint plus. Il expĂ©dia les menues formalitĂ©s de son rite et, d'un pied lĂ©ger, le manuscrit au bras, petit traitĂ© bergsonien en poche, il courut Ă  perdre haleine jusqu'Ă  la haute maison dont il s'Ă©tait interdit l'accĂšs, par un honorable mĂ©lange de tact et de respect humain. La Princesse Ă©tait chez elle, et seule, de loisir, elle le reçut sur-le-champ. Il put tout raconter et recueillir les signes d'un sensible intĂ©rĂȘt. Elle voulut connaĂźtre le texte de Denys Talon. Wladimir en fit l'entiĂšre lecture. La sage et spirituelle Française Ă©coutait avec ce sourire des yeux qui n'eut pas son pareil. Quand il eut achevĂ© par le cantique enthousiaste de sa bergsonite indurĂ©e, elle dit de sa voix jeune, oĂč tintait un rire lĂ©ger Vous ĂȘtes sĂ»r de tout cela, mon bon ami ? » Il rĂ©pondit, un peu gourmĂ© C'est, Madame, que je ne vois pas oĂč mettre la place d'un doute. — Moi, dit-elle, je douterais de Monsieur le concierge. Ces fonctionnaires sont un peu formalistes. Et quelle sainte frousse des responsabilitĂ©s ! Dans l'immeuble, oĂč tout doit ĂȘtre bien, alors tout l'est tout va bien ! Azor doit aboyer, il aboie, aboiera toujours
 Ah ! je connais mon vieux Paname, ses concierges mĂąles compris ! J'aime mieux leurs femmes. Des reines ! Eux, de simples princes consorts. Le vĂŽtre a eu le tort de ne pas Ă©couter la sienne. Pour le chien, elle avait raison depuis quand ne sait-on plus faire taire le chien dans une mystification bien montĂ©e ? — Une mystification ! Madame ! — Disons supercherie
 ou encore, comment dit-on ? une fumisterie. Un peu macabre, oui. Pendant que vous disiez de si belles choses, je pensais, comme la concierge, Ă  une part possible des moyens de la cambriole !
 — Quelle cambriole ? OĂč ? De qui ? Pour qui ? » Les beaux yeux semblaient rĂ©pondre comme dans Gyp 6 Ben ! BĂ©dame ! C'est votre affaire, Ă  vous, messieurs de la Tour-Pointue ! » Lui, sans rien voir, poussait l'argument Et puis, le manuscrit ! Il est bien clair ! » Mais elle Il est trop clair, je m'en mĂ©fie aussi. Et puis, votre monsieur Talon, je l'ai un peu connu, je l'ai mĂȘme reçu. Il Ă©tait fort gentil. Nous nous entendions. Peut-ĂȘtre m'aura-t-il comprise, en tout bien tout honneur, dans la distribution de ses souvenirs. Mais personne n'aura aimĂ© comme lui Ă  jeter de la poudre aux yeux. Il se fĂ»t fait hacher pour un paradoxe de quatre sous. Ah ! le beau mythomane ! On ne lui ferait pas une grande injustice en supposant qu'il disparait pour reparaĂźtre. À moins qu'on ne le retrouve comme le pauvre Jean Orth 7, l'archiduc, dans quelque Patagonie, sur l'OrĂ©noque ou l'Amazone ou bien chez des Papous, qui auront oubliĂ© de le manger, comme son pistolet de le tuer
 Je suis tranquille. Il reviendra, ne sera-ce que pour respirer le succĂšs du livre posthume. Car ce livre peut en avoir. Vous allez le porter tout de suite chez l'Ă©diteur, n'est-ce pas, mon bon Wladimir ! — Mais, madame
 — Ah ! Ă  moins que Talon lui-mĂȘme n'en ait chargĂ© le concierge qui, sĂ»rement, en a copie. Car il en sait long ! — Le concierge ? — Bien sĂ»r, mon ami. C'est quelque nouveau truc de lancement en librairie. Nos gens de lettres sont capables de tout. » Wladimir, montrant ses connaissances, Ă©voqua du Laurent Tailhade 8 Venez ici, Gens de lettre et de corde ! — Je retrouve mon Wladimir, s'Ă©cria la Princesse, heureuse. — Cependant, madame, vous avez bien ouĂŻ ce que Talon a Ă©crit en toutes lettres, ses je me tue, ses ça y est. — Ce qui s'Ă©crit ne peut pas toujours arriver. — Mais alors ! ce cadavre de remplacement ! Talon l'aurait introduit dans son appartement, mis dans son lit ? OĂč l'aurait-il trouvĂ© ? — Mon bon Wladimir, un Ă©crivain frĂ©quente les amphithéùtres, les hĂŽpitaux, la Morgue, les terrains vagues
 LĂ  ou ailleurs, si l'on y met le prix, croyez-vous difficile de trouver
 comment dit mon neveu le carabin ?
 de trouver un macchabĂ©e aussi frais que le vĂŽtre ?
 On aurait pu l'avoir plus frais ! Pesons les difficultĂ©s
 avoir ce macchabĂ©e doit ĂȘtre plus facile que de faire dĂ©penser dans une seule nuit, au mĂȘme agonisant, quarante ans de combustible et des carburants vitaux. Quarante ans, Wladimir, combien cela fait-il de nuits ? — PrĂšs de quinze mille, madame la Pri AprĂšsavoir activĂ© l'ascenseur derriĂšre Moebius Y (image1) et avoir acceptĂ© d'entrer dans l'Amphithéùtre, vous ne pourrez plus faire machine arriĂšre et devrez affronter Z, le dernier Boss de Xenoblade Chronicles 3 (image2).Pour ce combat, il est fortement conseillĂ© de possĂ©der une Ă©quipe de niveau 70 au minimum et d'utiliser les meilleures classes de chaque personnages
Connaissez-vous l’ennui ? non pas cet ennui commun, banal, qui provient de la fainĂ©antise ou de la maladie, mais cet ennui moderne qui ronge l’homme dans les entrailles et, d’un ĂȘtre intelligent, fait une ombre qui marche, un fantĂŽme qui pense. Ah ! je vous plains, si cette lĂšpre-lĂ  vous est connue. On s’en croit guĂ©ri parfois ; mais un beau jour on se rĂ©veille souffrant plus que jamais. Vous connaissez ces verres de couleur qui ornent les kiosques des bonnetiers retirĂ©s. On voit la campagne en rouge, en bleu, en jaune. L’ennui est de mĂȘme. Les plus belles choses, vues Ă  travers lui, prennent sa teinte et reflĂštent sa tristesse. Quant Ă  moi, c’est une maladie de jeunesse qui revient Ă  mes mauvais jours, comme aujourd’hui. »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă  Louis de Cormenin, 7 juin 1844 Oui, la bĂȘtise consiste Ă  vouloir conclure. Nous sommes un fil et nous voulons savoir la trame. Cela revient Ă  ces Ă©ternelles discussions sur la dĂ©cadence de l’art. Maintenant on passe son temps Ă  se dire nous sommes complĂštement finis, nous voilĂ  arrivĂ©s au dernier terme, etc., etc. Quel est l’esprit un peu fort qui ait conclu, Ă  commencer par HomĂšre ? Contentons-nous du tableau ; c’est aussi bon. »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă  Louis Bouilhet, 4 septembre 1850 Or je vous avouerai qu’il me semble que je n’ai rien que n’aient les autres, ou qui n’ait Ă©tĂ© aussi bien dit, ou qui ne puisse l’ĂȘtre mieux. Dans cette vie que vous me prĂȘchez, j’y perdrais le peu que j’ai ; je prendrais les passions de la foule pour lui plaire et je descendrais Ă  son niveau. Autant rester au coin de son feu, Ă  faire de l’Art pour soi tout seul, comme on joue aux quilles. L’Art, au bout du compte, n’est peut-ĂȘtre pas plus sĂ©rieux que le jeu de quilles. Tout n’est peut-ĂȘtre qu’une immense blague ; j’en ai peur, et quand nous serons de l’autre cĂŽtĂ© de la page, nous serons peut-ĂȘtre fort Ă©tonnĂ©s d’apprendre que le mot du rĂ©bus Ă©tait si simple. Au milieu de tout cela j’avance pĂ©niblement dans mon livre. Je gĂąche un papier considĂ©rable. Que de ratures ! La phrase est bien lente Ă  venir. »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă  Louise Colet, dĂ©but novembre 1851 Il y a en moi, littĂ©rairement parlant, deux bonshommes distincts un qui est Ă©pris de gueulades, de lyrisme, de grands vols d’aigle, de toutes les sonoritĂ©s de la phrase et des sommets de l’idĂ©e ; un autre qui fouille et creuse le vrai tant qu’il peut, qui aime Ă  accuser le petit fait aussi puissamment que le grand, qui voudrait vous faire sentir presque matĂ©riellement les choses qu’il reproduit ; celui-lĂ  aime Ă  rire et se plaĂźt dans les animalitĂ©s de l’homme. [
] Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien, un livre sans attache extĂ©rieure, qui se tiendrait de lui-mĂȘme par la force interne de son style, comme la terre sans ĂȘtre soutenue se tient en l’air, un livre qui n’aurait presque pas de sujet ou du moins oĂč le sujet serait presque invisible, si cela se peut. Les Ɠuvres les plus belles sont celles oĂč il y a le moins de matiĂšre ; plus l’expression se rapproche de la pensĂ©e, plus le mot colle dessus et disparaĂźt, plus c’est beau. Je crois que l’avenir de l’Art est dans ces voies. [
] C’est pour cela qu’il n’y a ni beaux ni vilains sujets et qu’on pourrait presque Ă©tablir comme axiome, en se posant au point de vue de l’Art pur, qu’il n’y en a aucun, le style Ă©tant Ă  lui tout seul une maniĂšre absolue de voir les choses. »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă  Louise Colet, 16 janvier 1852 Je mĂšne une vie Ăąpre, dĂ©serte de toute joie extĂ©rieure et oĂč je n’ai rien pour me soutenir qu’une espĂšce de rage permanente, qui pleure quelquefois d’impuissance, mais qui est continuelle. J’aime mon travail d’un amour frĂ©nĂ©tique et perverti, comme un ascĂšte le cilice qui lui gratte le ventre. Quelquefois, quand je me trouve vide, quand l’expression se refuse, quand, aprĂšs avoir griffonnĂ© de longues pages, je dĂ©couvre n’avoir pas fait une phrase, je tombe sur mon divan et j’y reste hĂ©bĂ©tĂ© dans un marais intĂ©rieur d’ennui. [
] un style qui serait beau, que quelqu’un fera Ă  quelque jour, dans dix ans ou dans dix siĂšcles, et qui serait rythmĂ© comme le vers, prĂ©cis comme le langage des sciences, et avec des ondulations, des ronflements de violoncelle, des aigrettes de feu ; un style qui vous entrerait dans l’idĂ©e comme un coup de stylet, et oĂč votre pensĂ©e enfin voguerait sur des surfaces lisses, comme lorsqu’on file dans un canot avec bon vent arriĂšre. »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă  Louise Colet, 24 avril 1852 Une bonne phrase de prose doit ĂȘtre comme un bon vers, inchangeable, aussi rythmĂ©e, aussi sonore. VoilĂ  du moins mon ambition il y a une chose dont je suis sĂ»r, c’est que personne n’a jamais eu en tĂȘte un type de prose plus parfait que moi ; mais quant Ă  l’exĂ©cution, que de faiblesses, que de faiblesses mon Dieu !. Il ne me paraĂźt pas non plus impossible de donner Ă  l’analyse psychologique la rapiditĂ©, la nettetĂ©, l’emportement d’une narration purement dramatique. Cela n’a jamais Ă©tĂ© tentĂ© et serait beau. »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă  Louise Colet, 22 juillet 1852 L'amphithéùtre de l'HĂŽtel-Dieu donnait sur notre jardin. Que de fois, avec ma sƓur, n'avons-nous pas grimpĂ© au treillage et, suspendus entre la vigne, regardĂ© curieusement les cadavres Ă©talĂ©s ! Le soleil donnait dessus ; les mĂȘmes mouches qui voltigeaient sur nous et sur les fleurs allaient s'abattre lĂ , revenaient, bourdonnaient ! Comme j'ai pensĂ© Ă  tout cela, en la veillant pendant deux nuits, cette pauvre et chĂšre belle fille ! Je vois encore mon pĂšre levant la tĂȘte de dessus sa dissection et nous disant de nous en aller. Autre cadavre aussi, lui. [
] Comme j'ai bĂąti des drames fĂ©roces Ă  la Morgue, oĂč j'avais la rage d'aller autrefois, etc. ! Je crois du reste qu'Ă  cet endroit j'ai une facultĂ© de perception particuliĂšre ; en fait de malsain, je m'y connais. Tu sais quelle influence j'ai sur les fous et les singuliĂšres aventures qui me sont arrivĂ©es. Je serais curieux de voir si j'ai gardĂ© ma puissance. »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă  Louise Colet, 7-8 juillet 1853 Je me souviens d’avoir eu des battements de cƓur, d’avoir ressenti un plaisir violent en contemplant un mur de l’Acropole, un mur tout nu celui qui est Ă  gauche quand on monte aux PropylĂ©es. Eh bien ! Je me demande si un livre, indĂ©pendamment de ce qu’il dit, ne peut pas produire le mĂȘme effet. Dans la prĂ©cision des assemblages, la raretĂ© des Ă©lĂ©ments, le poli de la surface, l’harmonie de l’ensemble, n’y a-t-il pas une vertu intrinsĂšque, une espĂšce de force divine, quelque chose d’éternel comme un principe ? je parle en platonicien. Ainsi pourquoi y a-t-il un rapport nĂ©cessaire entre le mot juste et le mot musical ? Pourquoi arrive-t-on toujours Ă  faire un vers quand on resserre trop sa pensĂ©e ? La loi des Nombres gouverne donc les sentiments et les images, et ce qui paraĂźt ĂȘtre l’extĂ©rieur est tout bonnement le dedans ? »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă  Georges Sand, 3 avril 1876
LeRevenant Lyrics: Calme, confortable, officiel / En un mot rĂ©sidentiel / Tel Ă©tait le cimetiĂšre oĂč / Cet imbĂ©cile avait son trou / Comme il ne reconnaissait pas / Le bien-fondĂ© de son
Georges Brassens Jean Bertola TransposerGeorges Brassens Jean BertolaSong A A C7Calme, confortable, officiel, Fm CmEn un mot rĂ©sidentiel, D A Tel Ă©tait le cimetiĂšre oĂč, B7 E7 Cet imbĂ©cile avait son trou. C E7 Comme il ne reconnaissait pas, Am EmLe bien-fondĂ© de son trĂ©pas, F C L'a voulu faire, aberration ! Fm C G7 C E7Sa petite rĂ©surrection. A C7Les vieux morts, les vieux ici-gĂźt », Fm CmLes braves sĂ©pulcres blanchis, D A InsistĂšrent pour qu'il revĂźnt, B7 E7Sur sa dĂ©cision mais en vain. C E7 L'ayant astiquĂ©e, il remit, Am EmSur pied sa vieille anatomie, F C Et tout pimpant, tout satisfait, Fm C G7 C E7Prit la clef du champ de navets. A C7Chez lui s'en Ă©tant revenu, Fm CmSon chien ne l'a pas reconnu D A Et lui croque en deux coups de dents, B7 E7Un des os les plus importants. C E7 En guise de consolation, Am EmPensa faire une libation, F C Boire un coup de vin gĂ©nĂ©reux, Fm C G7 C E7Mais tous ses tonneaux sonnaient creux. A C7Quand dans l'alcĂŽve il est entrĂ©, Fm CmEmbrasser sa veuve Ă©plorĂ©e, D A Il jugea d'un simple coup d'Ɠil, B7 E7Qu'elle ne portait plus son deuil. C E7 Il la trouve se rĂ©chauffant, Am EmAvec un salaud de vivant, F C Alors chancelant dans sa foi, Fm C G7 C E7Mourut une seconde fois. A C7La commĂšre au potron-minet, Fm CmRamassa les os qui traĂźnaient D A Et pour une bouchĂ©e de pain, B7 E7 Les vendit Ă  des carabins. C E7 Et, depuis lors, ce macchabĂ©e, Am EmDans l'amphithéùtre tombĂ©, F C Malheureux, poussiĂ©reux, transi, Fm C G7 E7Chante Ah ! ce qu'on s'emmerde ici » ! F C Malheureux, poussiĂ©reux, transi, Fm C G7 CChante Ah ! ce qu'on s'emmerde ici » ! Georges Brassens > Le Revenant >

Compterendu d'une équipe E&R présente à la Manif pour Tous du 21 avril 2013 à Paris. Filmé au téléphone portable, pour une meilleure lecture

