Word Lanes est un jeu dans lequel vous devez deviner, dans chaque niveau, plusieurs mots Ă partir d'une dĂ©finition. Chaque niveau possĂšde plusieurs mots Ă trouver. DĂ©couvrez dans cet article la solution de la dĂ©finition "Ătages dans un stade ou un amphithéùtre". Mot Ă deviner pour cette dĂ©finition Gradins Autres solutions du mĂȘme niveau Assembler avec du fil et une aiguille CoudreCauser directement quelque chose SusciterChampignon que l'on appelle chevelu CoprinDent tranchante du devant IncisiveĂtendu sur le ventre ou le dos AllongĂ©Gros bateau destinĂ© Ă la haute mer NavireLe contraire de la duretĂ© Mollesse Une fois que vous avez terminĂ© entiĂšrement la grille de ce niveau, vous pouvez retourner au sommaire de Word Lanes pour obtenir la solution des prochains niveaux.
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I C'est lui. â Ce n'est pas lui. â Je te dis que c'est lui ! â Je te dis que non⊠» Le concierge faisait une voix plus grosse que la concierge. Mais cette belle fille de Bourgogne vineuse avait son cri, qui valait l'autre, pour pĂ©nĂ©trer portes, cloisons, murailles, d'un suraigu ce n'est pas lui ». Toutes les loges des rues de Poitiers, de Verneuil, de Lille, de l'UniversitĂ© avaient fini par dĂ©lĂ©guer quelque reprĂ©sentant dans le joli petit entresol oĂč gisait le mince cadavre contestĂ©. PrĂšs de la main raidie, sur les draps rosĂ©s de sang pĂąle, un revolver de nacre paraissait dire, un peu confus Voici que j'ai tuĂ©. » Mais la concierge s'expliquait. Elle articulait Ce n'est pas notre locataire. Ce n'est pas le monsieur du 20 de la rue de Poitiers. Je le connaissais bien ! Je faisais son mĂ©nage, je le raccommodais, je cirais ses petites bottines. â Eh ! non, qu'est-ce que tu veux ! Nous n'y pouvons rien ? C'est lui, rĂ©pliquait l'obstinĂ©. â Mais tu l'as bien vu comme moi, hier, quand il nous a payĂ©s. Il avait les yeux clairs, les paupiĂšres propres, les cheveux bien peignĂ©s, son air qui faisait jeune. Trente ans ? Trente-cinq ? Pas beaucoup plus. Ăa, c'est un vieux, chauve, avec des yeux bordĂ©s de rouge. On l'aura dĂ©posĂ©, ici, Ă la place de mon Monsieur⊠â Qui, on ? Personne n'est entrĂ© ni monté⊠Pour le dĂ©poser, qui ça ? â La cambriole⊠â Pas de porte forcĂ©e, dit-il. La serrure intacte⊠â C'est malin, quand on a la clef ! â Et Azor, tu l'oublies ? il ne peut sentir un Ă©tranger. â Les chiens dorment comme les gens. â Pas lui ! Il aurait jappĂ©. â Il est comme les autres. Et puis, vois cette barbe⊠Il la portait en petite pointe trĂšs bien la barbichette de tout le monde, il y a quinze ans. Vois sa photo de cet hiver. Ăa n'a pas de rapport avec les longs poils qui coulent sur la chemise, et ces frisons, comme aux bohĂ©miens Ă la foire. En voilĂ une qui n'est pas poussĂ©e d'hier soir ! » Et les mains dans les poches de son tablier, elle n'arrĂȘtait pas Sa barbe Ă lui n'avait pas deux travers de doigt⊠Et celle-ci⊠â Elle est peut-ĂȘtre fausse, dit l'homme. â Va donc la tirer, tu verras. » Il se met en marche. Un grand diable de sergent de ville se lĂšve pour crier les paroles sacramentelles Ne touchez rien. On est allĂ© chercher Monsieur Wladimir. » II Ce grand nom fit une espĂšce de paix du silence. Bien qu'il en fĂ»t aux modestes fonctions de chien de commissaire ou secrĂ©taire du commissaire de police, Monsieur Wladimir n'Ă©tait pas le premier venu au quartier Saint-Thomas d'Aquin. Son prestige s'Ă©tendait aux Invalides et au Gros-Caillou. Actif, allant, serviable, toujours prĂȘt aux explications claires, aux renseignements prĂ©cis, il ne se faisait pas prier pour donner un conseil. Les mĂ©nagĂšres lui savaient grĂ© de sa complaisance autoritaire, certains bourgeois huppĂ©s s'en Ă©taient bien trouvĂ©s, et de belles dames aussi. Il soufflait dans sa voilure une popularitĂ© de bon goĂ»t, comme il convient dans ces quartiers. On avait perdu son nom de famille. Le prĂ©nom distinguĂ© faisait flotter sur son berceau d'agrĂ©ables pans de mystĂšre honnĂȘtes bĂątardises de grand-duc, d'archiduc, ou d'ambassadeur. De vieux Parisiens renseignĂ©s en souriaient avec rĂ©serve ; parler n'eĂ»t fait ni bien ni plaisir Ă personne. Mais enfin, il n'Ă©tait pas tout Ă fait ignorĂ© que le futur chien du commissaire avait Ă©tĂ© vu, faubourg Saint-HonorĂ©, dans la maison d'une haute princesse de France, en la simple qualitĂ© de valet de pied. Autant que bonne et gĂ©nĂ©reuse, Madame d'X⊠était un esprit de vaste culture et de trĂšs haut bon sens. Le hasard avait fait qu'elle employĂąt particuliĂšrement Wladimir Ă retenir et Ă garder ses places aux grandes confĂ©rences dont elle ne manquait pas une Sorbonne, Notre-Dame, AcadĂ©mies, CollĂšge de France, institut d'Action Française, elle y trouvait satisfaction pour son goĂ»t des idĂ©es, de leurs rapports, de leurs conflits. Elle avait remarquĂ©, Ă plusieurs reprises, que cette perle des valets s'arrangeait pour ne jamais quitter une salle, fĂ»t-elle comble ; le