Chapitre I Dans quelles contrĂ©es les apĂŽtres ont prĂȘchĂ© le Christ 1 Les affaires des Juifs en Ă©taient lĂ  ; les saints apĂŽtres et disciples de notre Sauveur se trouvaient alors dispersĂ©s par toute la terre. Thomas selon la tradition reçut en partage le pays des Parthes, AndrĂ© eut la Scythie, Jean, l’Asie oĂč il vĂ©cut ; sa mort eut lieu Ă  EphĂšse. 2 Pierre paraĂźt avoir prĂȘchĂ© dans le Pont, en Galatie, en Bithynie, en Cappadoce et en Asie aux juifs de la dispersion. Venu lui aussi Ă  Rome en dernier lieu, il y fut crucifiĂ© la tĂȘte en bas, ayant demandĂ© de souffrir ainsi. 3 ; Que dire de Paul ? Depuis JĂ©rusalem jusqu’à l’Illyricum, il acheva la prĂ©dication de l’évangile du Christ et fut enfin martyrisĂ© Ă  Rome sous NĂ©ron. VoilĂ  ce qui est dit textuellement par OrigĂšne, dans son troisiĂšme livre de ses Expositions sur la GenĂšse. Chapitre II Qui fut le remier chef de l’Église des romains AprĂšs le martyre de Paul et de Pierre, Lin le premier obtint la charge Ă©piscopale de l’église des Romains. Paul fait mention de lui, lorsqu’il Ă©crit de Rome Ă  TimothĂ©e, dans la salutation Ă  la fin de l’épitre. Chapitre III Les Ă©pĂźtres des apĂŽtres 1 Une seule Ă©pĂźtre de Pierre, celle qu’on appelle la premiĂšre, est incontestĂ©e. Les anciens presbytres s’en sont servis dans leurs Ă©crits comme d’un document indiscutĂ©. Quand Ă  celle qu’on prĂ©sente comme la seconde, nous avons appris qu’elle n’était pas testamentaire ; mais parce qu’elle a paru utile Ă  beaucoup, on l’a traitĂ©e avec respect ainsi que les autres Ă©critures. 2Pour ce qui est des Actes qui portent son nom, de l’Évangile qu’on lui attribue, de ce qu’on appelle sa PrĂ©dication et son Apocalypse, nous savons qu’ils n’ont absolument pas Ă©tĂ© transmis parmi les Ă©crits catholiques, et qu’aucun Ă©crivain ecclĂ©siastique ancien ou contemporain ne s’est servi de tĂ©moignages puisĂ©s en eux. 3 Dans la suite de cette histoire, je ferai Ɠuvre utile en mentionnant, avec les successions, ceux des Ă©crivains ecclĂ©siastiques qui se sont servis en leur temps des Ă©crits contestĂ©s, de quels Ă©crits ils se sont servis, ce qui est dit par eux, soit des Ă©critures testamentaires et reconnues, soit de celles qui ne le sont pas. 4Mais de celles qui portent le nom de Pierre, dont je ne connais quune seule, authentique et admise par les presbytres anciens, voilĂ  tout ce qui est Ă  dire. 5 Pour les quatorze Ă©pĂźtres de Paul, au contraire, leur cas est clair et Ă©vident ; que certains cependant rejettent l’épĂźtre aux HĂ©breux, disant que l’Église de Rome nie qu’elle soit de Paul, il serait injuste de le mĂ©connaĂźtre. J’exposerai du reste en son temps ce qu’on en disait avant nous. Quant aux Actes qui portent son nom, je ne les ai pas reçus parmi les ceuvres incontestĂ©es. 6 Comme le mĂȘme apĂŽtre dans les salutations de la fin de l’épĂźtre aux Romains fait mention, entre autres, d’Hermas, on dit que le petit livre du Pasteur est de lui ; il est vrai que quelques-uns aussi le contestent et ne rangent pas cet Ă©crit parmi les authentiques d’autres pourtant estiment qu’il est trĂšs nĂ©cessaire Ă  ceux surtout qui ont besoin d’une introduction Ă©lĂ©mentaire. Du reste, nous savons qu’on le lit publiquement dans des Ă©glises, et j’ai constatĂ© que certains des Ă©crivains les plus anciens s’en sont servis. 7 VoilĂ  exposĂ© ce qui concerne les livres divins incontestĂ©s et ceux qui ne sont pas reconnus par tous, Chapitre IV La premiĂšre succession des apĂŽtres 1 Que Paul ait prĂȘchĂ© l’évangile aux Gentils dans les pays qui s’étendent de JĂ©rusalem Ă  l’Illyricum, et qu’il y ait jetĂ© les fondements des Ă©glises, nous en avons la preuve eu ses propres paroles comme aussi en ce que Luc a racontĂ© dans les Actes. 2Les termes dont Pierre est servi nous apprennent de mĂȘme dans quelles provinces il a annoncĂ© lui aussi le Christ Ă  ceux de la circoncision et leur a donnĂ© la doctrine du Nouveau Testament ; cela est clairement indiquĂ© dans l’épĂźtre que nous avons dit ĂȘtre reconnue comme de lui il l’adresse Ă  ceux des HĂ©breux de la dispersion qui se trouvaient dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie. 3 Combien, parmi les vĂ©ritables disciples de apĂŽtres, furent jugĂ©s dignes d’exercer dans les Ă©glises fondĂ©es par eux les fonctions de pasteur, et quels ils furent, il n’est pas facile de le dire, si ce n’est pour ceux dont recueille les noms dans les Ă©crits de Paul. 4Les compagnons de labeur de ce dernier furent d’ailleurs trĂšs nombreux et ils devinrent ses frĂšres d’armes, comme il les appelle beaucoup lui doivent un souvenir impĂ©rissable dans le tĂ©moignage incessant qu’il leur rend dans ses propres Ă©pĂźtres. Du reste, dans les Actes, Luc dĂ©signe lui aussi par leurs noms les disciples de Paul. 5Il est racontĂ© que TimothĂ©e obtint le premier le gouvernement de l’Église d’ÉphĂšse, de mĂȘme que Tite, lui aussi, celui des Ă©glises de CrĂšte. 6 Luc, issu d’une famille d’Antioche el mĂ©decin de profession, fut le plus longtemps le compagnon de Paul et vĂ©cut d’une façon suivie dans la sociĂ©tĂ© des autres apĂŽtres. Il nous a laissĂ© la preuve qu’il avait appris d’eux l’art de guĂ©rir les Ăąmes, puisqu’il nous a donnĂ© deux livres inspirĂ©s de Dieu l’Évangile, qu’il assure avoir composĂ© d’aprĂšs les indications de ceux qui, dĂšs le commencement, ont Ă©tĂ© les tĂ©moins oculaires et les serviteurs de la parole, et qu’il affirme avoir tous frĂ©quentĂ©s autrefois puis les Actes des ApĂŽtres, qu’il retrace non pas aprĂšs les avoir entendu raconter, mais aprĂšs les avoir vus de ses yeux. 7On dit que Paul a coutume de parler de l’évangile de Luc, comme d’une Ɠuvre qui lui est propre, lorsqu’il Ă©crit selon mon Ă©vangile ». 8 En ce qui concerne le reste de ses disciples, Paul atteste que Crescent est allĂ© dans les Gaules voyez l’Appendice. Lin, dont il mentionne la prĂ©sence Ă  Rome avec lui dans la seconde Ă©pĂźtre Ă  TimothĂ©e, reçut, comme premier successeur de Pierre, le gouvernement de l’église des Romains ainsi que nous l’avons dĂ©jĂ  dit auparavant. 9 Mais ClĂ©ment, lui aussi leur troisiĂšme Ă©vĂȘque, a Ă©tĂ© Ă©galement, au tĂ©moignage de Paul, son auxiliaire el le compagnon de ses combats. 10 En outre, l’ArĂ©opagite qui a nom Denis, celui dont Luc parle dans les Actes comme ayant cru le premier aprĂšs le discours de Paul Ă  l’ArĂ©opage, devint aussi le premier Ă©vĂȘque d’AthĂšnes ; ainsi le raconte un autre Denis, un des anciens et pasteur de l’Église de Corinthe. 11 Mais au fur et Ă  mesure que nous avancerons dans notre chemin, nous parlerons en son lieu de ce qui concerne la succession des apĂŽtres suivant les temps. Il faut maintenant poursuivre notre rĂ©cit. Chapitre V Dernier siĂšge des Juifs aprĂšs le Christ 1 NĂ©ron avait rĂ©gnĂ© treize ans [54-68] ; ses successeurs Galba et Othon, seulement dix-huit mois pour les deux [68-69]. Vespasien devenu cĂ©lĂšbre par ses combats contre les Juifs fut proclamĂ© empereur en JudĂ©e mĂȘme, par les armĂ©es qui s’y trouvaient. Il se mit aussitĂŽt en route pour Rome, laissant Ă  Titus son fils le soin de continuer la lutte. 2 AprĂšs l’ascension de notre Sauveur, les Juifs non contents de l’avoir fait pĂ©rir, dressĂšrent aux apĂŽtres des embĂ»ches sans nombre ; d’abord, Etienne fut lapidĂ©; ensuite, Jacques, fils de ZĂ©bĂ©dĂ©e et frĂšre de Jean, dĂ©capitĂ©; puis surtout, Jacques, qui avait obtenu le premier aprĂšs l’ascension de notre Sauveur le siĂšge Ă©piscopal de JĂ©rusalem, fut mis Ă  mort de la maniĂšre qui a Ă©tĂ© racontĂ©e. Le reste des apĂŽtres fut aussi l’objet de mille machinations dans le but de les mettre Ă  mort. ChassĂ©s de la JudĂ©e, ils entreprirent d’aller dans toutes les nations, pour enseigner et prĂȘcher avec la puissance du Christ qui leur avait dit Allez enseignez toutes les nations en mon nom ». 3 Le peuple de l’Église de JĂ©rusalem reçut, grĂące Ă  une prophĂ©tie qui avait Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e aux hommes notables qui s’y trouvaient, l’avertissement de quitter la ville avant la guerre et d’aller habiter une certaine ville de PĂ©rĂ©e que l’on nomme Pella. C’est lĂ  que se retirĂšrent les fidĂšles du Christ sortis de JĂ©rusalem. Ainsi la mĂ©tropole des Juifs et tout le pays de la JudĂ©e furent entiĂšrement abandonnĂ©s par les saints. La justice de Dieu restait au milieu de ceux qui avaient si grandement prĂ©variquĂ© contre le Christ et ses apĂŽtres, pour faire disparaĂźtre entiĂšrement du genre humain cette race d’hommes impies. 4Quels malheurs fondirent alors en tous lieux sur le peuple entier ; comment surtout les habitants de la JudĂ©e furent poussĂ©s jusqu’au comble de l’infortune ; combien de milliers d’hommes, Ă  la fleur de l’ñge, sans compter les femmes et les enfants, pĂ©rirent, par le glaive, la faim et cent autres genres de morts ; combien de villes juives furent assiĂ©gĂ©es et de quelle façon ; de quelles calamitĂ©s terribles et plus que terribles furent tĂ©moins ceux qui s’étaient rĂ©fugiĂ©s Ă  JĂ©rusalem, comme dans une mĂ©tropole fortement dĂ©fendue ; quel fut le caractĂšre de cette guerre et quelle fut la suite des Ă©vĂ©nements qui s’y succĂ©dĂšrent ; comment, Ă  la fin, l’abomination de la dĂ©solation annoncĂ©e par les prophĂštes s’établit dans le temple de Dieu, si illustre autrefois, et qui n’attendait plus que la ruine complĂšte et l’action destructive des flammes quiconque voudra connaĂźtre exactement tout cela pourra le trouver dans l’histoire de JosĂšphe. 5 Toutefois il est indispensable de transcrire ici les termes mĂȘmes dans lesquels cet Ă©crivain rapporte comment une multitude de trois millions d’hommes qui avait affluĂ© de toute la JudĂ©e au temps de la fĂȘte de PĂąques fut enfermĂ©e dans JĂ©rusalem ainsi que dans une prison. 6 Il fallait en effet qu’en ces mĂȘmes jours oĂč ils s’étaient efforcĂ©s d’accabler des souffrances de la passion le sauveur et bienfaiteur de tous, le Christ de Dieu, ils fussent rassemblĂ©s comme dans une prison pour recevoir la mort que leur destinait la divine justice. 7 Je ne donnerai pas le dĂ©tail des maux qui leur arrivĂšrent ; je laisserai ce qui fut tentĂ© contre eux par le glaive ou autrement. Seulement’ je crois nĂ©cessaire d’exposer les tortures que leur causa la faim afin que ceux qui liront ce rĂ©cit puissent savoir en partie comment leur vint le chĂątiment du ciel qui punit sans tarder le crime commis contre le Christ de Dieu, Chapitre VI La famine qui les accabla 1 Prenons donc Ă  nouveau le cinquiĂšme livre des Histoires de JosĂšphe et lisons le tragique rĂ©cit des Ă©vĂ©nements qu’il y raconte Pour les riches, dit-il, rester, c’était la mort sous prĂ©texte qu’ils voulaient dĂ©serter, on les tuait pour s’emparer de leurs biens. Du reste, avec la famine, la fureur des rĂ©voltĂ©s augmentait, et de jour en jour ces deux flĂ©aux ne faisaient que croĂźtre. 2 Comme on ne voyait plus de blĂ©, ils entraient de force dans les maisons pour en chercher. Lorsqu’ils en dĂ©couvraient, ils maltraitaient cruellement les gens pour avoir niĂ© qu’ils en avaient, et, lorsqu’ils n’en trouvaient pas, pour l’avoir trop bien cachĂ©. On jugeait Ă  l’aspect de ces malheureux s’ils en avaient ou non ; s’ils tenaient encore debout, sĂ»rement ils Ă©taient pourvus de provisions ; s’ils Ă©taient extĂ©nuĂ©s, on les laissait tranquilles il semblait hors de propos de tuer ceux qui allaient incessamment mourir de faim. 3Beaucoup Ă©changeaient leur bien en cachette, les riches contre une mesure de froment, les pauvres contre une mesure d’orge. Ensuite, ils s’enfermaient au plus profond de leurs demeures ; les uns Ă©taient dans un tel besoin, qu’ils mangeaient leur blĂ© sans le prĂ©parer ; les autres le faisaient cuire quand la faim et la crainte le leur permettait. 4 On ne mettait plus de table ; on retirait du feu les mets encore crus et on les dĂ©chirait. La nourriture Ă©tait misĂ©rable et c’était un spectacle digne de larmes, de voir ceux qui avaient la force, se gorger de nourriture, et les faibles rĂ©duits Ă  gĂ©mir. 5 La douleur de la faim dĂ©passe toutes les autres et ne dĂ©truit rien comme la pudeur on foule aux pieds ce qu’en d’autres temps on entourerait de respect. Les femmes arrachaient les aliments de la bouche de leurs maris, les enfants de celle de leur pĂšres et, ce qui est plus digne encore de compassion, les mĂšres de celle de leurs enfants. Elles voyaient sĂ©cher dans leurs mains ce qu’elles avaient de plus cher et elles ne rougissaient pas de leur enlever le lait qui Ă©tait le soutien de leur vie. 6 Encore ne pouvait-on prendre une pareille nourriture sans ĂȘtre dĂ©couvert ; les insurgĂ©s Ă©taient partout et la rapine avec eux. Voyaient-ils une maison close ? C’était le signe qu’il y avait des provisions ; ils en brisaient aussitĂŽt les portes, y faisaient irruption, et retiraient presque les morceaux de la bouche pour les emporter. 7 Les vieillards qui refusaient de lĂącher les mets qu’ils tenaient, Ă©taient battus ; on arrachait les cheveux aux femmes qui cachaient ce qu’elles tenaient en leurs mains. Il n’y avait de pitiĂ© ni pour les cheveux blancs, ni pour les petits. On soulevait les enfants qui se suspendaient aux mets qu’ils mangeaient et on les jetait Ă  terre. Ceux qui voulaient prĂ©venir les voleurs et avaler ce qu’on allait leur ravir Ă©taient regardĂ©s comme des malfaiteurs et traitĂ©s plus cruellement. 8 Les brigands inventĂšrent des supplices affreux pour arriver Ă  dĂ©couvrir des vivres ; ils obstruaient avec des vesces le canal de l’urĂštre et enfonçaient dans le rectum des bĂątons pointus. On endurait ainsi des tourments dont le seul rĂ©cit fait frĂ©mir et qui avaient pour but de faire avouer qu’on possĂ©dait un pain ou qu’on savait oĂč l’on trouverait une poignĂ©e d’orge. 9Les bourreaux du reste ne souffraient pas de la faim leur cruautĂ© aurait paru moins odieuse si elle avait eu pour excuse la nĂ©cessitĂ© ; mais ils affichaient un orgueil insensĂ© et entassaient des vivres pour les jours Ă  venir. [10] Ils allaient Ă  la rencontre de ceux qui s’étaient glissĂ©s la nuit en rampant vers les avant-postes romains pour y recueillir quelques lĂ©gumes sauvages ou quelques herbes. Quand ces malheureux paraissaient hors de portĂ©e des traits ennemis, les brigands leur enlevaient leur butin. Souvent les victimes suppliaient et invoquaient le nom terrible de Dieu, pour recouvrer au moins une partie de ce qu’ils avaient apportĂ© au pĂ©ril de leur vie ; on ne leur rendait rien, et c’était assez pour eux de n’avoir pas Ă©tĂ© mis Ă  mort et d’ĂȘtre seulement volĂ©s. 11 JosĂšphe ajoute un peu plus loin Tout espoir de salut s’évanouit pour les Juifs avec la possibilitĂ© de sortir, et l’abĂźme de la faim se creusant engloutit le peuple par maison et par famille. Les terrasses Ă©taient remplies de femmes qui Ă©taient mortes avec leurs nourrissons ; les cadavres des vieillards encombraient les rues. 12 Les enfants et les jeunes gens enflĂ©s erraient comme des fantĂŽmes sur les places et tombaient lĂ  mĂȘme oĂč le mal les avait saisis. Il Ă©tait impossible aux malades d’enterrer leurs parents et ceux qui en avaient encore la force refusaient de le faire parce que les morts Ă©taient trop nombreux et que leur sort Ă  eux-mĂȘmes Ă©tait incertain. Beaucoup en effet suivaient dans la mort ceux qu’ils avaient ensevelis ; beaucoup venaient Ă  leur sĂ©pulcre avant l’heure Ă  laquelle ils devaient y entrer. 