bras chargĂ© de l'impermĂ©able ou de la pelisse, il se tenait debout au fond sans perdre un mot du professeur ou du confĂ©rencier. Un jour, s'Ă©tant retournĂ©e par miracle, que vit-elle ? Son Wladimir ouvrant une bouche de four, l'Ćil plus grand que nature, et bĂ©ant tout entier, avec une expression de fĂ©licitĂ© qui n'Ă©tait point du tout d'un bĂȘta. Quand on fut de retour, elle voulut en avoir le cĆur net et se mit Ă le questionner. Wladimir rĂ©cita de bout en bout le cours auquel il venait d'assister, sans faire grĂące d'une acrobatie du maĂźtre. Avait-il aussi bien compris que retenu ? Ses rĂ©ponses le classĂšrent Ă l'Ă©gal de ce qu'auraient donnĂ© les philosophes mondains et les agrĂ©gĂ©s de passage dans les dĂźners de la princesse. Elle sauta sur son stylo Mon cher PrĂ©fet, Ă©crivit-elle Ă Jean Chiappe 1, savez-vous qui nous a ramenĂ©s, hier, vous et moi, de Bergson ? Un phĂ©nomĂšne ? Non ! Un prodige ? Non ! Un phĂ©nix ! Me voyez-vous faire ouvrir mes portiĂšres par un phĂ©nix ? Je n'aime pas qu'on laboure avec un diamant. Donc, acceptez-en le cadeau. Tirez-le d'ici, vite ! EmpĂȘchons ce coulage ! Il faut que ce garçon fasse son chemin. Prenez-le donc dans vos bureaux ! Un tour de faveur au besoin, pour qu'il y ait un peu de justice en ce triste monde ! Wladimir dut porter le poulet Ă Jean Chiappe, qui aimait aussi le talent et la justice. Il avait la princesse en vĂ©nĂ©ration. Un interrogatoire dĂ©licat et bienveillant fit apparaĂźtre que Wladimir, ayant amorcĂ© de bonnes Ă©tudes, les avait interrompues trop tĂŽt par un gros revers de fortune. De place en place, il avait dĂ» accepter celle qui l'obligeait Ă mettre ses mollets Ă l'air. AprĂšs un stage favorable au cabinet personnel du prĂ©fet, les chances et les risques de la vie parisienne surent organiser pour Monsieur Wladimir de petites missions suburbaines ; ses enquĂȘtes fort bien menĂ©es firent valoir ce qu'il avait dans l'esprit de rigoureusement dĂ©ductif et logique. La veine ! » disaient les uns. Et les autres le flair ! » Que ce fĂ»t par logique, sens critique ou bonne fortune, il rĂ©ussissait Ă passer des concours et Ă dĂ©crocher des grades qui permirent de le nommer dans le centre de Paris, oĂč l'attendaient d'autres succĂšs. Le mĂ©rite de l'homme releva des fonctions restĂ©es secondaires. Entre temps, par la protection de son officier de paix, le poĂšte Ernest Reynaud 2, de l'Ăcole romane, Monsieur Wladimir publia deux plaquettes de vers. D'un sentiment un peu froid, elles valaient par l'Ă©lĂ©gance et trahissaient l'amour des disciplines philosophiques. La bonne princesse exultait. Elle Ă©tait ravie de le rencontrer quelquefois au pied de chaires fameuses, de lui sourire et de l'accueillir. Lui n'avait garde de chercher Ă reparaĂźtre dans la maison oĂč il avait servi ; cette discrĂ©tion ajoutait Ă sa gloire en fleur. Signe de tact, disait la princesse. â De tact et d'amour-propre bien compris, disait aussi Jean Chiappe, qui tenait Monsieur Wladimir pour l'une des espĂ©rances de son personnel. » Il ajoutait Je lui vois un point faible. Homme d'une seule idĂ©e. Il n'en a qu'une Ă la fois. Alors, c'est la cloche pneumatique. Par le vide, l'idĂ©e solitaire gonfle, et gonfle Ă crever. Faute de trouver des complĂ©mentaires qui l'Ă©quilibrent, cette idĂ©e fixe peut conduire Ă des formes de fanatisme⊠â Oh ! fanatisme ! De la politique, alors ? demandait la princesse. â Heureusement pour Wladimir, il ne fait pas de politique. Je vois un fanatisme de sentiment, d'Ă©cole, de chapelle⊠» Et la princesse faisait taire M. Chiappe, et M. Chiappe ne demandait pas mieux, car il aimait Wladimir pour ses talents et pour ce que son ascension sociale avait d'ancien et de nouveau, encore que de plus en plus rare dans la vie moderne. Il se fĂ©licitait de la part qu'il y avait prise, et Monsieur Wladimir n'en faisait que mieux son chemin. Ivre de belle confiance, il ne laissait rien dĂ©mĂȘler de sot. III DĂšs que le chien du commissaire eut pĂ©nĂ©trĂ© dans l'appartement, le bataillon des concierges lui rendit les honneurs ; hommes de ci, femmes de lĂ , il fut conduit processionnellement, entre deux haies, jusqu'au pied du gisant. Ni grand, ni petit, jambĂ©, rĂąblĂ©, musclĂ©, sachant jouer de l'Ćil, du coude, du genou, c'Ă©tait un assez beau garçon que Monsieur Wladimir, avec ce soupçon d'importance qui ne prĂ©lude pas mal Ă l'autoritĂ©. Les deux chansons recommencĂšrent C'est lui ! â Ce n'est pas lui ! » Mais le concierge mĂąle fit son rapport en rĂšgle. Un Ă©crivain connu, Denys Talon, locataire de l'entresol, s'Ă©tait donnĂ© la mort, cette nuit, ou ce matin. S'il n'est pas mort tout de suite, l'agonie, le mal, la souffrance avaient pu altĂ©rer quelque peu ses traits. Mais, foi de gĂ©rant de l'immeuble, dont il avait la garde depuis dix ans, il ne pouvait y avoir de doute sur l'identité⊠Ce n'est pas mon avis, monsieur Wladimir, dit la femme. Eh ! regardez-moi cette barbe ! » L'homme rĂ©pondit posĂ©ment J'ai dĂ©jĂ dit que la barbe pouvait ĂȘtre fausse. â Voyons », dit M. Wladimir, qui approcha, tira. La barbe tint. Madame triompha Tu vois bien que ce n'est pas lui ! » L'homme allait rĂ©pliquer on ne sait quoi. Mais voici du nouveau monsieur Wladimir ayant lĂ©gĂšrement soulevĂ© le haut du corps mort, l'on entendit un bruit clair, comme des billes roulant sur le parquet. Il se baissa et put ramasser, une Ă une, dix-neuf dents, Ă la vĂ©ritĂ© vieilles, jaunĂątres, presque noires !