13 Dans ces calamitĂ©s, il n’y avait ni larmes ni gĂ©missements ; la faim maĂźtrisait mĂȘme les passions de l’ñme. Ceux qui agonisaient ainsi, voyaient d’un Ɠil sec mourir ceux qui les devançaient. Un morne silence planait sur la ville ; elle Ă©tait pleine de la nuit de la mort. Le flĂ©au des brigands Ă©tait plus dur que tout le reste. 14 Ces monstres fouillaient les maisons devenues des tombeaux pour y dĂ©pouiller les morts ; ils arrachaient et emportaient en riant les voiles qui couvraient les cadavres ; ils essayaient sur leurs membres la pointe de leurs glaives, et parfois perçaient de malheureux abandonnĂ©s qui respiraient encore, pour Ă©prouver leur fer. Parmi ceux-ci, quelques-uns les suppliaient de leur prĂȘter l’aide de leurs mains et de leurs Ă©pĂ©es ; mais ils s’en allaient et les laissaient avec mĂ©pris aux tortures de la faim alors chacun des moribonds tournait fixement ses regards vers le temple, laissant de cĂŽtĂ© les insurgĂ©s vivants. 15Les sĂ©ditieux firent d’abord ensevelir les morts aux frais du trĂ©sor public pour n’avoir pas Ă  en supporter l’odeur ; mais ensuite ils n’y suffirent plus et l’on fit jeter les cadavres dans les ravins par-dessus les murailles. Titus, en visitant ces derniers, les trouva remplis de corps en putrĂ©faction ; il vit l’humeur empestĂ©e qui en coulait avec abondance ; il gĂ©mit et, levant les mains, il prit Dieu Ă  tĂ©moin que ce n’était point lĂ  son Ɠuvre ». 16 AprĂšs avoir parlĂ© d’autre chose, JosĂšphe poursuit Je n’hĂ©siterai pas Ă  dire ce que m’ordonne la douleur. Si les Romains avaient Ă©tĂ© impuissants contre ces monstres, je crois que la ville aurait Ă©tĂ© engloutie par un tremblement de terre, ou submergĂ©e dans un dĂ©luge, ou anĂ©antie par le feu de Sodome car elle contenait une race d’hommes beaucoup plus impie que celle qui fut ainsi chĂątiĂ©e. Tout le peuple pĂ©rit par leur fureur insensĂ©e ». 17 Au sixiĂšme livre, l’historien juif Ă©crit encore Le nombre de ceux que torturait la faim et qui moururent fut infini dans la ville, et les maux qui survinrent indicibles. Dans chaque maison, en effet, s’il apparaissait quelque ombre de nourriture, c’était la guerre ; ceux qu’unissait la plus Ă©troite affection en venaient aux mains et s’arrachaient les aliments d’une vie misĂ©rable. La mort elle-mĂȘme n’était pas une preuve suffisante de dĂ©nuement. [18] Les voleurs fouillaient mĂȘme ceux qui exhalaient leur dernier souffle pour voir s’ils ne simulaient pas la mort afin de cacher des vivres dans leur sein. Les hommes affamĂ©s allaient la bouche ouverte comme des chiens enragĂ©s, trĂ©buchaient, tombant contre les portes comme des gens ivres et revenant sans en avoir conscience, deux ou trois fois dans la mĂȘme heure Ă  la mĂȘme maison. 19 La nĂ©cessitĂ© les amenait Ă  se mettre sous la dent tout ce qu’ils rencontraient, et ce que les plus vils animaux auraient refusĂ©, ils le ramassaient pour le manger. Ils s’emparaient des baudriers, puis des semelles et mĂąchaient le cuir des boucliers rĂ©duit en laniĂšres. D’autres se nourrissaient de la poussiĂšre de vieux foin ; car quelques-uns ayant recueilli des fĂ©tus, en vendaient une petite quantitĂ© au prix de quatre attiques. 20 Mais pourquoi rappeler l’impudence des affamĂ©s en ce qui concerne des objets inanimĂ©s ? Je .vais raconter un fait inouĂŻ chez les Grecs comme chez les barbares, affreux Ă  dire et incroyable Ă  entendre. Qu’on ne pense pas que je veuille duper ceux qui me liront un jour, j’aurais avec plaisir passĂ© sous silence une pareille calamitĂ© si elle ne m’eĂ»t Ă©tĂ© attestĂ©e par des tĂ©moins sans nombre au reste ce serait faire Ă  ma patrie une pauvre grĂące que de dissimuler en mon rĂ©cit les maux qu’elle a soufferts. 21 Parmi les Juifs qui habitaient au delĂ  du Jourdain, se trouvait une femme appelĂ©e Marie, fille d’ÉlĂ©azar, du bourg de BathĂ©zor, terme qui signifie maison d’hysope. Sa famille et sa condition Ă©taient honorables. Elle s’était rĂ©fugiĂ©e avec tant d’autres Ă  JĂ©rusalem et se trouvait parmi les assiĂ©gĂ©s. 22 Les tyrans lui avaient volĂ© tous les biens qu’elle avait rassemblĂ©s en PĂ©rĂ©e et amenĂ©s Ă  la ville. Chaque jour, des gens armĂ©s faisaient irruption chez elle, dans le soupçon qu’il y eĂ»t encore des vivres et lui enlevaient le reste de son avoir Une terrible indignation s’empara de cette femme Ă  chaque instant, elle injuriait et maudissait les brigands, cherchant Ă  les exciter contre elle. 23 Ni l’irritation ni la pitiĂ© ne les porta Ă  lui donner la mort. Alors, fatiguĂ©e de chercher pour d’autres des aliments qu’il n’était plus possible de trouver nulle part, sentant ses entrailles et ses moelles brĂ»lĂ©es par la faim, l’ñme enflammĂ©e plus encore par la vengeance, elle prit conseil de sa colĂšre et de la nĂ©cessitĂ©, et se rĂ©volta contre la nature elle-mĂȘme. Elle avait un enfant attachĂ© Ă  la mamelle, elle le prit. 24 Malheureux enfant, dit-elle, pour qui te conserverais-je, au milieu d’une pareille guerre, dans une telle famine et une telle rĂ©volte ? La servitude chez les Romains, voilĂ  notre sort, si toutefois nous vivons jusqu’à leur victoire ; mais auparavant, c’est la faim, et les insurgĂ©s plus terribles que l’une et l’autre. Allons, sois pour moi une nourriture ; pour les sĂ©ditieux, une furie vengeresse ; pour l’humanitĂ©, un sujet de lĂ©gende, le seul qui manque encore aux malheurs des Juifs ». 25 Tandis qu’elle parlait encore, elle tue son enfant ; puis, elle le fait cuire et en mange la moitiĂ© le surplus, elle le cache et le met en rĂ©serve. AussitĂŽt les factieux arrivent et flairent l’odeur de cette chair impie ; ils menacent cette femme et la somment de leur donner le mets qu’elle a prĂ©parĂ© ; sinon, elle va ĂȘtre Ă©gorgĂ©e sur l’heure. Elle leur rĂ©pond qu’elle leur en a gardĂ© une belle part et leur dĂ©couvre les restes de son enfant. 26Ils sont aussitĂŽt frappĂ©s de stupeur et d’effroi, immobiles devant un pareil spectacle. C’est mon fils, leur disait-elle, c’est mon Ɠuvre. Mangez, j’en ai goĂ»tĂ© moi-mĂȘme. Ne soyez pas plus dĂ©licats qu’une femme ni plus attendris qu’une mĂšre. Si dans votre piĂ©tĂ©, vous vous dĂ©tournez de mon sacrifice, j’en ai mangĂ© Ă  votre intention que le reste soit Ă  la mienne ». 27 Alors ils sortirent en tremblant ; une fois du moins ils eurent peur, et ils laissĂšrent Ă  regret Ă  cette mĂšre un pareil aliment. La ville entiĂšre retentit bientĂŽt du rĂ©cit de cette atrocitĂ© ; chacun croyait avoir cette tragĂ©die devant les yeux, et il en frissonnait comme s’il en avait Ă©tĂ© lui-mĂȘme l’auteur. 28 Il y eut alors de la part des affamĂ©s comme un entrain vers la mort, et on estimait heureux ceux qui avaient pĂ©ri avant d’ĂȘtre les tĂ©moins de tels malheurs ». Tel fut le chĂątiment des Juifs, en punition du crime et de l’impiĂ©tĂ© qu’ils avaient commis contre le Christ de Dieu. Chapitre VII Les prĂ©dictions du Christ 1 Il est Ă  propos de leur mettre sous les yeux les prĂ©dictions si vraies de notre Sauveur oĂč toutes ces calamitĂ©s Ă©taient annoncĂ©es en ces termes Malheur aux femmes enceintes et Ă  celles qui allaitent en ces jours. Priez pour que votre fuite n’ait pas lieu en hiver ou un jour de sabbat. Car il y aura alors une grande affliction, telle qu’il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde et telle qu’il n’y en aura plus ensuite ». 2 L’écrivain, supputant le chiffre total des morts, dit qu il pĂ©rit onze cent mille personnes par la faim et le glaive. Les factieux et les brigands qui survĂ©curent, se dĂ©noncĂšrent mutuellement aprĂšs la prise de la ville et furent mis Ă  mort. Les jeunes gens les plus grands et les plus distinguĂ©s par leur beautĂ© furent rĂ©servĂ©s pour le triomphe. Quant au reste de la multitude, ceux qui avaient plus de dix-sept ans furent, les uns enchaĂźnĂ©s et envoyĂ©s aux travaux d’Égypte, les autres en plus grand nombre, distribuĂ©s aux provinces pour mourir dans les amphithéùtres par le fer ou les bĂȘtes. Ceux qui n’avaient pas dix-sept ans furent emmenĂ©s prisonniers pour ĂȘtre vendus. Ces derniers Ă  eux seuls Ă©taient Ă  peu prĂšs quatre-vingt-dix mille . 3 Ainsi s’accomplirent ces Ă©vĂ©nements dans la seconde annĂ©e du rĂšgne de Vespasien [70 aprĂšs selon les paroles prophĂ©tiques de notre Seigneur et Sauveur JĂ©sus-Christ. GrĂące Ă  son pouvoir divin, il les avait contemplĂ©s d’avance comme des rĂ©alitĂ©s prĂ©sentes. Il avait pleurĂ© et sanglotĂ©, suivant le texte des saints Ă©vangiles, qui nous rapportent ses propres paroles, quand il s’adressait pour ainsi dire Ă  JĂ©rusalem elle-mĂȘme 4 Si du moins, tu connaisssais en ce jour, ce qui peut t’apporter la paix ! Mais maintenant cela est cachĂ© Ă  tes yeux ! Des jours viendront sur toi, oĂč tes ennemis t’entoureront de retranchements, t’investiront, te presseront de toutes parts et te renverseront Ă  terre toi et tes enfants ».5 Et maintenant au sujet du peuple Il y aura une grande dĂ©tresse sur la terre et la colĂšre sera sur ce peuple. Ils tomberont dĂ©vorĂ©s par le glaive, ils seront emmenĂ©s en captivitĂ© dans toutes les nations. Et JĂ©rusalem sera foulĂ©e aux pieds par les Gentils jusqu’à ce que leurs temps soient accomplis ». Et encore Lorsque vous verrez JĂ©rusalem assiĂ©gĂ©e par une armĂ©e, sachez que sa dĂ©solation est proche ». 6 Si on compare les paroles du Sauveur avec les rĂ©cits de l’historien oĂč il retrace toute cette guerre, comment ne serait-on pas Ă©tonnĂ© et n’avouerait-on pas que cette prescience et cette prĂ©diction de l’avenir Ă©taient, chez le Sauveur, vĂ©ritablement divines et extraordinaires. 7 Pour ce qui est arrivĂ© Ă  tout le peuple aprĂšs la passion du Sauveur, aprĂšs les cris par lesquels la multitude des Juifs demandait la grĂące d’un voleur et d’un assassin et suppliait qu’on fĂźt disparaĂźtre de son sein l’auteur de la vie, il n’y a rien Ă  ajouter aux histoires. 8 Il est cependant juste de joindre une remarque qui montre bien la misĂ©ricorde delĂ  toute bonne Providence. AprĂšs le crime audacieux commis contre le Christ, elle attendit quarante annĂ©es entiĂšres pour dĂ©truire les coupables pendant ce laps de temps, le plus grand nombre des apĂŽtres et des disciples, ainsi que Jacques lui-mĂȘme, le premier Ă©vĂȘque de ce pays, appelĂ© le frĂšre du Seigneur, Ă©taient encore de ce monde et vivaient dans la ville de JĂ©rusalem ; ils Ă©taient pour elle comme un trĂšs puissant rempart. 9La vigilance de Dieu avait Ă©tĂ© jusqu’alors patiente peut-ĂȘtre ces gens se repentiraient-ils de ce qu’ils avaient fait et obtiendraient-ils le pardon et le salut. En outre de cette longanimitĂ©, le ciel leur envoya des signes extraordinaires de ce qui allait leur arriver, s’ils persĂ©vĂ©raient dans leur endurcissement. Ces prĂ©sages ont Ă©tĂ© jugĂ©s dignes de mĂ©moire par l’historien citĂ© plus haut ; le mieux est de les rapporter ici pour ceux qui liront cet ouvrage. Chapitre VIII Les signes avant la guerre 1 Prenez donc le sixiĂšme livre des Histoires et lisez ce qu’il y expose en ces termes Les sĂ©ducteurs Ă©garaient alors ce malheureux peuple elle trompaient au sujet de Dieu, en sorte qu’il ne donnait point d’attention, et ne croyait pas aux prĂ©sages qui annonçaient si clairement la dĂ©vastation future. Ainsi que des gens Ă©tourdis par la foudre qui n’ont plus l’usage de leurs yeux ni de leur esprit, les Juifs n’attachaient aucune importance aux avertissements de Dieu. 2 Ce fut d’abord un astre qui parut sur la ville sous la forme d’un glaive et une comĂšte qui resta suspendue pendant une annĂ©e. Ensuite, avant la dĂ©fection et le soulĂšvement pour la guerre, au moment oĂč le peuple Ă©tait rĂ©uni pour la fĂȘte des azymes, le huit du mois Xantique, Ă  la neuviĂšme heure de la nuit, une telle lumiĂšre environna l’autel et le temple qu’on crut ĂȘtre en plein jour, et cela dura une demi-heure les ignorants y virent un bon prĂ©sage, mais les scribes comprirent tout de suite avant que les choses ne fussent arrivĂ©es. 3 Au temps de la mĂȘme fĂȘte, une vache, amenĂ©e par le grand prĂȘtre pour le sacrifice, mit bas un agneau au milieu du temple. 4 La porte orientale de l’intĂ©rieur du temple Ă©tait d’airain et si lourde que vingt hommes avaient grand’ peine Ă  la fermer le soir ; elle Ă©tait close par des verrous en fer et munie de targettes trĂšs profondes Ă  la sixiĂšme heure de la nuit, on la-vit s’ouvrir d’elle-mĂȘme. 5 Peu de jours aprĂšs la fĂȘte, le vingt et uniĂšme du mois ArtĂ©misios, on vit le spectre d’un dĂ©mon plus grand qu’on ne peut croire. Ce que je dois raconter semblerait fabuleux, si le rĂ©cit n’en Ă©tait pris de tĂ©moins oculaires et si les maux qui suivirent n’avaient Ă©tĂ© dignes des prĂ©sages eux-mĂȘmes. Avant le coucher du soleil, on aperçut sur tout le pays des chars aĂ©riens et des phalanges armĂ©es qui s’élançaient des nuages et entouraient les villes. 6Lors de la fĂȘte appelĂ©e PentecĂŽte, pendant la nuit, les prĂȘtres venus au temple selon leur coutume,, pour leur office, dĂ©clarĂšrent avoir entendu d’abord des bruits de pas, un tumulte, puis des voix nombreuses qui disaient Sortons d’ici ». 7 Mais voici qui est encore plus effrayant Un homme appelĂ© JĂ©sus, fils d’Ananie, homme simple, un paysan, quatre ans avant la guerre, alors que la ville Ă©tait en pleine paix et prospĂ©ritĂ©, vint Ă  la fĂȘte oĂč tous ont coutume de dresser des tentes en l’honneur de Dieu. Tout Ă  coup il se mit Ă  crier Ă  travers le temple Voix de l’orient, voix du couchant, voix des quatre vents, voix sur JĂ©rusalem et sur le temple, voix sur les fiancĂ©s et les fiancĂ©es, voix sur tout le peuple ». Jour et nuit, il parcourait toutes les rues de la ville et poussait ce cri. 8 Quelques-uns des principaux du peuple indignĂ©s de ces paroles de mauvais augure le saisirent et l’accablĂšrent de coups ; mais lui continuait Ă  pousser la mĂȘme clameur devant eux, et cela, non pas de lui-mĂȘme, ni de son propre mouvement. 9 Les chefs pensaient que cette excitation Ă©tait plutĂŽt l’Ɠuvre d’un esprit, comme elle l’était. Ils conduisirent le malheureux auprĂšs du gouverneur romain voyez l’Appendice lĂ , on le dĂ©chira Ă  coups de fouets jusqu’aux os ; il ne laissait Ă©chapper ni priĂšre ni larme ; mais en cet Ă©tat, sa voix plaintive flĂ©chissait seulement de plus en plus avec ses forces, et Ă  chaque coup, il redisait Malheur Ă  JĂ©rusalem ». 