⊠Nouveau, triomphe de Madame Les dents de M. Talon, ça, ces chicots de vieux ? Il riait comme un petit loup. Je le sais bien ! Je le lavais, le brossais, le voyais tous les jours⊠» M. Wladimir demanda s'il n'y avait pas d'autres tĂ©moins. Personne ne rĂ©pondit. La dispute aurait repris quand l'attention du magistrat fut dĂ©tournĂ©e des contestations subalternes. Sur la table de nuit, contre l'Ă©tui de l'arme et la grande montre-rĂ©veil, se dĂ©couvrait un assez fort manuscrit dont la chemise brune portait ces mots RĂ©cit, confession, testament Ă©crits Ă main courante. Par-dessous, au milieu du premier feuillet, on lisait en grosse ronde calligraphique le titre suivant LE MONT DE SATURNE suivi de trois sous-titres Le rĂȘve, la vie, la mort et d'Ă©pigraphes variĂ©es. M. Wladimir se dit que la clĂ© de l'affaire Ă©tait lĂ , le moyen de la trouver, ou celui de la fabriquer. Il congĂ©dia l'assistance en ajoutant qu'il allait voir cela tout seul, mais non sans prescrire au planton d'aviser le commissariat que l'enquĂȘte le retiendrait tout le jour, on n'avait pas Ă compter sur lui jusqu'au soir. M. Wladimir s'assit. Il lut. IV M. Wladimir, secrĂ©taire du commissaire de Saint-Thomas d'Aquin achevait la lecture qui allait faire Ă©clater son gĂ©nie. Aux derniers mots, il avait cru entendre la dĂ©tonation et voir l'Ă©crivain Denys Talon tomber Ă la renverse sur l'oreiller. Mais, dit-il Ă mi-voix, s'est-il tuĂ© raide ? C'est ce que le concierge semblait penser⊠» On frappa Au diable l'intempestif ! » C'Ă©tait le mĂ©decin des morts. Heureusement, il Ă©tait fort pressĂ©. Ses premiers mots prirent la suite du soliloque de M. Wladimir Le concierge semble estimer que M. Talon ne serait pas mort tout de suite⊠Alors, il se serait un peu manquĂ© ? » L'homme de l'art, ayant tĂątĂ© sommairement, reprit Un peu. » Il repalpa. De peu. Le sang perdu. Le cĆur⊠â Mais, demanda le policier, Ă quelle heure peut bien remonter le dĂ©cĂšs ? » Nouveaux tĂątons rapides Les derniĂšres heures de la matinĂ©e, peut-ĂȘtre. Midi au plus tard. Pour l'identitĂ©, savez-vous ? La femme criait, contestait⊠» M. Wladimir donna au manuscrit une petite tape du dos de la main et dit, d'un ton capable La question ne se pose plus. » Monsieur Wladimir avait tout vu la promptitude de son intuition, la rigueur de sa dĂ©duction l'avaient fixĂ©. Il murmura La mort n'a pas Ă©tĂ© instantanĂ©e ? Il a agonisĂ© dix heures ? Donc tout s'explique. » Le mĂ©decin partit au trot. Il avait apportĂ© les lumiĂšres de la science. M. Wladimir en recueillait pieusement le dernier rayon, mais il l'ordonnait et l'organisait Un peu manquĂ©, longue agonie. Oui, se disait-il Ă voix haute, tout colle, tout s'enchaĂźne, tout s'articule et se lie. » ⊠OĂč d'autres, Ă sa place, n'auraient vu que trente-six mille chandelles, il regarde s'Ă©tendre devant lui une nappe de clartĂ©s qui montent, en s'Ă©galisant vers les paradis de la certitude. Il boit et reboit ces flots purs, il s'en pĂ©nĂštre Ă fond. Sa conviction qui s'est formĂ©e a ce caractĂšre particulier qu'elle est corroborĂ©e par ce qui pourrait l'Ă©branler dĂ©saccord des concierges, silence d'Azor, serrures intactes, les dix-neuf dents jaunĂątres dĂ©tachĂ©es d'elles-mĂȘmes, le poil allongĂ© et vieilli. Ce qui ferait difficultĂ© facilite l'explication ou la vĂ©rifie. Que la barbe de Denys Talon se soit permis de croĂźtre d'une façon dĂ©mesurĂ©e par rapport aux quelques dix pas de l'aiguille sur le cadran, ou bien que les dents aient jailli de l'alvĂ©ole au premier mouvement du corps mort, attestant une singuliĂšre vitesse de la carie, cela n'importe plus que pour s'interprĂ©ter en bonne mĂ©thode les faits sont patents, et leur ombre de rĂ©sistance s'Ă©vanouit au clair d'une saine philosophie. V Car M. Wladimir sait une bonne chose qu'il a apprise Ă bonne Ă©cole, que le Temps vulgaire n'existe pas ou que ce Temps n'est pas le vrai ! Un grand Ă©crivain du XVIIe siĂšcle a donc Ă©tĂ© bien fat quand il a prĂ©tendu pouvoir fournir aux hommes la bonne heure en disant Je tire ma montre ». Ă illusion du vain prestige pascalien ! Le temps des montres » est un faux temps, tel que l'esprit le projette sur leur cadran Un temps tout mĂ©canique, donc ir-rĂ©-el ! » se rĂ©pĂ©tait, en Ă©pelant, M. Wladimir, selon le b-a ba d'un grand maĂźtre ; il lui revenait d'en faire aujourd'hui la toute premiĂšre application administrative et lĂ©gale. Ir-rĂ©-el. » Quand l'Ă©crivain Denys Talon a mis le point final Ă sa phrase suprĂȘme Ăa va y ĂȘtre, ça y sera », deux heures venaient de sonner. Il a tirĂ©. Il Ă©tait certainement mort Ă midi. Entre ces deux termes, l'heure de l'horloge » avait pu marquer ou sonner leur chiffre artificiel ; mais combien plus de coups, combien plus de pas, lui aurait chantĂ©s l'Heure vraie ?⊠L'heure du temps rĂ©el, rĂ©-el, Ă©pela M. Wladimir. Pour ce temps, combien d'heures ont pu tenir dans la vie du cadran ? Cinquante ? cent heures vraies ? Mille ? Dix mille ? La marge est Ă©lastique, extensible Ă l'infini, on l'agrandira autant qu'il en sera besoin⊠» La parole qu'extĂ©riorisait le jeune policier s'arrĂȘtait lĂ , pour le moment. Il s'ouvrit une longue mĂ©ditation silencieuse. Voyons ! voyons ! se disait-il, avec une espĂšce de chant qui retentissait dans les catacombes de son esprit. Ce Denys Talon Ă©tait douĂ© d'une vitalitĂ© exceptionnelle. Presque toute-puissante. Insatiable. Sans parler du nombre, de la diversitĂ© et de la violence de ses peines d'amour, l'Ă©nergie de sa conduite une fois rĂ©solue, le tableau sans bavure de sa journĂ©e d'hier portent le mĂȘme caractĂšre ; courses, commandes, legs, hammam, assaut d'armes, ronde de nuit, et le soin donnĂ© aux derniĂšres pages, Ă cet exposĂ© final, dramatique et lucide, oĂč les abstractions sont produites en symboles clairs, en voilĂ un que ses dĂ©boires sentimentaux n'avaient pas Ă©puisĂ© ! Les pessimistes allemands interdisaient le suicide comme le coup d'Ă©clat d'une vitalitĂ© qui ne s'est pas renoncĂ©e, ils y voyaient comme le triomphe du Vouloir-vivre. Ils avaient raison pour le cas que voilĂ ; notre homme Ă©tait en pleine forme, ivre de ses chaleurs vitales et des clairvoyances de sa raison. Une seule faille apparaĂźt dans cette personne si forte ! Sa pitoyable philosophie. La philosophie classique française des idĂ©es claires. CartĂ©sienne ou thomiste, cette idolĂątrie de ce qui se fabrique et se dĂ©finit au grand jour. Ah ! le pauvre garçon ! Et il a cru pouvoir se battre, lui, tout seul, contre ce vrai Moi subliminal que remonte et recouvre, sans le dominer, notre menu Moi conscient ! Il ignorait que ce qui surgit, comme un seuil, de la masse des choses vers leur obscur sommet, ne peut qu'Ă©merger un instant des gouffres de l'InscrutĂ© et de l'IgnorĂ© ! Le pauvre Denys a cru vaincre son grand Moi latent, secret, insondable, avec les dĂ©biles Ă©lans et la chĂ©tive industrie de l'intelligence explicite. De quel triomphe inane s'est-il abusĂ© ? L'insensĂ© a cuydĂ© avoir Ă©galement raison de la nature universelle ainsi que de son propre naturel souterrain. La nature invaincue, la nature invincible ! Elle l'a brisĂ© en un temps et deux mouvements, lui et les armes dangereuses qui devaient Ă©clater dans sa main. AbrĂ©ger sa DurĂ©e ! Il prĂ©tendait donc Ă cela ! Raccourcir, mutiler sa rĂ©alitĂ© essentielle ! Le plus inĂ©gal des duels ! Le rĂ©sultat s'en voit, se touche. Non seulement la mĂšre-nature, autrement forte que lui, a Ă©tĂ© plus maligne. Elle ne s'est pas laissĂ© battre. Pour parler comme lui, c'est elle qui l'a fait quinaud. Ce qui s'est passĂ© est ce qui devait se passer, selon toutes les normes. Denys Talon a commencĂ© par se manquer un, peu. Bien fait ! lui aura sifflĂ© la mĂšre-nature. Je t'avais solidement charpentĂ©. Tu Ă©tais, comme on dit, bĂąti Ă chaux et Ă sable. MĂȘme ton insensĂ©e main droite ne pouvait pas t'obĂ©ir, l'index droit devait te trahir, cette volontĂ© d'Ă©piderme et d'Ă©corce devait jouer contre ton futile dessein temporel pour te plier et te ployer Ă la loi de l'Ă©ternité⊠Monsieur Wladimir, aprĂšs avoir fait parler la Nature, reprenait pour son compte Denys Talon devant mourir octogĂ©naire, le programme normal de son agonie Ă quarante ans devait faire tenir dans l'arc d'un demi-tour de soleil ou de lune cette vie forcenĂ©e qui lui bourrait la moelle, et les nerfs, les muscles et les os. En ce tout petit espace du temps sidĂ©ral et, comme l'a bien dit Monsieur Bergson, du temps mĂ©canique, devait se condenser, se concentrer, se contracter la quintessence des quarante ans qui restaient Ă brĂ»ler de l'Ă©lixir vital, des fluides qui l'animaient. Traduisons ce que cela veut dire. Un monde intĂ©rieur aux vibrantes images lui a fait sentir et souffrir ce que lui avaient prĂ©parĂ© son Ăąme et sa chair. Pour une certaine mesure, et dans cette mesure, il lui a fallu savourer toute la dose de dĂ©sirs et de dĂ©ceptions que lui avaient valu ses anciennes amours, ce que devaient lui revaloir d'autres amours futures aux nouvelles saisons d'autres Marie-ThĂ©rĂšse, d'autres IsmĂšne, d'autres Hydres blondes et d'autres GaĂ«tane, avec ce mandat exprĂšs de courir aux suivantes sans en ĂȘtre jamais content, selon la haute chanson de Menoune, mais en outre, en application de toutes les lĂ©galitĂ©s de sa longue ligne de vie, symbole efflorescent de l'infra-physique fatal. Son corps en a reçu les