10 JosĂšphe rapporte encore une autre prĂ©diction plus surprenante qu’il assure avoir trouvĂ©e dans les saintes Écritures, et annonçant qu’en ce temps quelqu’un sorti de leur pays commanderait Ă  la terre. Il croit qu’elle a Ă©tĂ© accomplie enVespasien ; 11 mais ce prince ne domina pas sur la terre entiĂšre, il rĂ©gna seulement sur les contrĂ©es soumises aux Romains. Il serait plus juste d’appliquer cette parole au Christ, Ă  qui son PĂšre a dit Demande-moi et je te donnerai les nations pour hĂ©ritag-e et pour ton bien les extrĂ©mitĂ©s de la terre ». Or Ă  cette Ă©poque mĂȘme, la voix des saints apĂŽtres Ă©tait allĂ©e dans l’univers entier et leur parole avait atteint les limites du monde. Chapitre IX JosĂšphe et les Ă©crits qu’il a laissĂ©s 1 AprĂšs tout ceci, il est bon de ne pas laisser ignorer ce qu’était JosĂšphe lui-mĂȘme, puisqu’il nous a tant aidĂ© dans le rĂ©cit des Ă©vĂ©nements qui nous occupent. D’oĂč vient-il ? quelle est sa race ? Il nous l’apprend lui-mĂȘme en ces termes JosĂšphe, fils de Matthias, prĂȘtre de JĂ©rusalem, fit d’abord la guerre aux Romains, puis se rapprocha d’eux par nĂ©cessitĂ© ». 2 Il fut de beaucoup le plus cĂ©lĂšbre des Juifs de son temps, non seulement auprĂšs de ses compatriotes, mais aux yeux mĂȘme des Romains, si bien qu’à Rome, on l’honora d’une statue et que ses livres furent jugĂ©s dignes des bibliothĂšques. 3 Il expose toute l’antiquitĂ© juive dans un ouvrage de vingt livres et il raconte en sept livres l’histoire de la guerre des Romains en son temps. Il affirme avoir rĂ©digĂ© ce dernier Ă©crit, non seulement en grec, mais encore dans sa langue maternelle ; il est digne d’ĂȘtre cru. 4On montre encore de lui deux livres qui mĂ©ritent d’ĂȘtre Ă©tudiĂ©s, Sur l’antiquitĂ© des Juifs c’est une rĂ©ponse au grammairien Apion qui Ă©crivait alors contre eux, ainsi qu’à d’autres gens qui prenaient Ă  tĂąche de calomnier les origines de la race juive. 5 Dans le premier de ces livres, il Ă©tablit le nombre des Ă©crits qui forment le testament appelĂ© ancien et montre ceux qui Ă©taient incontestĂ©s chez les HĂ©breux. Voici ce qu’il en dit en propres termes,, comme d’aprĂšs une tradition antique. Chapitre X Comment il mentionne les livres saints 1 On ne trouve pas chez nous une foule de livres en dĂ©saccord et en opposition les uns avec les autres ; nous’ en avons seulement vingt-deux. Ils nous prĂ©sentent le rĂ©cit de tous les Ăąges Ă©coulĂ©s et Ă  bon droit nous les croyons divins. 2 De ces livres, cinq sont de MoĂŻse. Ils embrassent les lois et la tradition de l’humanitĂ© depuis son origine, jusqu’à la mort de cet Ă©crivain, c’est-Ă -dire un peu moins de trois mille ans. 3 DelĂ  mort de MoĂŻse Ă  celle d’ArtaxerxĂšs, roi des Perses aprĂšs XerxĂšs, les prophĂštes qui vinrent aprĂšs MoĂŻse Ă©crivirent ce qui arriva, de leur temps en treize livres. Les quatre livres qui restent renferment des hymnes Ă  Dieu et des principes de conduite pour les hommes. 4 Depuis ArtaxerxĂšs jusqu’à nous, l’histoire de chaque Ă©poque a Ă©tĂ© Ă©crite ; mais les ouvrages qui la contenaient n’ont pas Ă©tĂ© jugĂ©s dignes de la crĂ©ance dont jouissent les livres antĂ©rieurs, car la succession des prophĂštes est moins exacte. 5La preuve Ă©vidente de notre vĂ©nĂ©ration pour nos Ă©crits est dans ce fait, que personne, aprĂšs tant de siĂšcles, n’a osĂ© ni ajouter, ni retrancher, ni changer le moindre dĂ©tail. Chaque Juif, dĂšs sa premiĂšre enfance, croit qu’ils contiennent les pensĂ©es mĂȘmes de Dieu, qu’il faut s’y tenir, et, au besoin, mourir volontiers pour eux ». 6 Il n’était pas inutile de citer ces paroles de JosĂšphe. Cet Ă©crivain a encore composĂ© un ouvrage qui n’est pas indigne de lui, Sur la toute puissance de la, raison. Certains l’ont intitulĂ© MacchabaĂŻcon, parce qu’il renferme les combats des HĂ©breux qui ont luttĂ© d’une façon virile pour la piĂ©tĂ© envers la DivinitĂ©, ainsi que le racontent les livres des MacchabĂ©es voyez l’Appendice. 7 Vers la fin du vingtiĂšme livre des AntiquitĂ©s, le mĂȘme auteur nous dit encore son intention d’écrire quatre livres concernant les croyances traditionnelles des Juifs sur Dieu et son essence, sur les lois, sur le motif pour lequel elles permettent certaines choses et en dĂ©fendent d’autres il rappelle aussi qu’il a encore Ă©tudiĂ© d’autres questions dans des traitĂ©s spĂ©ciaux. 8 Nous croyons en outre Ă  propos d’enregistrer aussi les paroles qui servent d’épilogue Ă  ses AntiquitĂ©s, pour confirmer le tĂ©moignage que nous lui avons empruntĂ©. Il y accuse de mensonge et de bien d’autres mĂ©faits, Juste de TibĂ©riade, qui avait essayĂ© de peindre aussi la mĂȘme Ă©poque que lui et il ajoute textuellement 9 Je ne crains pas un semblable traitement pour mes Ă©crits j’ai remis mes livres aux empereurs eux-mĂȘmes, alors qu’on voyait presque encore les faits que j’y raconte. Certain de ma vigilance Ă  dire la vĂ©ritĂ©, j’ai attendu leurs suffrages et je n’ai pas Ă©tĂ© déçu. 10 J’ai prĂ©sentĂ© mon rĂ©cit Ă  bien d’autres dont quelques-uns avaient pris part Ă  la guerre, comme le roi Agrippa et certains de ses parents. 11 L’empereur Titus a jugĂ© que la mĂ©moire de ces faits ne devait ĂȘtre transmise aux hommes que par ces seuls rĂ©cits et il a signĂ© de sa main un dĂ©cret ordonnant de publier officiellement mes livres. Le roi Agrippa d’autre part a adressĂ© soixante-deux lettres oĂč il atteste que j’ai dit la vĂ©ritĂ© ». JosĂšphe en cite deux ; mais en voilĂ  assez sur lui. Continuons notre rĂ©cit. Chapitre XI AprĂšs Jacques, SimĂ©on gouverne l’église de JĂ©rusalem 1 Apres le martyre de Jacques et la destruction de JĂ©rusalem qui arriva en ce temps, on raconte que ceux des apĂŽtres et des disciples du Seigneur qui Ă©taient encore en ce monde vinrent de partout et se rĂ©unirent en un mĂȘme lieu avec les parents du Sauveur selon la chair dont la plupart existaient Ă  cette Ă©poque. Ils tinrent conseil tous ensemble pour examiner qui serait jugĂ© digne de la succession de Jacques, et ils dĂ©cidĂšrent Ă  l’unanimitĂ© que SimĂ©on, fils de ce Clopas dont parle l’Évangile, Ă©tait capable d’occuper le siĂšge de cette Ă©glise il Ă©tait, dit-on, cousin du Sauveur HĂ©gĂ©sippe raconte en effet que Clopas Ă©tait le frĂšre de Joseph. Chapitre XII Vespasiens ordonne de rechercher les descendants de David 1 On rapporte en outre qu’aprĂšs la prise de JĂ©rusalem, Vespasien fit rechercher tous les descendants de David, afin qu’il ne restĂąt plus chez les Juifs, per- sonne qui fĂ»t de race royale. Ce leur fut un nouveau sujet de trĂšs grande persĂ©cution. Chapitre XIII Anaclet est le second Ă©vĂȘque des romains 1 Vespasien ayant rĂ©gnĂ© dix ans, l’empereur Titus, son fils, lui succĂšde la seconde annĂ©e de son rĂšgne [80-81], Lin, depuis douze ans Ă©vĂȘque de l’église des Romains, laisse sa charge Ă  Anaclet. Titus a pour successeur son frĂšre Domitien aprĂšs deux ans et autant de mois de rĂšgne [13 septembre 81]. Chapitre XIV Avilius est le second chef de l’église d’Alexandrie 1 La quatriĂšme annĂ©e de Domitien [84-85], Annianus, premier Ă©vĂȘque d’Alexandrie, aprĂšs avoir administrĂ© cette Ă©glise pendant vingt-deux ans entiers, meurt, et son successeur est Avilius, second Ă©vĂȘque. Chapitre XV AprĂšs lui, ClĂ©ment est le troisiĂšme 1 La douziĂšme annĂ©e du mĂȘme rĂšgne [92-93], Anaclet, ayant Ă©tĂ© Ă©vĂȘque de l’église des Romains douze ans, a pour successeur ClĂ©ment, que l’apĂŽtre, dans sa lettre aux Philippiens, le compagnon de son labeur par ces mots Avec ClĂ©ment et mes autres collaborateurs, dont les noms sont au livre de vie ». Chapitre XVI L’épĂźtre de ClĂ©ment 1 Il existe de celui-ci, acceptĂ©e comme authentique, une Ă©pĂźtre longue et admirable. Elle a Ă©tĂ© Ă©crite au nom de l’Église de Rome Ă  celle de Corinthe Ă  propos d’une dissension qui s’était alors Ă©levĂ©e Ă  Corinthe. En beaucoup d’églises, depuis longtemps et de nos jours encore, on la lit publiquement dans les rĂ©unions communes. Qu’un diffĂ©rend, Ă  cette Ă©poque, ait troublĂ© l’église de Corinthe, nous en avons pour garant digne de foi HĂ©gĂ©sippe. Chapitre XVII La persĂ©cution de Domitien 1 Domitien montra une grande cruautĂ© envers beaucoup de gens ; il fit tuer Ă  Rome sans jugement rĂ©gulier une foule !!de nobles et de personnages considĂ©rables ; d’autres citoyens illustres en trĂšs grand nombre furent aussi condamnĂ©s injustement Ă  l’exil hors des limites de l’empire et Ă  la confiscation des biens. Il finit par se montrer le successeur de NĂ©ron dans sa haine et sa lutte contre Dieu. Il souleva contre nous la seconde persĂ©cution, quoique Vespasien son pĂšre n’ait jamais eu de mauvais dessein Ă  notre endroit. Chapitre XVIII Jean l’apĂŽtre et l’Apocalypse 1 On raconte qu’à cette Ă©poque l’apĂŽtre et Ă©vangĂ©liste Jean vivait encore ; Ă  cause du tĂ©moignage qu’il avait rendu au Verbe de Dieu, il avait Ă©tĂ© condamnĂ©, par jugement, Ă  habiter l’üle de Patmos. 2 IrĂ©nĂ©e, Ă  propos du nombre produit par l’addition des lettres qui forment le nom de l’AntĂ©christ d’aprĂšs l’Apocalypse attribuĂ©e Ă  Jean, dit en propres termes ceci de Jean, dans le cinquiĂšme livre des HĂ©rĂ©sies 3 S’il eĂ»t fallu proclamer ouvertement Ă  notre Ă©poque le nom de l’AntĂ©christ, celui qui a vu la rĂ©vĂ©lation l’aurait fait. Car il la contempla il n’y a pas longtemps et presque dans notre gĂ©nĂ©ration, vers la fin du rĂšgne de Domitien ». 4 L’enseignement de notre foi brillait Ă  cette Ă©poque d’un tel Ă©clat que les Ă©crivains Ă©trangers Ă  notre croyance n’hĂ©sitent pas Ă  rapporter dans leurs histoires la persĂ©cution et les martyres qu’elle provoqua. Ils en fixent la date avec exactitude ; ils racontent que dans la quinziĂšme annĂ©e de Domitien, avec beaucoup d’autres, Flavia Domitilla elle-mĂȘme, fille d’une sƓur de Flavius GlĂ©mens, alors un des consuls de Rome 95 , fut relĂ©guĂ©e dans l’üle Pontia en punition de ce qu’elle avait rendu tĂ©moignage au Christ. Chapitre XIX Domitien ordonne de tuer les descendants de David 1 Le mĂȘme Domitien ordonna de dĂ©truire tous les Juifs qui Ă©taient de la race de David une ancienne tradition raconte que des hĂ©rĂ©tiques dĂ©noncĂšrent les descendants de Jude, qui Ă©tait, selon la chair, frĂšre du Sauveur, comme appartenant Ă  la race de David et parents du Christ lui-mĂȘme. C’est ce que montre HĂ©gĂ©sippe quand il s’exprime en ces termes Chapitre XX Les parents de notre Sauveur 1 Il y avait encore de la race du Sauveur les petitsfils de Jude qui lui-mĂȘme Ă©tait appelĂ© son frĂšre selon la chair on les dĂ©nonça comme descendants de David. l’evocatus les amena Ă  Domitien ; celui-ci craignait la venue du Christ, comme HĂ©rode. 2L’empereur leur demanda s’ils Ă©taient de la race de David ; ils l’avouĂšrent ; il s’enquit alors de leurs biens et de leur fortune ils dirent qu’ils ne possĂ©daient ensemble l’un et l’autre que neuf mille deniers, dont chacun avait la moitiĂ©; ils ajoutĂšrent qu’ils n’avaient pas cette somme en numĂ©raire, mais qu’elle Ă©tait l’évaluation d’une terre de trente-neuf plĂšthres, pour laquelle ils payaient l’impĂŽt et qu’ils cultivaient pour vivre. 3 Puis ils montrĂšrent leurs mains et, comme preuve qu’ils travaillaient eux-mĂȘmes, ils allĂ©guĂšrent la rudesse de leurs membres, et les durillons incrustĂ©s dans leurs propres mains, indice certain d’un labeur continu. 4 InterrogĂ©s sur le Christ et son royaume, sur la nature de sa royautĂ©, sur le lieu et l’époque de son apparition, ils firent cette rĂ©ponse, que le rĂšgne du Christ n’était ni du monde ni de la terre, mais cĂ©leste et angĂ©lique, qu’il se rĂ©aliserait Ă  la fin des temps, quand le Christ venant dans sa gloire jugerait les vivants et les morts et rendrait Ă  chacun selon ses Ɠuvres. 5 Domitien ne vit rien lĂ  qui fĂ»t contre eux ; il les dĂ©daigna comme des gens simples, les renvoya libres et un Ă©dit fit cesser la persĂ©cution contre l’ Une fois dĂ©livrĂ©s, ils dirigĂšrent les Ă©glises, Ă  la fois comme martyrs et parents du Seigneur, et vĂ©curent aprĂšs a paix jusqu’au temps de Trajan. 7 Tel est le rĂ©cit d’HĂ©gĂ©sippe. Du reste, celui de Tertullien nous raconte la mĂȘme chose sur Domitien Domitien essaya un jour de faire la mĂȘme chose que celui-ci ; il Ă©tait la monnaie de NĂ©ron pour la cruautĂ© ; mais comme il avait, je pense, quelque intelligence, il s’arrĂȘta bien vite et rappela mĂȘme ceux qu’il avait bannis ». 8 AprĂšs Domitien qui rĂ©gna quinze ans, Nerva obtint l’empire 96 ; les honneurs de Domitien furent abolis, le sĂ©nat des Romains vota une loi qui permit Ă  ceux qui Ă©taient injustement exilĂ©s de revenir chez eux et mĂȘme de recouvrer leurs biens ; c’est ce que racontent les historiens qui ont Ă©crit les Ă©vĂ©nements de cette Ă©poque. 9 Alors l’apĂŽtre Jean put donc, lui aussi, quitter l’üle oĂč il Ă©tait relĂ©guĂ©, pour s’établir Ă  ÉphĂšse ; c’est ce que rapporte une tradition de nos anciens. Chapitre XXI Cerdon est le troisiĂšme chef de l’église d’Alexandrie 1 Nerva ayant rĂ©gnĂ© un peu plus d’un an, Trajan lui succĂšde dans la premiĂšre annĂ©e de ce prince 98, Avilius ayant gouvernĂ© l’église d’Alexandrie pendant treize ans, fut remplacĂ© par Cerdon. Celui-ci Ă©tait le troisiĂšme des Ă©vĂȘques de ce pays ; Annianus avait Ă©tĂ© le premier. En ce temps, ClĂ©ment Ă©tait encore chef de l’église des Romains et lui aussi venait au troisiĂšme rang aprĂšs Paul et Pierre ; Lin avait Ă©tĂ© le premier Ă©vĂȘque et Anaclet le second. Chapitre XXII Le second chef de l’Église d’Antioche est Ignace 1 Mais Ă  Antioche, aprĂšs Evodius qui en fut le premier Ă©vĂȘque, en ce temps-lĂ , Ignace en a Ă©tĂ© le second voyez l’Appendice. SimĂ©on fut pareillement le second qui, aprĂšs le frĂšre de notre Sauveur, eut Ă  cette Ă©poque la charge de l’église de JĂ©rusalem. Chapitre XXIII Anecdote concernant l’apĂŽtre Jean 1 En ce temps en Asie, survivait encore Jean, celui que JĂ©sus aimait, qui fut Ă  la fois apĂŽtre et Ă©vangĂ©liste. Il gouvernait les Ă©glises de ce pays aprĂšs ĂȘtre revenu, Ă  la mort de Domitien, de l’üle oĂč il avait Ă©tĂ© exilĂ©. 2 Que jusqu’à cette Ă©poque, il fut encore de ce monde, deux tĂ©moins suffisent Ă  le prouver, et ils sont dignes de foi, ayant enseignĂ© l’orthodoxie ecclĂ©siastique ; l’un est IrĂ©nĂ©e, l’autre ClĂ©ment d’Alexandrie. 3 Le premier, au second livre de son ouvrage Contre les hĂ©rĂ©sies, Ă©crit ainsi en propres termes Tous les presbytres qui se sont rencontrĂ©s en Asie avec Jean le disciple du Seigneur, tĂ©moignent qu’il leur a transmis cela il demeura en effet parmi eux jusqu’aux temps de Trajan ». 