secousses, et donc enregistrĂ© les marques. Comment en eĂ»t-il Ă©tĂ© autrement ? IdĂ©es, Ă©motions, rĂȘves, actions, dĂ©chirures subites ou Ă©rosions lentes, ce qui lui Ă©branlait l'Ăąme dut aussi retentir ailleurs, tout le temps rĂ©el qu'il a souffert sur ce petit lit. Et je ne parle pas d'un seul genre de fatigues. Dans son agonie, sans bouger de place, Denys Talon aura voyagĂ©, il aura Ă©prouvĂ© les trĂ©pidations des rapides du monde, il a montĂ© et descendu, et aussi redescendu les houles des navires de tous les ocĂ©ans. Partout les peines et les plaisirs inĂ©prouvĂ©s le fouettĂšrent Ă l'Ă©puiser. Des femmes de toutes couleurs, des drogues de toutes saveurs ! Il a bien fallu que sa fibre vieillisse Ă proportion de sa prodigieuse capacitĂ© de durĂ©e, ce pur synonyme de l'Ăąme, Monsieur Bergson nous l'a bien dit. La peau de chagrin Ă©tait large, Denys Talon l'a ratatinĂ©e en vitesse, mais vitesse apparente qui n'Ă©tait pas le train rĂ©el de l'Ă©coulement de sa vie. Dans le mĂȘme demi-tour du cadran, ne l'oublions pas, il a dĂ» faire aussi son mĂ©tier d'Ă©crivain, sĂ©crĂ©ter, suer et saigner des livres inĂ©dits que nous ne lirons pas ; il les a rĂ©digĂ©s en rĂȘve et, comme tout le monde, il enfantait dans la douleur ce qu'il avait conçu dans la joie. Toute cette Ćuvre prolongĂ©e a dĂ» ĂȘtre reprise, corrigĂ©e, remaniĂ©e, puis dĂ©fendue devant la critique. Que n'a-t-il pas Ă©crit, et fait ? Sans crever la souple membrane physique, Ă©largie ou rĂ©trĂ©cie suivant les besoins, et dont il faisait tous les frais, il exploitait son temps rĂ©el, tout en vidant son Ă©lastique fourre-tout du Grand Tout⊠Le sourire des derniers mots montre que M. Wladimir, comme tout sacristain, savait un peu jouer des vases de l'autel. Mais il se remit Ă prier Ă temps rĂ©el, que n'aura dĂ» et pu instiller et loger dans tes alvĂ©oles mobiles un homme du ressort de Denys Talon ! Outre ses travaux, n'y eut-il pas ses maladies ? Dans ces dix heures qui auront valu quarante ans, les fiĂšvres l'auront agitĂ© qui l'aidĂšrent Ă se dĂ©grader corporellement, et voilĂ les faits rejoints, nous pouvons les affirmer ; comment ces maladies ne lui auraient-elles pas sĂ©chĂ©, blanchi, allongĂ© le poil, creusĂ©, Ă©branlĂ© et jauni la mĂąchoire avec cette apparence de rapiditĂ© illusoire qui peut paraĂźtre insensĂ©e, alors que, trĂšs prĂ©cisĂ©ment, le contraire l'aurait Ă©tĂ© ! Souvenons-nous de ce que peut le rĂȘve sur nos sommeils. Le poĂšte y fait des vers, le savant rĂ©sout des problĂšmes, le nĂ©gociant achĂšte, vend, emprunte, paie, encaisse et ristourne. Si, pour eux, l'usure nerveuse est insignifiante, elle existe, elle ne peut ne pas retentir sur leur organisation. MĂȘme Ă l'Ă©tat de veille, les bouleversements moraux ont des effets matĂ©riels tenant de la magie, la mauvaise aventure blanchit en une nuit une jeune tĂȘte de femme, une brusque douleur laboure de rides profondes la lisse paroi d'un beau front. AssurĂ©ment, par rapport Ă ces cas extrĂȘmes, celui de Denys Talon peut paraĂźtre encore effarant. Soit. Et nouveau ! Soit ! Et, jusqu'Ă prĂ©sent, inconnu. Soit encore ! Le vaste sein de la Nature naturante⊠Car M. Wladimir se mettait au beau style. ⊠le vaste sein de la Nature naturante rĂ©serve Ă nos explorations bien d'autres surprises que l'allongement instantanĂ© d'une petite barbe ou la prompte carie de dix-neuf dents. Rien ne peut limiter ce champ mystĂ©rieux. Ă quoi bon dĂ©florer ce qu'lsis voile encore ? Tenons-nous fermement Ă l'aveu tangible d'un Ă©trange potentiel de cet Ă©lan vital, le Nisus, l'Impetus 3, tout ce qui peut souffler sur le bĂ»cher humain. Ătant ce qu'il Ă©tait, soumis aux courants qui le rĂ©gissaient, le systĂšme pileux de Denys Talon devait subir l'implacable impĂ©ratif interne de gagner un certain nombre de centimĂštres en dix heures ; son systĂšme dentaire ne pouvait se dispenser de se gĂąter et de se dĂ©coller aux deux tiers, non dans un vain espace de temps mathĂ©matique fixe, mais conformĂ©ment Ă la mesure de sa vie et de ses esprits. Ainsi des rides, ainsi du teint ! L'invisible chef d'orchestre accĂ©lĂ©rait la mesure de son bĂąton ; les esprits animaux centuplaient la rapiditĂ© de leur bal, et le quadragĂ©naire cĂ©dait ainsi la place au vieillard, comme la concierge l'a fort bien vu quand elle a refusĂ© de le reconnaĂźtre. Mais ça a Ă©tĂ© sans nulle intervention de cambriole, tout simplement parce qu'une certaine lampe qui avait de quoi brĂ»ler et flamber quarante ans devait se consumer en une demi-nuit. Cela peut changer les idĂ©es reçues, non les idĂ©es de M. Bergson, mon maĂźtre, que voilĂ ainsi remarquablement fortifiĂ©es et corroborĂ©es. » VI Telle fut, dans ses grandes lignes, la mĂ©ditation de M. Wladimir. Il ne s'en tint point lĂ . Esprit consciencieux, il tira de son impermĂ©able un petit livre 4 paru la veille et dont il avait dĂ©vorĂ© dĂ©jĂ plus des trois quarts. Un signet, page 219, marquait ces lignes concluantes, qui cochaient en rouge et de bleu une prĂ©cieuse interviouve de M. Bergson 5 La considĂ©ration de la durĂ©e pure me fut inspirĂ©e par mes Ă©tudes mathĂ©matiques, alors que je ne songeais nullement Ă me poser en mĂ©taphysicien. Elle se borna d'abord Ă une sorte d'Ă©tonnement devant la valeur assignĂ©e Ă la lettre t dans les Ă©quations de mĂ©canique. Mais le temps mĂ©canique, c'est celui de l'horloge. C'est celui de tous les jours⊠Donc, pas le temps d'un type aussi particulier que Denys Talon, remarqua M. Wladimir. » Il revint Ă son maĂźtre ⊠Et si je rĂ©ussis Ă dĂ©montrer qu'il n'est ce temps d'horloge qu'une dimension de l'espace, il nous faudra bien conclure que nous Ă©talons sur un espace imaginaire notre temps intĂ©rieur, ou durĂ©e rĂ©elle, qui, lui, est indivisible et se situe absolument hors de l'espace⊠C'est bien cela. Hors de l'espace, rĂ©pĂ©ta M. Wladimir. Hors du tour ou du demi-tour d'un cadran. Hors d'aucun espace visible. Ab-so-lu-ment intĂ©rieur. Le seul qui soit vrai ! L'espace bassement approximatif des horloges peut, cahin-caha, mesurer la lente mue habituelle de notre pauvre corps, son changement insensible âde tous les joursâ d'aprĂšs le cours observĂ© des corps spatiaux qu'il est juste d'appeler irrĂ©els comme le soleil ou imaginaires comme la lune, mais cet espace-lĂ ne mesure en rien les mues de l'humain, Ă plus forte raison d'un humain privilĂ©giĂ© comme le client d'aujourd'hui. Pour dĂ©vorer cette jeune vie et la conduire Ă son degrĂ© de consomption ascĂ©tique et squelettique, le feu intĂ©rieur ne s'est pas contentĂ© de prendre un bon galop, il a couvert avec des bottes de sept lieues ce que la vie coutumiĂšre aurait mis d'infinies annĂ©es spatiales Ă parcourir. Tous les organismes ne sont pas aussi magnifiquement douĂ©s pour participer Ă l'incendie universel. Quelques-uns peuvent approcher celui-ci. Mais d'autres peuvent le passer. AprĂšs tout, pourquoi une simple demi-heure du mĂȘme impetus du nisus bien accĂ©lĂ©rĂ© ne ferait-il tomber en une pincĂ©e de cendres un Denys Talon mieux flambĂ©. » Ainsi allait, allait le monologue du jeune policier, philosophe antimathĂ©maticien. Tout Ă l'enthousiasme de la contribution sans pareille qu'un fait-divers de son ressort et de son quartier apportait Ă la doctrine des doctrines, au maĂźtre des maĂźtres, il se reprochait encore la modestie et la prudence de son langage. Simple contribution, cela ? Non, une preuve par neuf ! Quelle douche pour les impertinents qu'il avait entendus, Ă la table de la Princesse, se permettre, jadis, objection ou contradiction ! Ce que le MaĂźtre avait pensĂ© et dĂ©montrĂ©, l'humble disciple en apportait la confirmation par l'expĂ©rience, Ă©vĂ©nement non nĂ©gligeable en matiĂšre scientifique, ce bon et brave corps mort qui, par son poil et sa denture, est devenu tel que l'a dĂ» mĂ©connaĂźtre l'Ćil de sa propre femme de mĂ©nage et concierge trĂšs dĂ©vouĂ©e. Le regard de M, Wladimir flottant sur la couche funĂšbre, baignait aussi dans une douce mer de lait, comme il s'en manifeste dans les aurores de l'Esprit. VII Il n'y tint plus. Il expĂ©dia les menues formalitĂ©s de son rite et, d'un pied lĂ©ger, le manuscrit au bras, petit traitĂ© bergsonien en poche, il courut Ă perdre haleine jusqu'Ă la haute maison dont il s'Ă©tait interdit l'accĂšs, par un honorable mĂ©lange de tact et de respect humain. La Princesse Ă©tait chez elle, et seule, de loisir, elle le reçut sur-le-champ. Il put tout raconter et recueillir les signes d'un sensible intĂ©rĂȘt. Elle voulut connaĂźtre le texte de Denys Talon. Wladimir en fit l'entiĂšre lecture. La sage et spirituelle Française Ă©coutait avec ce sourire des yeux qui n'eut pas son pareil. Quand il eut achevĂ© par le cantique enthousiaste de sa bergsonite indurĂ©e, elle dit de sa voix jeune, oĂč tintait un rire lĂ©ger Vous ĂȘtes sĂ»r de tout cela, mon bon ami ? » Il rĂ©pondit, un peu gourmĂ© C'est, Madame, que je ne vois pas oĂč mettre la place d'un doute. â Moi, dit-elle, je douterais de Monsieur le concierge. Ces fonctionnaires sont un peu formalistes. Et quelle sainte frousse des responsabilitĂ©s ! Dans l'immeuble, oĂč tout doit ĂȘtre bien, alors tout l'est tout va bien ! Azor doit aboyer, il aboie, aboiera toujours⊠Ah ! je connais mon vieux Paname, ses concierges mĂąles compris ! J'aime mieux leurs femmes. Des reines ! Eux, de simples princes consorts. Le vĂŽtre a eu le tort de ne pas Ă©couter la sienne. Pour le chien, elle avait raison depuis quand ne sait-on plus faire taire le chien dans une mystification bien montĂ©e ? â Une mystification ! Madame ! â Disons supercherie⊠ou encore, comment dit-on ? une fumisterie. Un peu macabre, oui. Pendant que vous disiez de si belles choses, je pensais, comme la concierge, Ă une part possible des moyens de la cambriole !