4 Au troisiĂšme livre du mĂȘme traitĂ©, IrĂ©nĂ©e exposa encore la mĂȘme chose en ces termes Mais l’Église d’EphĂšse, fondĂ©e par Paul et oĂč demeura Jean jusqu’à l’époque de Trajan, est aussi un tĂ©moin vĂ©ritable de la tradition des apĂŽtres ». 5 ClĂ©ment nous indique Ă©galement cette date et il raconte une histoire fort utile Ă  entendre pour ceux qui se plaisent aux choses belles et profitables. Elle est dans son traitĂ© intitulĂ© Quel riche est sauvĂ©. Prenez-la et lisez-la, telle qu’elle est dans son texte 6 Ecoute une fable, qui n’est pas une fable, mais un rĂ©cit transmis par la tradition et gardĂ© par le souvenir, au sujet de Jean l’apĂŽtre. AprĂšs la mort du tyran, l’apĂŽtre quitta l’üle de Patmos pour EphĂšse et il alla appelĂ© par les pays voisins des Gentils, tantĂŽt y Ă©tablir des Ă©vĂȘques, tantĂŽt y organiser des Ă©glises complĂštement, tantĂŽt choisir comme clerc chacun de ceux qui Ă©taient signalĂ©s par l’Esprit. 7 Il vint donc Ă  l’une de ces villes qui Ă©taient proches, dont quelques-uns mĂȘme citent le nom. Il y consola d’abord les frĂšres. À la fin, il se tourna vers l’évĂȘque qui Ă©tait Ă©tabli lĂ  et apercevant un jeune homme dont le maintien Ă©tait distinguĂ©, le visage gracieux et l’ñme ardente Je te confie celui-lĂ  de tout cƓur, dit-il, l’Église et le Christ en sont tĂ©moins ». L’évĂȘque le reçut et promit tout l’apĂŽtre rĂ©pĂ©ta encore ses mĂȘmes recommandations et ses adjurations. 8 Puis il partit pour ÉphĂšse. Le presbytre prit chez lui le jeune homme qui lui avait Ă©tĂ© confiĂ©, l’éleva, le protĂ©gea, l’entoura d’affection et enfin l’éclaira. AprĂšs cela, il se relĂącha de son soin extrĂȘme et de sa vigilance lorsqu’il l’eut muni du sceau du Seigneur ainsi que d’une protection dĂ©finitive. 9 Le jeune homme en possession d’une libertĂ© prĂ©maturĂ©e fut gĂątĂ© par des compagnons d’ñge oisifs, dissolus et habituĂ©s au mal. D’abord, ils le conduisirent dans de splendides festins ; puis sortant aussi la nuit pour voler les vĂȘtements, ils l’emmenĂšrent ; plus tard, on le jugea propre Ă  coopĂ©rer Ă  quelque chose de plus grand. 10II s’y habitua peu Ă  peu, et, sous l’impulsion de sa nature ardente, semblable Ă  un coursier indomptĂ© et vigoureux qui ronge son frein, il sortit du droit chemin et s’élança vivement dans les prĂ©cipices. 11 Lorsqu’il eut enfin renoncĂ© au salut de Dieu, il ne s’arrĂȘta plus aux projets mĂ©diocres, mais il tenta quelque chose d’important et, puisqu’il Ă©tait perdu sans retour, il rĂ©solut de ressembler aux autres. Il les rassembla donc et forma avec eux une sociĂ©tĂ© de brigands. Il en devint le digne chef ; car il Ă©tait le plus violent, le plus sanguinaire et le plus dur. 12 Sur ces entrefaites et en raison d’un besoin survenu, on appela Jean il vint et traita les affaires pour lesquelles on l’avait mandĂ©. Puis il dit Allons, Ă©vĂȘque, rends-nous le dĂ©pĂŽt que le Christ et moi t’avons confiĂ© en prĂ©sence de l’église Ă  laquelle tu prĂ©sides ». 13 Celui-ci fut d’abord stupĂ©fait, pensant Ă  une somme d’argent qu’il n’avait pas reçue et pour laquelle on l’aurait dĂ©noncĂ© il ne pouvait croire Ă  un dĂ©pĂŽt qu’il n’avait pas, ni mettre en doute la parole de Jean Je te demande, reprit celui-ci, le jeune homme et l’ñme de ce frĂšre ». Le vieillard gĂ©mit profondĂ©ment et pleura. Il est mort, dit-il. — Comment et de quelle mort ? — Mort Ă  Dieu ; car il est parti, et est devenu mĂ©chant et perdu, en un mot, c’est un voleur ; et maintenant il tient la montagne qui est lĂ  en face de l’église avec une troupe d’hommes armĂ©s semblables Ă  lui ». 14L’apĂŽtre dĂ©chire son vĂȘtement, et avec un long sanglot se frappe la tĂȘte J’ai laissĂ©, dit-il, un bon gardien de l’ñme de mon frĂšre ! Mais qu’on m’amĂšne aussitĂŽt un cheval et que quelqu’un me serve de guide pour le chemin ». Et il sortit de l’église comme il Ă©tait. 15 ArrivĂ© Ă  l’endroit, il fut pris par l’avant-poste des brigands il ne chercha pas Ă  fuir, ne demanda rien, mais il s’écria C’est pour cela mĂȘme que je suis venu ; conduisez-moi Ă  votre chef ». 16Celui-ci prĂ©cisĂ©ment attendait en armes ; mais dĂšs qu’il reconnut Jean, il rougit et prit la fuite. L’apĂŽtre, oubliant son Ăąge, le poursuivait de toutes ses forces et lui criait 17 Pourquoi me fuis-tu, ĂŽ mon fils, moi ton pĂšre, un homme dĂ©sarmĂ©, un vieillard ? Aie pitiĂ© de moi, ĂŽ enfant ; ne crains pas, tu as encore des espĂ©rances de vie. Je donnerai pour toi ma parole au Christ ; s’il le fallait, je mourrais volontiers pour toi comme le Sauveur l’a fait pour nous. Je donnerai ma vie Ă  la place de la tienne. ArrĂȘte-toi ; aie confiance, c’est le Christ qui m’envoie ». 18 Le jeune homme obĂ©it et s’arrĂȘte. Il baisse la tĂȘte, puis jette ses armes, enfin se met Ă  trembler en versant des larmes amĂšres. Il entoure de ses bras le vieillard qui s’avançait, lui demande pardon, comme il peut, par ses gĂ©missements et il est baptisĂ© une seconde fois, dans ses larmes. Cependant il tenait encore sa main droite cachĂ©e. 19 L’apĂŽtre se porte caution, l’assure par serment qu’il a trouvĂ© pour lui misĂ©ricorde auprĂšs du Sauveur ; il prie, il tombe Ă  genoux, il baise la main droite elle-mĂȘme du jeune homme pour montrer qu’elle est purifiĂ©e par la pĂ©nitence. Jean le conduit ensuite Ă  l’église, intercĂšde pour lui dans de longues priĂšres, offre avec lui des jeĂ»nes prolongĂ©s et enchante son esprit par le charme variĂ© de ses discours. On dit qu’il ne le quitta pas avant de l’avoir fixĂ© dĂ©finitivement dans l’Église, offrant un grand exemple de vĂ©ritable repentir et une Ă©clatante preuve de renaissance, un trophĂ©e de rĂ©surrection visible ». Chapitre XXIV L’ordre des Évangiles 1 J’ai placĂ© ici ce passage de ClĂ©ment Ă  la fois pour l’information et pour l’utilitĂ© de ceux qui le rencontreront. Maintenant indiquons les Ă©crits incontestĂ©s de l’apĂŽtre Jean. 2 On doit d’abord recevoir comme authentique son Ă©vangile ; il est reconnu tel par toutes les Ă©glises qui sont sous le ciel. C’est Ă  bon droit que les anciens l’ont placĂ© au quatriĂšme rang aprĂšs les trois autres ; en voici le motif. 3 Les hommes inspirĂ©s et vraiment dignes de Dieu, je dis les apĂŽtres du Christ, purifiaient leur vie avec un soin extrĂȘme, ornant leur Ăąme de toute vertu. Mais ils connaissaient peu la langue ; la puissance divine qu’ils tenaient du Sauveur et qui opĂ©rait des merveilles Ă©tait leur assurance. Exposer les enseignements du maĂźtre avec l’habiletĂ© insinuante et l’art des discours leur Ă©tait inconnu et ils ne l’entreprenaient pas. Ils se contentaient de la manifestation de l’Esprit Saint qui les assistait et de la seule puissance du Christ qui agissait avec eux et faisait des miracles. Ils annonçaient Ă  l’univers entier la connaissance du royaume des cieux sans le moindre souci d’écrire des ouvrages. 4 Ils faisaient cela pour accomplir un ministĂšre sublime et au-dessus de l’homme. Paul, le plus puissant d’ailleurs dans l’art de tout discours et le plus habile dans les pensĂ©es, ne confia rien autre Ă  l’écriture que de fort courtes Ă©pĂźtres. Il avait pourtant ,Ă  dire des choses trĂšs nombreuses et mystĂ©rieuses, puisqu’il avait touchĂ© aux merveilles qui sont jusqu’au troisiĂšme ciel et, ravi au paradis mĂȘme de Dieu, il avait Ă©tĂ© jugĂ© digne d’entendre lĂ  des paroles ineffables. 5Ils n’étaient pas aussi sans Ă©prouver les mĂȘmes choses, les disciples de notre Sauveur, les douze apĂŽtres, les soixante-dix disciples, et bien d’autres avec ceux-ci. Cependant d’eux tous, Matthieu et Jean, seuls, nous ont laissĂ© des mĂ©moires des entretiens du Seigneur ; encore ils n’en vinrent Ă  les composer que poussĂ©s, dit-on, par la nĂ©cessitĂ©. 6 Matthieu prĂȘcha d’abord aux HĂ©breux. Comme il dut ensuite aller en d’autres pays, il leur donna son Ă©vangile dans sa langue maternelle ; il supplĂ©ait Ă  sa prĂ©sence, auprĂšs de ceux qu’il quittait, par un Ă©crit. 7 Tandis que dĂ©jĂ  Marc et Luc avaient fait paraĂźtre leurs Ă©vangiles, Jean, dit-on, n’avait constamment prĂȘchĂ© que de vive voix. Enfin, il en vint Ă  Ă©crire ; voici pour quel motif On raconte que l’apĂŽtre reçut les trois Ă©vangiles composĂ©s prĂ©cĂ©demment ; tous les avaient dĂ©jĂ  et il les accepta, leur rendant le tĂ©moignage qu’ils contenaient la vĂ©ritĂ©. Seulement il manquait Ă  leur rĂ©cit l’exposĂ© de ce qu’avait fait le Christ tout d’abord au commencement de sa Et cette parole est vraie. On peut voir en effet que ces trois Ă©vangĂ©listes ont racontĂ© seulement les faits postĂ©rieurs Ă  l’emprisonnement de Jean-Baptiste et accomplis par le Sauveur dans l’espace d’une annĂ©e. Ils le disent du reste au dĂ©but de leur narration. 9 Le jeĂ»ne de quarante jours et la tentation qui eut lieu Ă  ce propos marquent le temps indiquĂ© par Matthieu. Il dit Ayant appris que Jean avait Ă©tĂ© livrĂ©, il laissa la JudĂ©e et revint en GalilĂ©e ». 10Marc dĂ©bute de mĂȘme AprĂšs que Jean eut Ă©tĂ© livrĂ©, JĂ©sus vint en GalilĂ©e ». Quant Ă  Luc, avant de commencer le rĂ©cit des actions de JĂ©sus, il fait Ă  peu prĂšs la mĂȘme remarque en disant qu’HĂ©rode ajouta aux mĂ©faits qu’il avait commis, celui de mettre Jean en prison ». 11 L’apĂŽtre Jean fut, dit-on, priĂ©, pour ce motif, de donner dans son Ă©vangile la pĂ©riode passĂ©e sous silence par les prĂ©cĂ©dents Ă©vangĂ©listes et les faits accomplis par le Sauveur en ce temps, c’est-Ă -dire ce qui s’était produit avant l’incarcĂ©ration du baptiste. Il indique cela mĂȘme, soit quand il dit Tel fut le dĂ©but des miracles que fit JĂ©sus », soit quand il fait mention de Jean, au milieu de l’histoire de JĂ©sus, comme baptisant encore en ce moment Ă  Enon, prĂšs de Salem. Il le montre clairement aussi par ces paroles Car Jean n’était pas encore jetĂ© en prison ». 12Ainsi donc l’apĂŽtre Jean dans son Ă©vangile rapporte ce que fit le Christ quand le baptiste n’était pas encore incarcĂ©rĂ© ; les trois autres Ă©vangĂ©listes au contraire racontent ce qui suivit son emprisonnement. 13 Quiconque remarque ces choses, ne peut plus penser que les Ă©vangĂ©listes soient en dĂ©saccord les uns avec les autres. Car l’évangile de Jean comprend l’histoire des premiĂšres Ɠuvres du Christ, les autres Ă©vangĂ©listes nous donnent le rĂ©cit de ce qu’il a fait Ă  la fin de sa vie. Vraisemblablement Jean a passĂ© sous silence la gĂ©nĂ©ration de notre Sauveur selon la chair, parce qu’elle avait Ă©tĂ© Ă©crite auparavant par Matthieu et Luc ; il a commencĂ© par sa divinitĂ©. Cet honneur lui avait, pour ainsi dire, Ă©tĂ© rĂ©servĂ© par l’Esprit divin comme au plus digne. 14 VoilĂ  ce que nous avions Ă  dire sur la composition de l’évangile de Jean ; le motif qui a poussĂ© Marc Ă  Ă©crire a Ă©tĂ© expliquĂ© plus haut. 15 Luc, au dĂ©but de son rĂ©cit, expose lui-mĂȘme ce qui l’a dĂ©terminĂ© Ă  entreprendre son Ɠuvre. Il nous dĂ©clare que beaucoup d’autres se sont mĂȘlĂ©s de raconter inconsidĂ©rĂ©ment des choses qu’il a examinĂ©es Ă  fond. Aussi bien, juge-t-il nĂ©cessaire de nous dĂ©barrasser des conjectures douteuses qu’ils enseignent, et de nous donner, en son Ă©vangile, le rĂ©cit fidĂšle des Ă©vĂ©nements dont il a acquis une connaissance certaine, dans la compagnie et la frĂ©quentation de Paul, ainsi que dans les entretiens qu’il a eus avec les autres apĂŽtres. 16 VoilĂ  ce que nous avons Ă  dire sur ce sujet nous serons plus Ă  l’aise Ă  l’occasion en citant le tĂ©moignage des anciens pour essayer de montrer ce qui a Ă©tĂ© ’dit par les autres au sujet de ces Ă©vangiles. 17 Pour ce qui est des Ă©crits de Jean, en dehors de l’Évangile, la premiĂšre de ses Ă©pĂźtres est aussi reconnue par nos contemporains et par les anciens comme hors de toute contestation ; les deux autres sont discutĂ©es. 18 L’autoritĂ© de l’Apocalypse est mise en doute par beaucoup encore aujourd’hui. Mais cette question sera rĂ©solue Ă©galement en son lieu Ă  l’aide du tĂ©moignage des anciens. Chapitre XXV Les Ă©critures reconnues pour tous et celles qui ne le sont pas 1 Au point oĂč nous en sommes, il semble Ă  propos de capituler dans une liste les Ă©crits du Nouveau Testament dont nous avons dĂ©jĂ  parlĂ©. Nous mettrons au premier rang la sainte tĂ©trade des Évangiles que suit le livre des Actes des Il faut y joindre les Ă©pĂźtres de Paul ; puis, la premiĂšre attribuĂ©e Ă  Jean, et aussi la premiĂšre de Pierre. On ajoutera, si on le juge bon, l’Apocalypse de Jean au sujet de laquelle nous exposerons en son temps les diverses opinions. 3 VoilĂ  les livres reçus de tous. Ceux qui sont contestĂ©s, quoiqu’un grand nombre les admettent, sont l’épĂźtre dite de Jacques, celle de Jude, la seconde de Pierre, celles qu’on appelle la seconde et la troisiĂšme de Jean, qu’elle soit de l’évangĂ©liste ou d’un homonyme. 4 On doit ranger entre les apocryphes les Actes de Paul, le livre qu’on nomme le Pasteur, l’Apocalypse de Pierre, l’épĂźtre attribuĂ©e Ă  BarnabĂ©, ce qu’on intitule les Enseignements des apĂŽtres et, si l’on veut, ainsi que je l’ai dit plus haut, l’Apocalypse de Jean que les uns, comme je l’ai indiquĂ©, rejettent comme supposĂ©e et que les autres, maintiennent au nombre des Ɠuvres reconnues. 5 Certains font encore entrer dans cette catĂ©gorie l’Évangile aux HĂ©breux, dont les Juifs qui ont reçu le Christ aiment surtout Ă  se servir. Tous ces livres peuvent ĂȘtre classĂ©s parmi ceux qui sont discutĂ©s. 6Nous avons cru nĂ©cessaire d’établir le catalogue de ceux-lĂ  aussi et de sĂ©parer les Ă©crits que la tradition ecclĂ©siastique a jugĂ©s vrais, authentiques et reconnus, d’avec ceux d’une autre condition, qui ne sont pas testamentaires et se trouvent contestĂ©s, bien que la plupart des Ă©crivains ecclĂ©siastiques les connaissent. Ainsi, nous pourrons discerner ces ouvrages et les distinguer de ceux que les hĂ©rĂ©tiques prĂ©sentent sous le nom des apĂŽtres, tels que les Évangiles de Pierre, de Thomas, de Matthias et d’autres encore, ou tels que les Actes d’AndrĂ©, de Jean et du reste, des apĂŽtres, dont aucun Ă©crivain de la tradition ecclĂ©siastique n’a jamais jugĂ© utile d’invoquer le tĂ©moignage. 7 Le style du reste s’éloigne de la maniĂšre apostolique, tandis que la pensĂ©e et l’enseignement qu’ils contiennent sont tout Ă  fait en dĂ©saccord avec la vĂ©ritable orthodoxie. C’est lĂ  une preuve manifeste qu’ils sont des Ă©lucubrations d’hĂ©rĂ©tiques. Il ne faut donc pas mĂȘme les ranger parmi les apocryphes ; mais les rejeter comme absolument absurdes et impies. Maintenant reprenons la suite de notre rĂ©cit. Chapitre XXVI MĂ©nandre le magicien 1 MĂ©nandre succĂ©da Ă  Simon le mage. Cet autre instrument de la puissance diabolique ne se montra pas infĂ©rieur au premier. Lui aussi Ă©tait Samaritain ; aussi bien que son maĂźtre, il atteignit les sommets de la science magique et il le dĂ©passa mĂȘme dans ses prodiges. Il se disait le sauveur envoyĂ© d’en haut dĂšs les siĂšcles invisibles pour le salut des hommes. 2 Il enseignait qu’on ne pouvait dĂ©passer les anges crĂ©ateurs du monde, Ă  moins d’ĂȘtre initiĂ© par lui Ă  l’exercice de la magie et d’avoir reçu le baptĂȘme qu’il confĂ©rait. Ceux qui en avaient Ă©tĂ© jugĂ©s dignes, participaient en ce monde Ă  une immutabilitĂ© Ă©ternelle ; ils ne mouraient pas, ils demeuraient ici-bas sans vieillir jamais et devenaient immortels. On peut facilement, du reste, lire tout cela dans IrĂ©nĂ©e. 3Justin, traitant de Simon, parle aussi de MĂ©nandre au mĂȘme endroit et ajoute ceci Ă  son sujet voyez l’Appendice . Un certain MĂ©nandre, Samaritain, lui aussi, du bourg de CaparattĂ©e, devint disciple de Simon. AiguillonnĂ© comme lui par les dĂ©mons, il alla Ă  Antioche oĂč nous savons qu’il sĂ©duisit beaucoup de gens par l’exercice de la magie. Il leur persuadait que ceux qui le suivaient ne mourraient pas encore aujourd’hui, il y a des gens qui le disent d’aprĂšs lui ». 4 L’activitĂ© du dĂ©mon se servait de tels imposteurs couverts du nom des chrĂ©tiens, dans le but de dĂ©truire par la magie le grand mystĂšre de la religion et de mettre en piĂšces les dogmes de l’Église sur l’immortalitĂ© de l’ñme et la rĂ©surrection des morts. Mais ceux qui souscrivirent Ă  de tels sauveurs furent dĂ©chus de la vĂ©ritable espĂ©rance. Chapitre XXVII L’hĂ©rĂ©sie des Ă©bionites 1 Le dĂ©mon malfaisant, ne rĂ©ussissant pas Ă  en dĂ©tacher d’autres de l’amour du Christ de Dieu, s’empara d’eux par un cĂŽtĂ© oĂč il les trouva accessibles. Ces nouveaux hĂ©rĂ©tiques furent Ă  bon droit appelĂ©s, dĂšs l’origine, Ebionites, parce qu’ils avaient sur le Christ des pensĂ©es pauvres et humbles. 2 Celui-ci leur apparaissait dans leurs conceptions comme un ĂȘtre simple et vulgaire ; devenu juste par le progrĂšs de sa vertu, il n’était qu’un mortel qui devait sa naissance Ă  l’union de Marie et d’un homme. L’observance de la loi mosaĂŻque leur Ă©tait tout Ă  fait nĂ©cessaire, parce qu’ils ne devaient pas ĂȘtre sauvĂ©s par la seule foi au Christ, non plus que par une vie conforme Ă  cette foi. 3 Il y en avait cependant d’autres qui portaient le mĂȘme nom et qui se gardaient de la sottise de ceuxci. Ils ne niaient pas que le Seigneur fĂ»t nĂ© d’une vierge et du Saint-Esprit ; mais, comme eux, ils n’admettaient pas sa prĂ©existence, quoiqu’il fĂ»t le Verbe divin et la Sagesse, et ils revenaient ainsi Ă  l’impiĂ©tĂ© des premiers. Leur ressemblance avec les autres est surtout dans le zĂšle charnel qu’ils mettaient Ă  accomplir les prescriptions de la loi. 4 Ils pensaient que les Ă©pĂźtres de l’apĂŽtre doivent ĂȘtre rejetĂ©es complĂštement, et ils l’appelaient un apostat de la loi. Ils ne se servaient que de l’Évangile aux HĂ©breux et faisaient peu de cas des autres. 5 Ils gardaient le sabbat et le reste des habitudes judaĂŻques, ainsi que les autres Ébionites ; cependant ils cĂ©lĂ©braient les dimanches Ă  peu prĂšs comme nous, en mĂ©moire de la ..rĂ©surrection du Sauveur. 6 Une telle conception leur a valu le nom d’Ébionites, qui convient assez pour exprimer la pauvretĂ© de leur intelligence, puisque c’est par ce terme que les HĂ©breux dĂ©signent les mendiants voyez l’Appendice. Chapitre XXVIII L’hĂ©rĂ©siarque CĂ©rinthe 1 Nous avons appris qu’à cette Ă©poque surgit le chef d’une autre hĂ©rĂ©sie, c’était CĂ©rinthe. GaĂŻus, dont nous avons dĂ©jĂ  rapportĂ© plus haut les paroles, Ă©crit ceci Ă  son sujet dans sa Recherche 2 Mais CĂ©rinthe au moyen de rĂ©vĂ©lations comme celles qu’écrivit un grand apĂŽtre, nous prĂ©sente d’une façon mensongĂšre des rĂ©cits de choses merveilleuses qui lui auraient Ă©tĂ© montrĂ©es par les anges ; il dit qu’aprĂšs la rĂ©surrection, le rĂšgne du Christ sera terrestre, que la chair revivra de nouveau Ă  JĂ©rusalem et servira les passions et les voluptĂ©s. C’est un ennemi des Écritures divines et comme il veut tromper les hommes, il dit qu’il y aura mille ans de fĂȘtes nuptiales voyez l’appendice ». 3 Denys, qui de notre temps a obtenu le siĂšge de l’église d’Alexandrie, dans le second livre de ses Promesses, lorsqu’il parle de L’Apocalypse de Jean, raconte certains faits comme venant de la tradition ancienne, et fait mention du mĂȘme CĂ©rinthe en ces termes 4 CĂ©rinthe, l’auteur de l’hĂ©rĂ©sie qu’on appelle corinthienne, voulut mettre son Ɠuvre sous un nom digne de lui attirer du crĂ©dit. Voici en effet le principe de son enseignement le rĂšgne du Christ sera terrestre. 5 Il consistera, d’aprĂšs le rĂȘve de CĂ©rinthe, dans les choses que lui-mĂȘme dĂ©sirait, Ă©tant ami des sens et tout charnel, dans les satisfactions du ventre et de ce qui est au-dessous du ventre, c’est-Ă -dire dans le boire, le manger et le plaisir charnel, et aussi dans des choses par lesquelles il pensait donner Ă  ces satisfactions un aspect plus honorable, dans des fĂȘtes, des sacrifices et des immolations de victimes ». 6 VoilĂ  ce qu’écrit Denys. IrĂ©nĂ©e, nous rapporte certaines erreurs plus secrĂštes du mĂȘme CĂ©rinthe dans son premier livre sur les HĂ©rĂ©sies. Dans le troisiĂšme, il raconte une anecdote digne d’ĂȘtre citĂ©e qu’il tient de Polycarpe. L’apĂŽtre Jean Ă©tait entrĂ© un jour dans des bains pour s’y laver. Il apprit que CĂ©rinthe y Ă©tait ; il s’en alla prĂ©cipitamment et gagna la porte, ne supportant pas d’ĂȘtre sous le mĂȘme toit que lui, et il dit ceci aux compagnons qui Ă©taient avec lui Fuyons, de peur que les bains ne s’écroulent ; CĂ©rinthe s’y trouve, l’ennemi delĂ  vĂ©ritĂ© ». Chapitre XXIX Nicolas et ceux auxquels il a donnĂ© son nom 1 En ce temps-lĂ , naquit aussi l’hĂ©rĂ©sie dite des NicolaĂŻtes, qui dura trĂšs peu et dont il est question dans l’Apocalypse de Jean. Ses adeptes prĂ©tendent que Nicolas Ă©tait un des diacres, compagnons d’Etienne, choisis par les apĂŽtres pour le service des pauvres. Voici, du moins, ce que raconte de lui en propres termes ClĂ©ment d’Alexandrie au troisiĂšme livre de ses Stromates 2 Il avait, dit-on, une femme dans l’éclat de sa jeunesse. AprĂšs l’ascension du Sauveur, les apĂŽtres lui reprochĂšrent d’en ĂȘtre jaloux alors Nicolas l’amena et l’abandonna Ă  qui la voudrait Ă©pouser. On dit que cette conduite Ă©tait en effet conforme Ă  la maxime qu’il faut faire peu de cas de la chair. Ceux qui adoptent son hĂ©rĂ©sie suivent, simplement, sans examen, cet exemple et ce principe, et ils se laissent aller Ă  une honteuse prostitution. 3Pour moi, je crois que jamais Nicolas n’eut d’autre femme .que celle qu’il avait Ă©pousĂ©e ; quant Ă  ses enfants, ses filles vĂ©curent vierges et son fils garda la chastetĂ©. Les choses Ă©tant ainsi, cet abandon en prĂ©sence des apĂŽtres de sa femme, qui Ă©tait un objet de jalousie, fut un renoncement Ă  la passion, et cette continence en ce qui regarde les joies les plus recherchĂ©es enseigna Ă  faire peu de cas de la chair. Car il ne me semble pas qu’il voulut, selon la dĂ©fense du Christ, servir deux maĂźtres », le plaisir et le Seigneur. 4 On prĂ©tend aussi que Matthias enseignait ainsi Ă  combattre la chair, Ă  en faire peu de cas, et Ă  ne rien lui accorder qui puisse la flatter, mais Ă  grandir plutĂŽt son Ăąme par la foi et la science ». VoilĂ  ce qui concerne ceux qui ont essayĂ©, en ces temps-lĂ , de fausser la vĂ©ritĂ©. Ils ont complĂštement disparu, plus vite qu’on ne peut le dire. Chapitre XXX Les apĂŽtres qui vĂ©curent dans le mariage 1 Cependant ClĂ©ment, dont nous venons de citer les paroles, donne immĂ©diatement aprĂšs, au sujet de ceux qui condamnent les noces, les noms des apĂŽtres qui vĂ©curent dans le mariage, et il dit Est-ce qu’ils rĂ©prouveront mĂȘme les apĂŽtres ? car Pierre et Philippe eurent des enfants ; celui-ci mĂȘme maria ses filles et Paul n’hĂ©site pas dans une Ă©pĂźtre Ă  saluer sa femme ; il ne l’а pas emmenĂ©e avec lui pour ne pas ĂȘtre gĂȘnĂ© dans son ministĂšre ». 2 Puisque nous rappelons ces choses, il ne sera pas sans intĂ©rĂȘt de rapporter du mĂȘme Ă©crivain une anecdote digne d’ĂȘtre contĂ©e. Il l’expose ainsi, au septiĂšme livre des Stromates On dit que le bienheureux Pierre voyant conduire sa femme au supplice, se rĂ©jouit de sa vocation et de son retour dans la demeure ; il l’encourageait et la consolait de toutes ses forces, l’appelant par son nom Ô toi, lui disait-il, souviens-toi du Seigneur ». VoilĂ  ce qu’étaient les mariages des saints et les sentiments exquis de ceux qui s’aimaient tant voyez l’Appendice ». Ce rĂ©cit Ă©tait assorti Ă  mon dessein prĂ©sent ; voilĂ  pourquoi je l’ai placĂ© ici. Chapitre XXXI Mort de Jean et de Philippe 1 Nous avons jusqu’ici indiquĂ© le temps et le genre de la mort de Paul et de Pierre, comme aussi le lieu oĂč leurs corps ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s, aprĂšs leur trĂ©pas. 2 Nous avons dit aussi l’époque de la mort de Jean. Quant Ă  l’endroit de sa sĂ©pulture, il est indiquĂ© dans la lettre que Polycrate celui-ci Ă©tait Ă©vĂȘque de l’église d’ÉphĂšse Ă©crivit Ă  Victor, Ă©vĂȘque des Romains. Il y est Ă©galement question de Philippe et de ses filles en ces termes 3 De grands astres, dit-il, se sont couchĂ©s en Asie, qui se lĂšveront au dernier jour, lors de la venue du Sauveur, quand il viendra du ciel avec gloire pour chercher tous les saints, Philippe, l’un des douze apĂŽtres, qui repose Ă  HiĂ©rapolis, ainsi que deux de ses filles, qui ont vieilli dans la virginitĂ©, et, l’autre qui, aprĂšs avoir vĂ©cu dans le Saint-Esprit, a Ă©tĂ© ensevelie Ă  ÉphĂšse Jean lui aussi, l’apĂŽtre qui a dormi sur la poitrine du Sauveur, qui, prĂȘtre, a portĂ© la lame d’or, a Ă©tĂ© martyr et docteur et a son tombeau Ă  ÉphĂšse ». VoilĂ  ce qui concerne la mort de ces personnages 4 Dans le dialogue de GaĂŻus dont nous avons parlĂ© un peu plus haut, Proclus, contre qui la discussion est dirigĂ©e, est Ă©galement de notre avis pour ce que nous venons de rapporter de la mort de Philippe et de ses filles. 11 parle ainsi AprĂšs celui-ci, il y eut Ă  HiĂ©rapolis ; en Asie quatre prophĂ©tesses, les filles de Philippe ; leur tombeau est lĂ , ainsi que celui de leur pĂšre ». VoilĂ  ce qu’il dit. 5 Luc, d’autre part, dans les Acte des apĂŽtres, nous rappelle que les filles de Philippe vivaient alors Ă  CĂ©sarĂ©e de JudĂ©e avec leur pĂšre et qu’elles avaient le don de prophĂ©tie. Il dit en propres termes Nous sommes venus Ă  CĂ©sarĂ©e et nous sommes entrĂ©s dans la maison de Philippe l’évangĂ©liste, qui Ă©tait un des sept. Nous sommes restĂ©s chez lui. Il avait quatre filles vierges qui prophĂ©tisaient ». 6 Ce qui est venu Ă  notre connaissance concernant les apĂŽtres, leurs temps et les saints Ă©crits qu’ils nous ont laissĂ©s, ceux qui sont contestĂ©s, quoique beaucoup les lisent publiquement dans un grand nombre d’églises, ceux qui sont tout Ă  fait apocryphes et Ă©trangers Ă  l’orthodoxie apostolique, voilĂ  ce que nous avons exposĂ© en ce qui prĂ©cĂšde. Il faut maintenant continuer notre rĂ©cit. Chapitre XXXII Comment SimĂ©on, Ă©vĂȘque de JĂ©rusalem, rendit tĂ©moignage 1 AprĂšs NĂ©ron et Domitien, sous le prince dont nous examinons actuellement l’époque, on raconte que, partiellement et dans certaines villes, le soulĂšvement des populations excita contre nous une persĂ©cution. C’est alors que SimĂ©on, fils de Clopas, dont nous avons dit qu’il Ă©tait le second Ă©vĂȘque de JĂ©rusalem, couronna sa vie par le martyre, comme nous l’avons appris. 2Ce fait nous est garanti par le tĂ©moignage d’HĂ©gĂ©sippe, auquel nous avons dĂ©jĂ  empruntĂ© maintes citations. Parlant de divers hĂ©rĂ©tiques, il ajoute qu’à cette Ă©poque SimĂ©on eut alors Ă  subir une accusation venant d’eux ; on le tourmenta pendant plusieurs jours parce qu’il Ă©tait chrĂ©tien ; il Ă©tonna absolument le juge et ceux qui l’entouraient ; enfin, il souffrit le supplice qu’avait endurĂ© le Sauveur. 3 Mais rien ne vaut comme d’entendre l’écrivain dans les termes dont il s’est servi et que voici C’est Ă©videmment quelques-uns de ces hĂ©rĂ©tiques qui accusĂšrent SimĂ©on, fils de Glopas d’ĂȘtre descendant de David et chrĂ©tien ; il subit ainsi le martyre Ă  cent vingt ans sous le rĂšgne de Trajan et le consulaire Atticus ». 4 Le mĂȘme auteur dit encore qu’il arriva Ă  ses accusateurs dans la recherche qu’on fĂźt des rejetons de la race royale des Juifs, d’ĂȘtre mis Ă  mort comme appartenant Ă  cette tribu. SimĂ©on, on peut l’infĂ©rer Ă  bon droit, est lui aussi un des tĂ©moins qui ont vu et entendu le Seigneur ; on en a la preuve dans sa longĂ©vitĂ© et dans le souvenir que l’Évangile consacre Ă  Marie, femme de Clopas, qui fut sa ’mĂšre comme nous l’avons dit plus haut. 5 Le mĂȘme auteur nous apprend encore que d’autres descendants de Jude, l’un de ceux qu’on disait frĂšres du Seigneur, vĂ©curent jusqu’au temps du mĂȘme rĂšgne de Trajan, aprĂšs avoir, sous Domitien, rendu tĂ©moignage Ă  la foi chrĂ©tienne ainsi que nous l’avons dĂ©jĂ  notĂ©. Voici ce que nous raconte cet Ă©crivain 6 Ils vont donc servant de guides Ă  chaque Ă©glise en qualitĂ© de martyrs et de parents du Seigneur. GrĂące Ă  la paix profonde dont l’église entiĂšre jouissait alors, ils vivent jusqu’à Trajan. Sous le rĂšgne de ce prince, SimĂ©on, dont il a Ă©tĂ© question plus haut, fils de Clopas, l’oncle du Seigneur, dĂ©noncĂ© par des hĂ©rĂ©tiques, fut lui aussi jugĂ© comme eux sous le consulaire Atticus, pour le mĂȘme motif. Ses tortures durĂšrent de longs jours et il rendit tĂ©moignage de sa foi de façon Ă  Ă©tonner tout le monde et le consulaire lui-mĂȘme, qui Ă©tait surpris de voir une telle patience Ă  un vieillard de cent vingt ans. Il fut condamnĂ© Ă  ĂȘtre crucifiĂ© ». 7 AprĂšs cela le mĂȘme HĂ©gĂ©sippe poursuivant le rĂ©cit des temps dont nous parlons, ajoute que jusqu’à cette Ă©poque l’église demeura semblable Ă  une vierge pure et sans souillure c’était dans l’ombre tĂ©nĂ©breuse et comme dans une taniĂšre que travaillaient alors, quand il s’en trouvait, ceux qui essayaient d’altĂ©rer la rĂšgle intacte de la prĂ©dication du Sauveur. 