⊠â Quelle cambriole ? OĂč ? De qui ? Pour qui ? » Les beaux yeux semblaient rĂ©pondre comme dans Gyp 6 Ben ! BĂ©dame ! C'est votre affaire, Ă vous, messieurs de la Tour-Pointue ! » Lui, sans rien voir, poussait l'argument Et puis, le manuscrit ! Il est bien clair ! » Mais elle Il est trop clair, je m'en mĂ©fie aussi. Et puis, votre monsieur Talon, je l'ai un peu connu, je l'ai mĂȘme reçu. Il Ă©tait fort gentil. Nous nous entendions. Peut-ĂȘtre m'aura-t-il comprise, en tout bien tout honneur, dans la distribution de ses souvenirs. Mais personne n'aura aimĂ© comme lui Ă jeter de la poudre aux yeux. Il se fĂ»t fait hacher pour un paradoxe de quatre sous. Ah ! le beau mythomane ! On ne lui ferait pas une grande injustice en supposant qu'il disparait pour reparaĂźtre. Ă moins qu'on ne le retrouve comme le pauvre Jean Orth 7, l'archiduc, dans quelque Patagonie, sur l'OrĂ©noque ou l'Amazone ou bien chez des Papous, qui auront oubliĂ© de le manger, comme son pistolet de le tuer⊠Je suis tranquille. Il reviendra, ne sera-ce que pour respirer le succĂšs du livre posthume. Car ce livre peut en avoir. Vous allez le porter tout de suite chez l'Ă©diteur, n'est-ce pas, mon bon Wladimir ! â Mais, madame⊠â Ah ! Ă moins que Talon lui-mĂȘme n'en ait chargĂ© le concierge qui, sĂ»rement, en a copie. Car il en sait long ! â Le concierge ? â Bien sĂ»r, mon ami. C'est quelque nouveau truc de lancement en librairie. Nos gens de lettres sont capables de tout. » Wladimir, montrant ses connaissances, Ă©voqua du Laurent Tailhade 8 Venez ici, Gens de lettre et de corde ! â Je retrouve mon Wladimir, s'Ă©cria la Princesse, heureuse. â Cependant, madame, vous avez bien ouĂŻ ce que Talon a Ă©crit en toutes lettres, ses je me tue, ses ça y est. â Ce qui s'Ă©crit ne peut pas toujours arriver. â Mais alors ! ce cadavre de remplacement ! Talon l'aurait introduit dans son appartement, mis dans son lit ? OĂč l'aurait-il trouvĂ© ? â Mon bon Wladimir, un Ă©crivain frĂ©quente les amphithéùtres, les hĂŽpitaux, la Morgue, les terrains vagues⊠LĂ ou ailleurs, si l'on y met le prix, croyez-vous difficile de trouver⊠comment dit mon neveu le carabin ?⊠de trouver un macchabĂ©e aussi frais que le vĂŽtre ?⊠On aurait pu l'avoir plus frais ! Pesons les difficultĂ©s⊠avoir ce macchabĂ©e doit ĂȘtre plus facile que de faire dĂ©penser dans une seule nuit, au mĂȘme agonisant, quarante ans de combustible et des carburants vitaux. Quarante ans, Wladimir, combien cela fait-il de nuits ? â PrĂšs de quinze mille, madame la Pri
AprÚsavoir activé l'ascenseur derriÚre Moebius Y (image1) et avoir accepté d'entrer dans l'Amphithéùtre, vous ne pourrez plus faire machine arriÚre et devrez affronter Z, le dernier Boss de Xenoblade Chronicles 3 (image2).Pour ce combat, il est fortement conseillé de posséder une équipe de niveau 70 au minimum et d'utiliser les meilleures classes de chaque personnages
Connaissez-vous lâennui ? non pas cet ennui commun, banal, qui provient de la fainĂ©antise ou de la maladie, mais cet ennui moderne qui ronge lâhomme dans les entrailles et, dâun ĂȘtre intelligent, fait une ombre qui marche, un fantĂŽme qui pense. Ah ! je vous plains, si cette lĂšpre-lĂ vous est connue. On sâen croit guĂ©ri parfois ; mais un beau jour on se rĂ©veille souffrant plus que jamais. Vous connaissez ces verres de couleur qui ornent les kiosques des bonnetiers retirĂ©s. On voit la campagne en rouge, en bleu, en jaune. Lâennui est de mĂȘme. Les plus belles choses, vues Ă travers lui, prennent sa teinte et reflĂštent sa tristesse. Quant Ă moi, câest une maladie de jeunesse qui revient Ă mes mauvais jours, comme aujourdâhui. »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă Louis de Cormenin, 7 juin 1844 Oui, la bĂȘtise consiste Ă vouloir conclure. Nous sommes un fil et nous voulons savoir la trame. Cela revient Ă ces Ă©ternelles discussions sur la dĂ©cadence de lâart. Maintenant on passe son temps Ă se dire nous sommes complĂštement finis, nous voilĂ arrivĂ©s au dernier terme, etc., etc. Quel est lâesprit un peu fort qui ait conclu, Ă commencer par HomĂšre ? Contentons-nous du tableau ; câest aussi bon. »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă Louis Bouilhet, 4 septembre 1850 Or je vous avouerai quâil me semble que je nâai rien que nâaient les autres, ou qui nâait Ă©tĂ© aussi bien dit, ou qui ne puisse lâĂȘtre mieux. Dans cette vie que vous me prĂȘchez, jây perdrais le peu que jâai ; je prendrais les passions de la foule pour lui plaire et je descendrais Ă son niveau. Autant rester au coin de son feu, Ă faire de lâArt pour soi tout seul, comme on joue aux quilles. LâArt, au bout du compte, nâest peut-ĂȘtre pas plus sĂ©rieux que le jeu de quilles. Tout nâest peut-ĂȘtre quâune immense blague ; jâen ai peur, et quand nous serons de lâautre cĂŽtĂ© de la page, nous serons peut-ĂȘtre fort Ă©tonnĂ©s dâapprendre que le mot du rĂ©bus Ă©tait si simple. Au milieu de tout cela jâavance pĂ©niblement dans mon livre. Je gĂąche un papier considĂ©rable. Que de ratures ! La phrase est bien lente Ă