8 Mais lorsque le chƓur sacrĂ© des apĂŽtres eut succombĂ© Ă  divers genres de mort et qu’eut disparu la gĂ©nĂ©ration de ceux qui avaient Ă©tĂ© jugĂ©s dignes d’entendre de leurs oreilles la Sagesse divine, alors l’erreur impie reçut un commencement d’organisation par la tromperie de ceux qui enseignaient une autre doctrine. Ceux-ci, voyant qu’il ne restait plus aucun apĂŽtre, jetĂšrent le masque et se mirent Ă  opposer une science qui porte un nom mensonger Ă  la prĂ©dication de la vĂ©ritĂ©. Chapitre XXXIII Comment Trajan dĂ©fendit de rechercher les chrĂ©tiens 1 La persĂ©cution sĂ©vissait cependant en beaucoup d’endroits contre nous et avec une si grande vigueur que Pli ne le Jeune, trĂšs illustre parmi les gouverneurs, Ă©tonnĂ© de la multitude des martyrs, Ă©crivit Ă  l’empereur. Il lui dit le nombre de ceux qui Ă©taient mis Ă  mort pour la foi ; il l’informa en mĂȘme temps qu’il n’avait rien surpris en eux qui fĂ»t criminel ou contraire aux lois. Ils se levaient avec l’aurore pour chanter des hymnes au Christ, comme Ă  un Dieu ; mais l’adultĂšre, le meurtre et autres crimes de ce genre Ă©taient repoussĂ©s par eux ; leur conduite Ă©tait entiĂšrement conforme aux lois. 2Comme rĂ©ponse, Trajan Ă©tablit un dĂ©cret portant qu’il ne fallait pas rechercher la tribu des chrĂ©tiens, mais la punir quand on la trouvait. C’est ainsi, en quelque sorte, que la menace de la persĂ©cution, qui Ă©tait si forte, s’éteignit. Il restait cependant encore bien des prĂ©textes et non des moindres Ă  ceux qui nous voulaient du mal. Soit qu’elles fussent causĂ©es par les populations, soit qu’elles fussent l’Ɠuvre des fonctionnaires locaux qui nous dressaient des embĂ»ches, les persĂ©cutions partielles se rallumĂšrent dans les provinces, malgrĂ© l’absence de poursuites officielles ; et beaucoup de fidĂšles endurĂšrent des martyres variĂ©s. 3 Ceci est empruntĂ© Ă  l’Apologie latine de Tertullien, dont nous avons parlĂ© plus haut. Voici la traduction du passage en question Cependant nous avons trouvĂ© qu’on a dĂ©fendu de nous rechercher. Pline le Jeune, gouverneur d’une province, aprĂšs avoir condamnĂ© quelques chrĂ©tiens et leur avoir retirĂ© leurs dignitĂ©s, troublĂ© Ă  la vue de leur nombre, ne sut plus que faire. Il Ă©crivit Ă  l’empereur Trajan qu’en dehors du refus d’adorer les idoles, il ne voyait rien de Criminel en eux. Il ajoutait que les chrĂ©tiens se levaient dĂšs l’aurore, cĂ©lĂ©braient dans leurs chants le Christ comme un Dieu, que leur enseignement leur dĂ©fendait de tuer, de commettre l’adultĂšre, de se permettre l’injustice, le vol et autres choses semblables. Trajan rĂ©pondit qu’il ne fallait pas rechercher la tribu des chrĂ©tiens, mais la punir si on la rencontrait ». Et telle Ă©tait de fait la ligne de conduite. Chapitre XXXIV Évariste est le quatriĂšme chef de l’église des romains 1 Pour ce qui est des Ă©vĂȘques de Rome, la troisiĂšme annĂ©e du rĂšgne de l’empereur dĂ©signĂ© plus haut 100 , ClĂ©ment, termina sa vie, laissant sa charge Ă  Évariste. Il avait en tout prĂ©sidĂ© neuf ans Ă  l’enseignement de la parole divine. Chapitre XXXV Le troisiĂšme Ă©vĂȘque de JĂ©rusalem est Juste 1 Cependant, SimĂ©on mort, lui aussi, de la façon que nous avons dite, un Juif, du nom de Juste, reçut le siĂšge de l’église de JĂ©rusalem. Ceux de la circoncision qui croyaient au Christ Ă©taient alors trĂšs nombreux ; il Ă©tait l’un d’entre eux. Chapitre XXXVI Ignace et ses Ă©pĂźtres 1 À cette Ă©poque, florissait en Asie Polycarpe, compagnon des apĂŽtres. Il avait Ă©tĂ© Ă©tabli Ă©vĂȘque de l’Église de Smyrne par ceux qui avaient vu et servi le Sauveur. 2En ce temps, Papias, lui aussi Ă©vĂȘque d’HiĂ©rapolis, Ă©tait en rĂ©putation, ainsi qu’Ignace, maintenant encore si connu. Celui-ci avait obtenu au second rang la succession de Pierre dans l’église d’Antioche. 3On raconte qu’il fut envoyĂ© de Syrie Ă  Rome pour ĂȘtre exposĂ© aux bĂȘtes Ă  cause de son tĂ©moignage en faveur du Christ. 4II fit ce voyage Ă  travers l’Asie, sous la plus Ă©troite surveillance de ses gardes. Dans les villes oĂč il passait, il affermissait les Ă©glises par ses entretiens et ses exhortations. Il les engageait avant tout Ă  se prĂ©munir contre les hĂ©rĂ©sies, qui justement alors commençaient Ă  abonder ; il les pressait de tenir fermement Ă  la tradition des apĂŽtres et, pour plus de sĂ©curitĂ©, il jugea nĂ©cessaire de la fixer par Ă©crit il Ă©tait dĂ©jĂ  martyr. 5Se trouvant ainsi Ă  Smyrne oĂč Ă©tait Polycarpe, il adressa une lettre Ă  l’église d’ÉphĂšse oĂč il fait mention d’OnĂ©sime, son pasteur. Il en envoya une autre Ă  l’Église de MagnĂ©sie sur le MĂ©andre, oĂč il parle Ă©galement de l’EvĂȘque Damos ; une autre Ă  celle de Tralles, dont il dit que Polybe Ă©tait alors Ă©vĂȘque. 6II Ă©crivit en outre Ă  l’église de Rome pour conjurer instamment qu’on ne fĂźt pas de dĂ©marches en vue de le priver du martyre qui Ă©tait son dĂ©sir et son espĂ©rance. Il est bon de citer quelques courts passages de ces Ă©pĂźtres pour confirmer ce que nous avançons. Voici donc ce qu’il dit en propres termes 7 Depuis la Syrie jusqu’à Rome, j’ai Ă  lutter avec les bĂȘtes sur terre et sur mer, la nuit et le jour je suis attachĂ© Ă  dix lĂ©opards, qui sont les soldats de mon escorte. Quand je leur fais du bien, ils deviennent pires Ă  leurs injustices, je deviens de plus en plus disciple, mais je n’en suis pas pour cela justifiĂ©. 8Du moins que je puisse jouir des bĂȘtes qui me sont prĂ©parĂ©es je prie afin de les trouver le plus tĂŽt possible. Je les caresserai afin qu’elles me dĂ©vorent rapidement, et qu’elles ne me fassent comme Ă  certains, qu’elles ont eu peur de toucher ; si elles s’y refusent, je les y forcerai. 9 Pardonnez-moi ; mais je sais ce qu’il me faut, et voici que je commence Ă  ĂȘtre un disciple. Que les choses visibles ou invisibles n’occupent plus mon dĂ©sir, afin que j’obtienne JĂ©sus-Christ. Feu, croix, attaque des bĂȘtes, rupture des os, sĂ©paration des membres, broiement de tout le corps, supplices du diable, que tout cela vienne sur moi, pourvu seulement que j’obtienne JĂ©sus-Christ ». 10 VoilĂ  ce qu’il adressait de la ville dont nous avons parlĂ© aux Ă©glises que nous avons Ă©numĂ©rĂ©es. Étant dĂ©jĂ  loin de Smyrne, il Ă©crivit de nouveau de Troade aux chrĂ©tiens de Philadelphie, ainsi qu’à l’église de Smyrne et en particulier Ă  Polycarpe, son Ă©vĂȘque. Il le savait tout Ă  fait homme apostolique, et il lui confiait, comme Ă  un vrai et bon pasteur, son troupeau d’Antioche, dans la pensĂ©e qu’il en aurait un soin diligent. 11 S’adressant aux Smyrniens, il se sert de paroles empruntĂ©es je ne sais oĂč, en disant ce qui suit du Christ Je sais et je crois qu’aprĂšs sa rĂ©surrection il existe dans sa chair. El lorsqu’il vint auprĂšs des compagnons de Pierre, il leur dit Prenez, touchez-moi, et voyez que je ne suis pas un esprit qui n’a point de corps ». Ils le touchĂšrent aussitĂŽt et ils crurent ». 12 IrĂ©nĂ©e connut lui aussi le martyre d’Ignace et il parle de ses lettres en ces termes Comme dit un des nĂŽtres, condamnĂ© aux bĂȘles pour le tĂ©moignage rendu Ă  Dieu Je suis le froment de Dieu et je serai moulu par la dent des bĂȘtes, afin de devenir un pain sans tache ». 13 Polycarpe aussi mentionne les mĂȘmes choses dans la lettre aux Philippiens qu’on a de lui. Il dit en propres termes Je vous exhorte tous Ă  obĂ©ir et Ă  vous exercer Ă  cette indĂ©fectible patience que vous avez pu contempler de vos yeux, non seulement dans les bienheureux Ignace. Rufus et Zosime, mais encore en d’autres qui sont des vĂŽtres, et en Paul lui-mĂȘme et dans le reste des apĂŽtres. Soyez convaincus que tous ceux-lĂ  n’ont pas couru en vain, mais dans la foi et la justice, et qu’ils sont Ă  la place qui leur revenait de droit auprĂšs du Seigneur, pour lequel ils ont souffert. Car ils n’ont pas aimĂ© ce siĂšcle, mais celui qui est mort pour nous, et que Dieu a ressuscitĂ© Ă  cause de nous ». 14 Et il ajoute ensuite Vous aussi m’avez Ă©crit, ainsi qu’Ignace, afin que si quelqu’un va en Syrie, il porte vos lettres. J’en aurai soin, si l’occasion favorable se prĂ©sente, soit que j’y aille moi-mĂȘme ou que j’envoie quelqu’un qui sera votre messager. 15Quant aux Ă©pĂźtres qu’Ignace nous avait adressĂ©es et toutes celles que nous avions chez nous, nous vous les avons envoyĂ©es, comme vous l’avez demandĂ© ; elles sont avec cette lettre. Vous pourrez en recueillir un grand profit ; vous y trouverez foi, patience et toute Ă©dification qui se rapporte Ă  notre Seigneur ». VoilĂ  ce que j’avais Ă  dire d’Ignace, HĂ©ros lui succĂ©da comme Ă©vĂȘque d’Antioche. Chapitre XXXVII Les Ă©vangĂ©listes qui se distinguaient alors 1 Parmi ceux qui florissaient en ce temps Ă©tait Quadratus. On dit qu’il fut honorĂ© ainsi que les filles de Philippe du don de prophĂ©tie. Beaucoup d’autres aussi furent alors cĂ©lĂšbres ils avaient le premier rang dans la succession des apĂŽtres. Disciples merveilleux de tels maĂźtres, ils bĂątissaient sur les fondements des Ă©glises, que ceux-ci avaient Ă©tablis en chaque pays ; ils dĂ©veloppaient et Ă©tendaient la prĂ©dication de l’évangile et ils rĂ©pandaient au loin par toute la terre les germes sauveurs du royaume des cieux. 2Beaucoup en effet des disciples d’alors sentaient leur Ăąme touchĂ©e par le Verbe divin, d’un violent amour pour la philosophie. Ils commençaient par accomplir le conseil du Sauveur. Ils distribuaient leurs biens aux pauvres. Puis, ils quittaient leur patrie et allaient remplir la mission d’évangĂ©listes. À ceux qui n’avaient encore rien entendu de l’enseignement de la foi, ils allaient Ă  l’envi prĂȘcher et transmettre le livre des divins Ă©vangiles. 3 Ils se contentaient de jeter les bases de la foi chez les peuples Ă©trangers, y Ă©tablissaient des pasteurs et leur abandonnaient le soin de ceux qu’ils venaient d’amener Ă  croire. Ensuite, ils partatent vers d’autres contrĂ©es et d’autres nations avec la grĂące et le secours de Dieu ; car les nombreuses et merveilleuses puissances de l’Esprit divin agissaient en eux encore en ce temps. Aussi dĂšs la premiĂšre nouvelle, les foules se groupaient et recevaient avec empressement dans l’ñme la religion du crĂ©ateur de l’univers. 4 Il nous est impossible d’énumĂ©rer et de citer par leur nom tous ceux qui, lors de la premiĂšre succession des apĂŽtres, devinrent les pasteurs ou les Ă©vangĂ©listes des diverses Ă©glises du monde. Nous ne pouvons guĂšre mentionner et transcrire ici que les noms de ceux qui ont transmis jusqu’à nous dans leurs mĂ©moires la tradition de l’enseignement apostolique. Chapitre XXXVIII L’épĂźtre de ClĂ©ment et celles qui lui sont faussement attribuĂ©es 1 Tels sont, par exemple, Ignace, dans les lettres que nous avons Ă©numĂ©rĂ©es, et encore ClĂ©ment, dans celle dont l’authenticitĂ© est reconnue de tous et qu’il a rĂ©digĂ©e pour l’Église de Corinthe au nom de celle de Rome. L’auteur y fait beaucoup d’emprunts Ă  l’EpĂźtre aux HĂ©breux, soit pour les pensĂ©es, soit mĂȘme pour certaines expressions qu’il rapporte textuellement ; il y montre avec Ă©vidence que ce dernier Ă©crit n’était pas nouveau. 2 C’est donc Ă  bon droit qu’il a Ă©tĂ© rangĂ© parmi les autres Ɠuvres de l’apĂŽtre. Paul, dit-on, s’était adressĂ© aux HĂ©breux dans leur langue maternelle. Sa lettre fut traduite par l’évangĂ©liste Luc, selon les uns, et, selon les autres, par ClĂ©ment. 3Des deux hypothĂšses celle-ci semblerait plutĂŽt ĂȘtre la vraie. D’une part, l’épĂźtre de ClĂ©ment et l’épĂźtre aux HĂ©breux conservent la mĂȘme allure de style ; et, d’autre part, les pensĂ©es dans les deux Ă©crits ont une parentĂ© qui n’est pas Il ne faut pas ignorer qu’on attribue encore une seconde Ă©pĂźtre Ă  ClĂ©ment ; mais nous savons qu’elle n’a pas Ă©tĂ© aussi connue que la premiĂšre, puisque nous ne voyons pas que les anciens s’en soient servis. 5D’autres Ă©crits verbeux et longs ont Ă©tĂ© tout rĂ©cemment prĂ©sentĂ©s sous son nom. Ils contiennent des discours de Pierre et d’Apion, dont on ne trouve absolument nulle mention chez les anciens. Ils n’ont du reste pas la vraie marque de l’orthodoxie apostolique. VoilĂ  clairement ce qui concerne l’Ɠuvre de ClĂ©ment qui est reconnue comme authentique ; il a Ă©tĂ© parlĂ© Ă©galement des Ă©crits d’Ignace et de Polycarpe. Chapitre XXXIX Les Ă©crits de Papias 1 On montre de Papias cinq livres qui ont pour titre Explication des sentences du Seigneur. IrĂ©nĂ©e en fait mention comme des seuls qu’il ait Ă©crits Papias, dit-il, disciple de Jean, familier de Polycarpe, homme antique, l’atteste par Ă©crit dans son quatriĂšme livre ; car il en a composĂ© cinq ». Telles sont les paroles d’IrĂ©nĂ©e. 2 Cependant Papias, dans la prĂ©face de son ouvrage, ne paraĂźt nullement avoir entendu ni vu les saints apĂŽtres ; mais il apprend qu’il a reçu les leçons de la foi de ceux qui les avaient connus, et voici les termes dont il se sert 3 Pour toi, je n’hĂ©siterai pas Ă  ajouter ce que j’ai appris des presbytres et dont j’ai fort bien conservĂ© le souvenir, pour confirmer la vĂ©ritĂ© de mes explications. Car ce n’était pas auprĂšs des beaux parleurs que je me plaisais, comme le font la plupart, mais auprĂšs de ceux qui enseignaient le vrai ; je n’aimais pas ceux qui rapportaient des prĂ©ceptes Ă©trangers, mais ceux qui transmettaient les commandements imposĂ©s par le Seigneur Ă  notre foi et nĂ©s de la vĂ©ritĂ© elle-mĂȘme. 4Quand quelque part, je rencontrais ceux qui avaient Ă©tĂ© dans la compagnie des presbytres, je cherchais Ă  savoir les propos des presbytres ; ce qu’avait dit AndrĂ© ou Pierre ou Philippe ou Thomas ou Jacques ou Jean ou Matthieu ou quelqu’autre des disciples du Seigneur ; ce que disaient Aristion et Jean le presbytre, disciples du Seigneur. Je ne croyais pas que ce qu’il y a dans les livres me fĂ»t aussi profitable que d’entendre les choses exprimĂ©es par une parole demeurĂ©e vivante ». 5 Il est bon de remarquer que Papias mentionna deux personnages appelĂ©s Jean. Il place le premier avec Pierre, Jacques, Matthieu et le reste des ApĂŽtres ; c’est clairement l’évangĂ©liste qu’il indique. Il introduit ensuite une distinction dans son Ă©numĂ©ration et range le second Jean parmi d’autres qui sont en dehors du nombre des ApĂŽtres ; il le place aprĂšs Aristion et le dĂ©signe positivement sous le nom de Ainsi se trouverait confirmĂ©e l’assertion de ceux qui affirment qu’il y aurait eu deux hommes de ce nom en Asie et qu’il existe aussi Ă  ÉphĂšse deux tombeaux portant encore maintenant le nom de Jean. Il est indispensable de faire attention Ă  ceci ; car, si l’on refuse de l’admettre du premier, il serait vraisemblable que ce soit le second qui ait contemplĂ© la rĂ©vĂ©lation attribuĂ©e Ă  Jean. 7 Papias, dont il est question actuellement, reconnaĂźt donc avoir reçu la doctrine des apĂŽtres par ceux qui les ont frĂ©quentĂ©s. D’autre part, il dit avoir Ă©tĂ© l’auditeur direct d’Aristion et de Jean le presbytre il cite en. effet souvent leurs noms dans ses Ă©crits et il y rapporte ce qu’ils ont transmis. 8 Il n’était pas hors de propos de rapporter ceci, non plus qu’à ses dires exposĂ©s plus haut, d’en ajouter d’autres encore dans lesquels l’auteur nous apprend certaines choses miraculeuses qui lui seraient venues de la tradition. 98 Il a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©tabli antĂ©rieurement que l’apĂŽtre Philippe et ses filles avaient sĂ©journĂ© Ă  HiĂ©rapolis. Il faut maintenant indiquer comment Papias, qui vivait en ces mĂȘmes temps, nous dit avoir entendu d’elles une histoire merveilleuse. Il raconte la rĂ©surrection d’un mort, arrivĂ©e Ă  cette Ă©poque-lĂ  ; puis, un autre miracle concernant Juste surnommĂ© Barsabas, qui but un poison mortel et par la grĂące du Seigneur n’en Ă©prouva aucun mal. 10Ce Juste est celui qu’aprĂšs l’ascension du sauveur, les saints ApĂŽtres avaient prĂ©sentĂ© avec Matthias, aprĂšs avoir priĂ©, pour que le sort dĂ©signĂąt lequel des deux devait, Ă  la place de Judas, complĂ©ter leur nombre. Le livre des Actes relate ainsi le fait Ils prĂ©sentĂšrent deux hommes, Joseph appelĂ© Barsabas, surnommĂ© Juste, et Matthias, et ils priĂšrent en ces termes.. ». 11 Le mĂȘme Papias ajoute d’autres Ă©lĂ©ments qui lui seraient venus, dit-il, par une tradition orale, telles que certaines paraboles Ă©tranges et certains enseignements du sauveur ainsi que d’autres rĂ©cits tout Ă  fait fabuleux. 12II dit, notamment, qu’il y aura mille ans aprĂšs la rĂ©surrection des morts, que le rĂšgne du Christ sera matĂ©riel et aura lieu sur la terre. Je pense que cette conception vient de ce qu’il a mal compris les rĂ©cits des apĂŽtres et n’a pas vu qu’ils se servaient de figures et s’exprimaient dans un langage symbolique. 13 Il paraĂźt avoir Ă©tĂ© du reste d’un esprit fort mĂ©diocre, comme on peut le conjecturer d’aprĂšs ses Ă©crits. Cependant il fut cause qu’un trĂšs grand nombre d’auteurs ecclĂ©siastiques aprĂšs lui adoptĂšrent le mĂȘme avis que lui ; son antiquitĂ© leur Ă©tait une garantie. C’est ainsi qu’IrĂ©nĂ©e et quelques autres ont embrassĂ© son sentiment. 14 Dans son ouvrage, il nous donne encore d’autres rĂ©cits d’Aristion dont nous avons parlĂ© plus haut, sur les discours du Seigneur, ainsi que des traditions de Jean le presbytre auxquelles nous renvoyons les lecteurs dĂ©sireux de s’instruire. Pour le moment, il est utile que nous ajoutions Ă  tout ce que nous avons rapportĂ© de lui la tradition qu’il nous transmet au sujet de Marc qui a Ă©crit l’évangile, voici en quels termes. 15 Et le presbytre disait ceci Marc, Ă©tant l’interprĂšte de Pierre, Ă©crivit exactement, mais sans ordre, tout ce qu’il se rappelait des paroles ou des actions du Christ ; car il n’a ni entendu ni accompagnĂ© le Sauveur. Plus tard, ainsi que je l’ai rappelĂ©, il a suivi Pierre. Or celui-ci donnait son enseignement selon les besoins et sans nul souci d’établir une liaison entre les sentences du Seigneur. Marc ne se trompe donc pas en Ă©crivant selon qu’il se souvient ; il n’a eu qu’un souci, ne rien laisser de ce qu’il avait entendu et ne rien dire de mensonger ». VoilĂ  ce que Papias raconte de Marc. 16Il dit d’autre part ceci de Matthieu Matthieu rĂ©unit les sentences de JĂ©sus en langue hĂ©braĂŻque et chacun les traduisit comme il put ». 17 Papias se sert de tĂ©moignages tirĂ©s de la premiĂšre Ă©pĂźtre de Jean et de la premiĂšre de Pierre. Il raconte encore une autre histoire, au sujet de la femme accusĂ©e de beaucoup de pĂ©chĂ©s devant le Sauveur que renferme l’Évangile aux HĂ©breux. Cela, ajoutĂ© Ă  ce que nous avons exposĂ©, n’a pas Ă©tĂ© marquĂ© sans utilitĂ©. LIVRE III iii. Sur ce chapitre, voy. A. Loisy, Hist. du canon du nouveau Testament Paris, 1891, p. 156. iv, 8 áŒÏ€ÎŻ ᜰ Γαλλία, variante du texte de saint Paul, oĂč on lit aussi Δጰ Î“Î±Î»Î±ÎŻÎ±Îœ, ce qu’a rĂ©tabli le traducteur syriaque d’aprĂšs sa version du Nouveau Testament. En tout cas, l’idĂ©e de faire de ce Crescent un Ă©vĂȘque de Vienne n’est pas plus vieille que le milieu du ixe siĂšcle ; voy. L. Duchesne, Origines chrĂ©tiennes, p. 449; Fastes Ă©piscopaux de la Gaule, t. I, p. 151 suiv. v, 3 ΠέλλαΜ renseignement dĂ» Ă  EusĂšbe exclusivement ; voy. les ouvrages citĂ©s sur I, vÎčÎč, 14. vi, 18 ጐÎșÏ€ÎœÎ­ÎżÎœÎ± ER, syr., Rufin, JosĂšphe ; ጐÎșÏ€ÎœÎ­ÎżÎœÎ± AΒDMT. — 27 áœĄ παρ’αᜐ BDERT, áœĄ παρ’ Î±áœÎżáżŠ Α, ᜄπΔρ αᜐ M; tamquam si ipse id perpetrasset, Rufin et syr. Les mss. de JosĂšphe ont áœĄ παρ’ et ᜄπΔρ. Étant donnĂ© l’emploi frĂ©quent de Ï€Î±ÏÎŹ chez ces auteurs, il n’y a pas une grande diffĂ©rence de sens. viÎčÎč, 6 ጀΞρα mss., Ecl. proph., Jos., ጀΞρα Î»Î”ÎłÎżÏÎ· Dem. ; qui parla soudain ጀΞρ », syr. ; subitas dicentes Rufin. — 8 πρ᜞ Îżáœș παρΜα mss., syr., lat. ; πρ᜞ Îżáœș Ï€Î±ÏÎżÎœÎ± Ε, Jos. — 9 ᜞Μ παρᜰ áżŹÎŒÎ±ÎŻÎżÎč áżŹÎŒÎ±ÎŻÎœ Ε Jos. áŒ”Ï€Î±ÏÏ‡ÎżÎœ alors Lucceius Albinus, procurateur de 62 Ă  64. ix, 1 ÎœÎ±ÎžÎŻÎżÏ… BER syr.. ÎœÎ±Î±ÎžÎŻÎżÏ…, ADMT ; les mss. de JosĂšphe sont partagĂ©s ; ceux de Rufin ont Matthei de premiĂšre main. — Sur JosĂšphe, voy. Shuerer, Gesch. des jĂŒd. Volkes, t. I, p. 74 suiv. x, 2 ᜎΜ ῆ áŒ€ÎœÎžÏÏ€ÎżÎłÎżÎœÎŻÎ± Ï€Î±ÏÎŹÎŽÎżÎčΜ ᜎΜ ጀπ’ áŒ€ÎœÎžÏÏ€ÎżÎłÎżÎœÎŻÎ± π., JosĂšphe ; ጀπ’ est le seul texte possible. De mĂȘme, dans 3 ΌέχρÎč ῆ áŒˆÏÎ±ÎŸÎ­ÏÎŸÎżÏ…, ῆ nĂ©gligĂ© par le syr. et Rufin est interpolĂ©. — 6. Le ΠΔρ᜶ Î±áœÎżÎșÏÎŹÎżÏÎż λογÎčÎŒÎżáżŠ n’est pas de JosĂšphe, mais d’un autre Ă©crivain du mĂȘme temps. Il est quelquefois comptĂ© comme quatriĂšme livre des MacchabĂ©es. Voy. Shuerer, l. c, t. III, p. 393 suiv. — 8. La biographie de JosĂšphe est un appendice des AntiquitĂ©s voy. Shuerer, l. c, t. I, p. 86 suiv. — Sur Juste de TibĂ©riade, voy. ib. t. I, p. 58. — 10. JosĂšphe, Contre Apion, I, 51, mentionne ces parents d’Agrippa Il Julius ArchĂ©laus, son beau-frĂšre, et un HĂ©rode, qui ne peut ĂȘtre l’oncle et beau-frĂšre d’Agrippa II, HĂ©rode de Chalcis, mort en 48 d’aprĂšs la ÎĄrosopographia imperii romani, t. II, p. 142-143, peut-ĂȘtre un fils d’Aristobule et de SalomĂ©, par consĂ©quent un petit-fils d’HĂ©rode de Chalcis. xii Ce chapitre, au discours indirect, paraĂźt provenir d’HĂ©gĂ©sippe, mentionnĂ© Ă  la fin du chap. xi. xiii. Nous donnons, dans le texte grec, la disposition que M. Schwartz a prĂ©fĂ©rĂ©e ; dans la traduction, la division en chapitres qui sert de base aux rĂ©fĂ©rences. Il suit delĂ  que le chapitre Ιγ’ du grec n’a pas de texte correspondant. D’ailleurs les mss. trahissent un grand dĂ©sordre dans la division du texte. La cause en est facile Ă  dĂ©couvrir. Notre chapitre xiv,sur Avilius, a Ă©tĂ© transposĂ© avec le chapitre xiii. La transposition est ancienne, puisqu’elle paraĂźt antĂ©rieure Ă  la traduction syriaque et Ă  Rufin. Mais elle est dĂ©noncĂ©e par le sommaire des chapitres, qui indique avec les titres la suite des sujets. Le traducteur syriaque avait dĂ©jĂ  remarquĂ© la difficultĂ© et pour retrouver le compte des chapitres, il avait placĂ© le titre xiv Anaclet en tĂȘte du chapitre xv, coupant en deux la phrase devant ᜃv Ï…ÎœÎ”ÏÎłÎœ expĂ©dient empirique. La suite est donc ; titre xii, actuellement chap. xÎčÎč Vespasien – XIII – chap. XIV Avilius – XIV – chap. XIII Anaclet – XV – chap. XV ClĂ©ment EusĂšbe passe de JĂ©rusalem Ă  Alexandrie, puis d’Alexandrie Ă  Rome. xx, 1 ᜁ áŒ ÎżÏ…ÎżÎșáŸ¶Îż les vĂ©tĂ©rans qui faisaient partie des euocati avaient des fonctions administratives infĂ©rieures ; on connaĂźt un euocatus Palatinus, c’était une sorte d’huissier du palais. Rufin Hos Reuocatus quidam nomine, qui ad hoc missus fuerat, perducit ad Domitianum Caesarem c’est la mĂ©prise qui a fait d’expeditus un nom de saint ; mais elle est Ă©trange chez un Ă©crivain romain. — HĂ©gĂ©sippe emploie encore deux mots tirĂ©s du latin, ጐΎηλαρΔυαΜ, de delator, mais sans correspondant exact, et ÎŽÎ·ÎœÎŹÏÎčα, frĂ©quent chez les historiens grecs. xxii áŒÎłÎœÏÎŻÎ¶Î”Îż terme frĂ©quemment employĂ© dans les chroniques grecques pour dĂ©signer le temps oĂč florissait un personnage clarus habebatur. xxiii, 7 Îżáœ•ÎœÎżÎŒÎ± Smyrne, d’aprĂšs le Chronicon Paschale, p. 470, 9, dont l’évĂȘque Ă©tait saint Polycarpe. xxiv, 7 ጀΎη ... Ï€Î”Ï€ÎżÎčηΌέΜΜ ; au lieu de ces mots, les traductions supposent un autre texte ; ĂŒber Marcus aber und ĂŒber Lucas und ĂŒber die Ueberlieferung ihrer Evangelien ist schon von uns gesprochen » syr. ; post hunc, Lucae et Marci scriptura euangelica secundum eas causas quas superius diximus editur Rufin. Cf. II, xv, et III, iv, 6. xxv, Sur ce chapitre, voy. plus haut, chap. iii, et LOISY, Histoire du canon du Nouveau Testament Paris, 1891, p. 151 suiv. — ΔηλΞΔία ne signifie rien de plus que de quibus diximus, comme l’a prouvĂ© Heinichen ; voy. plus haut, la note sur I, Μ, 1. xxvi, 3. Voy. le texte de Justin dans l’édition PAUTIGNY, p. 52, et les divergences des mss. de Justin avec EusĂšbe, ib., p. xxxi. xxvii, 6. Le nom de Pauvres » devait ĂȘtre donnĂ© dĂšs l’origine aux chrĂ©tiens Ă  JĂ©rusalem ; Ebionaei se trouve pour la premiĂšre fois dans IRENEE, I, xxvi, 2, etc. Les renseignements donnĂ©s ici proviennent d’ORIGÈNE, De principiis, IV, xxii. Voy. les ouvrages citĂ©s sur I, vii, 14, et A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte Leipzig, 1888, 2e Ă©d., t. I, p. 244 suiv. xxviii, 2 ጐΜ ÎłÎŹÎŒ áŒ‘ÎżÏáż† les traductions latine et syriaque supposent ጐΜ ÎłÎŹÎŒÎżÏ… áŒ‘ÎżÏáż‡; M. Schwartz pense que cette variante est une ancienne conjecture et qu’il y a une lacune. Mais cette fĂȘte nuptiale, qui doit durer mille ans, rappelle les fĂȘtes de printemps qui ont lieu chez certains peuples WESTERMARCK, Origine du mariage dans l’espĂšce humaine, de VARIGNY, Paris, 1895, p. 29-34; elle n’en diffĂšre que par la durĂ©e, comme il convient Ă  un rĂȘve apocalyptique. Voy. le sens de ÎłÎŹÎŒÎżÎč dans la citation de Denys. — Cf. les descriptions de l’Apocalypse, sur le rĂšgne millĂ©naire, la JĂ©rusalem nouvelle, les noces de l’Agneau, ch. xix-xxi. — 4 áŒ‘Î±Ï…ÎżáżŠ Ï€Î»ÎŹÎŒÎ±Îč par ces mots, Valois et Heinichen entendent un livre, que d’aprĂšs Denys, GĂ©rinthe aurait mis sous le nom de l’apĂŽtre Jean. GaĂŻus dit tout autre chose. — 5 Ï€Î»Î·ÎŒÎżÎœÎ±áż– Ï€Î»Î·ÎŒÎżÎœÎœ mss. ; faute corrigĂ©e d’aprĂšs le texte de VII, xxv, 3. xxix, 2 παραχ៶ΞαÎč ῇ αρÎșÎŻ la maxime est Ă©quivoque ; dans HERMAS, Sim., V, vii, 2, elle est prise dans un sens dĂ©favorable. xxx, 2 Μ φÎčÎ»ÎŹÎœ faute du texte lu par EusĂšbe ; ΌέχρÎč Μ φÎčÎ»ÎŹÎœ, CLEMENT. xxxi, 3 ÎżÎčÏ‡Î”áż–Î± ce mot sert Ă  dĂ©signer les constellations du zodiaque ou les sept planĂštes ; voy. la note de Valois, et II. DIELS, Elementum Leipzig, 1899, p. 44 suiv. et p. 53. — Ce passage est altĂ©rĂ©. D’aprĂšs M. Harnack, Die Mission und Ausbreitung des Christentums, p. 484, il y a une Ă©numĂ©ration comprenant Philippe, deux filles de Philippe, une troisiĂšme, l’apĂŽtre Jean. C’est ainsi que paraissait avoir compris dĂ©jĂ  Valois. M. Schwartz entend par áŒĄ ጕΔρα l’une des deux filles mentionnĂ©es, et suppose qu’il y a une lacune. xxxii, 3 ᜑπαÎčÎșοῊ ገÎčÎșοῊ ce gouverneur de JudĂ©e Ă©tait consulaire, comme un de ses successeurs immĂ©diats, Q. Pompeius Falco. On identifie cet Atticus avec le pĂšre d’HĂ©rode Atticus. L’évĂ©nement est placĂ© en 107, par EusĂšbe, dans sa chronique ; en 105, par le Chronicon paschale, qui d’ailleurs dĂ©rive d’EusĂšbe. Voy. Shuerer, Geschichte des jĂŒdischen Volkes, t. I, p. 645. — 7 ÎșύΔÎč ABDM, Îșοί Ε, Îșοί R ; áœĄ Β, om. mss. ; Δጰ add. Schwartz ; φλΔυΜΜ ABE, ጐΌφλΔυΜΜ R, áŒÎŒÏ†ÎżÎ»Î”Ï…ÎœÎœ DM; wie in Finsternis verborgen waren » syr. ; in occultis et abditis hiatibus terrae delitescentibus, Rufin. — 8 áŒÏ€Î”Ï‡Î”ÎŻÏÎżÏ…Îœ ADMT1 syr. ; áŒÏ€Î”Ï‡Î”ÎŻÏÎœ; Îșα᜶ αῊα ÎŒáœČΜ Îżáœ—Îż πΔρ᜶ ÎżÏÎœ ÎŽÎčαλαÎČᜌΜ ᜧΎέ π ጔλΔΟΔΜ áŒĄÎŒÎ”áż– ÎŽáœČ ጐπ᜶ ᜰ áŒ‘ÎŸáż† ῆ áŒ±ÎżÏÎŻÎ± ᜁΎ Ï€ÏÎżÎČÎ±ÎŻÎœÎżÎœÎ” ጎΌΔΜ BERT2; sed istud bellum intrinsecus gerebatur, Rufin. xxxiii, 3 πρ᜞ ᜞ ᜎΜ ጐπÎčÎźÎŒÎ·Îœ αᜐΜ ÎŽÎčÎ±Ï†Ï…Î»ÎŹÎ”ÎčΜ est Ă  peu prĂšs inintelligible ; TERTULLIEN coetus antelucanos ad canendum Christo ut Deo et ad confoederandum disciplinam, homicidium, etc.. prohibentes. — ጐΌπΔΜ ÎŽáœČ ÎșολΏζΔΞαÎč oblatos uero puniri, TERTULLIEN. xxvi, 2 Îșα᜶ αᜐ᜞ áŒÏ€ÎŻÎșÎżÏ€Îż BDER ajoutent ጀΜᜎρ ᜰ Ï€ÎŹÎœÎ± ᜅÎč ÎŒÎŹÎ»Îčα λογÎčÏŽÎ±Îż Îșα᜶ ῆ ÎłÏÎ±Ï†áż† Î”áŒ°ÎŽÎźÎŒÎœ. Cette interpolation, dĂ©noncĂ©e par Valois, est dĂ©fendue Ă  tort par Heinichen. — 4 ጐπÎčÏ€ÎżÎ»Î±Î¶ÎżÏÎ± mss., syr. áŒ€ÎœÎ±Ï†Ï…Î”ÎŻÎ± Îșα᜶ ጐπÎčÏ€ÎżÎ»Î±Î¶ÎżÏÎ± À ; copiosius coeperant pullulare, Rufin. — 7 ᜅ áŒÎŻÎœ...ÎŹÎłÎŒÎ± glose fort anciennement passĂ©e dans le texte. — 8 ÏÎœÎżÎŒÎ± mss., mss. d’Ignace ; υΜΌ syr. et trad. syr. d’Ign. ; acriores, Rufin ; ÏÎœÎżÎœÎ± conjecture de Vossius, citĂ© par Valois, qui remarque que ce dut ĂȘtre le texte lu par Rufin. — 11 cf. Luc, xxiv, 39 ; mais λΏÎČΔΔ, et la fin du logion, viennent d’ailleurs, de l’Évangile aux HĂ©breux d’aprĂšs saint JEROME, De uiris inl., xvi p. 17, 24 RICHARDSON, et In Is., XVIII, prol. P. L., t. XXIV, col. 628. Mais EusĂšbe connaissait cet apocryphe. La derniĂšre partie se lisait aussi dans la Doctrine de Pierre ORIGENE, De principiis, praef., 8 ; P. G., t. XI, col. 119 C.Cf. RESCH, Agraphia Leipzig, 1889, p. 411, apokryphon 41.— 13 EusĂšbe a quelques leçons diffĂ©rentes du texte donnĂ© par le ms. de la lettre ; il omet, aprĂšs πΔÎčÎžÎ±ÏÏ‡Î”áż–Îœ, λγ ῆ ÎŽÎčÎșαÎčÎżÏÎœÎ·; noter de plus ጀÎșÎ”áż–Îœ áœ‘Ï€ÎżÎŒÎ­ÎœÎ”ÎčΜ POL. ; λοÎčÏ€Îżáż– d’accord avec la vieille trad. lat. áŒ„Î»Î»ÎżÎč POL. xxxiii, 3 ÎŽÏ…ÎœÎŹÎŒÎ”Îč áŒÎœÎźÏÎłÎżÏ…Îœ voy. H. WEINEL, Die Wirkungen des Geistes und der Geister im nachaposiolischen Zeitalter bis auf Irenaeus ; Fribourg-en-Brisgau, 1899. xxxviii, 1. Cette liste des citations de l’Épitre aux HĂ©breux, dans ClĂ©ment de Rome, est empruntĂ©e Ă  M. Schwartz ; elle est d’ailleurs incomplĂšte. Voy. la table de la grande Ă©dition des PĂšres apostoliques par FUNK 1901, p. 645, et surtout The New Testament in the Apostolic fathers, by a committee of the Oxford society of historical theology Oxford, 1905, p. 44 suiv. xxxix, 1 áŒÎŸÎ·ÎłÎźÎ” EusĂšbe ; JEROME, De uiris, xvm explanatio ; áŒÎŸÎ·ÎłÎźÎ”Îč M. — 4 ገρÎčÎŻÎœ le syr. suppose partout AristĂŽn. — 15 ᜃ mss., und » syr., om. Rufin ; le sujet dans les deux traductions se trouve donc ĂȘtre Marc. — Î»ÎżÎłÎŻÎœ Î»ÎłÎœ AT1. —16 λογία mss., das Evangelium » syr., om. Rufin. — Ï…ÎœÎ”ÎŹÎŸÎ±Îż Ï…ÎœÎ”ÎłÏÎŹÏˆÎ±Îż AM. — 17 ጐπÎčÎ”Î·ÏÎźÎž ጐπÎčÎ”Î·ÏÎźÎž ጀΌφ᜶ ÎŽáœČ ᜞ ΎΎέÎșÎ±ÎżÎœ áŒ”Îż ῆ ÏÎ±ÏŠÎ±ÎœÎżáżŠ ÎČαÎčλΔία . . 66 428 62 185 411 401 495 89

dans un amphithéùtre y avait un macchabée