venir. »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă Louise Colet, dĂ©but novembre 1851 Il y a en moi, littĂ©rairement parlant, deux bonshommes distincts un qui est Ă©pris de gueulades, de lyrisme, de grands vols dâaigle, de toutes les sonoritĂ©s de la phrase et des sommets de lâidĂ©e ; un autre qui fouille et creuse le vrai tant quâil peut, qui aime Ă accuser le petit fait aussi puissamment que le grand, qui voudrait vous faire sentir presque matĂ©riellement les choses quâil reproduit ; celui-lĂ aime Ă rire et se plaĂźt dans les animalitĂ©s de lâhomme. [âŠ] Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, câest un livre sur rien, un livre sans attache extĂ©rieure, qui se tiendrait de lui-mĂȘme par la force interne de son style, comme la terre sans ĂȘtre soutenue se tient en lâair, un livre qui nâaurait presque pas de sujet ou du moins oĂč le sujet serait presque invisible, si cela se peut. Les Ćuvres les plus belles sont celles oĂč il y a le moins de matiĂšre ; plus lâexpression se rapproche de la pensĂ©e, plus le mot colle dessus et disparaĂźt, plus câest beau. Je crois que lâavenir de lâArt est dans ces voies. [âŠ] Câest pour cela quâil nây a ni beaux ni vilains sujets et quâon pourrait presque Ă©tablir comme axiome, en se posant au point de vue de lâArt pur, quâil nây en a aucun, le style Ă©tant Ă lui tout seul une maniĂšre absolue de voir les choses. »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă Louise Colet, 16 janvier 1852 Je mĂšne une vie Ăąpre, dĂ©serte de toute joie extĂ©rieure et oĂč je nâai rien pour me soutenir quâune espĂšce de rage permanente, qui pleure quelquefois dâimpuissance, mais qui est continuelle. Jâaime mon travail dâun amour frĂ©nĂ©tique et perverti, comme un ascĂšte le cilice qui lui gratte le ventre. Quelquefois, quand je me trouve vide, quand lâexpression se refuse, quand, aprĂšs avoir griffonnĂ© de longues pages, je dĂ©couvre nâavoir pas fait une phrase, je tombe sur mon divan et jây reste hĂ©bĂ©tĂ© dans un marais intĂ©rieur dâennui. [âŠ] un style qui serait beau, que quelquâun fera Ă quelque jour, dans dix ans ou dans dix siĂšcles, et qui serait rythmĂ© comme le vers, prĂ©cis comme le langage des sciences, et avec des ondulations, des ronflements de violoncelle, des aigrettes de feu ; un style qui vous entrerait dans lâidĂ©e comme un coup de stylet, et oĂč votre pensĂ©e enfin voguerait sur des surfaces lisses, comme lorsquâon file dans un canot avec bon vent arriĂšre. »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă Louise Colet, 24 avril 1852 Une bonne phrase de prose doit ĂȘtre comme un bon vers, inchangeable, aussi rythmĂ©e, aussi sonore. VoilĂ du moins mon ambition il y a une chose dont je suis sĂ»r, câest que personne nâa jamais eu en tĂȘte un type de prose plus parfait que moi ; mais quant Ă lâexĂ©cution, que de faiblesses, que de faiblesses mon Dieu !. Il ne me paraĂźt pas non plus impossible de donner Ă lâanalyse psychologique la rapiditĂ©, la nettetĂ©, lâemportement dâune narration purement dramatique. Cela nâa jamais Ă©tĂ© tentĂ© et serait beau. »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă Louise Colet, 22 juillet 1852 L'amphithéùtre de l'HĂŽtel-Dieu donnait sur notre jardin. Que de fois, avec ma sĆur, n'avons-nous pas grimpĂ© au treillage et, suspendus entre la vigne, regardĂ© curieusement les cadavres Ă©talĂ©s ! Le soleil donnait dessus ; les mĂȘmes mouches qui voltigeaient sur nous et sur les fleurs allaient s'abattre lĂ , revenaient, bourdonnaient ! Comme j'ai pensĂ© Ă tout cela, en la veillant pendant deux nuits, cette pauvre et chĂšre belle fille ! Je vois encore mon pĂšre levant la tĂȘte de dessus sa dissection et nous disant de nous en aller. Autre cadavre aussi, lui. [âŠ] Comme j'ai bĂąti des drames fĂ©roces Ă la Morgue, oĂč j'avais la rage d'aller autrefois, etc. ! Je crois du reste qu'Ă cet endroit j'ai une facultĂ© de perception particuliĂšre ; en fait de malsain, je m'y connais. Tu sais quelle influence j'ai sur les fous et les singuliĂšres aventures qui me sont arrivĂ©es. Je serais curieux de voir si j'ai gardĂ© ma puissance. »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă Louise Colet, 7-8 juillet 1853 Je me souviens dâavoir eu des battements de cĆur, dâavoir ressenti un plaisir violent en contemplant un mur de lâAcropole, un mur tout nu celui qui est Ă gauche quand on monte aux PropylĂ©es. Eh bien ! Je me demande si un livre, indĂ©pendamment de ce quâil dit, ne peut pas produire le mĂȘme effet. Dans la prĂ©cision des assemblages, la raretĂ© des Ă©lĂ©ments, le poli de la surface, lâharmonie de lâensemble, nây a-t-il pas une vertu intrinsĂšque, une espĂšce de force divine, quelque chose dâĂ©ternel comme un principe ? je parle en platonicien. Ainsi pourquoi y a-t-il un rapport nĂ©cessaire entre le mot juste et le mot musical ? Pourquoi arrive-t-on toujours Ă faire un vers quand on resserre trop sa pensĂ©e ? La loi des Nombres gouverne donc les sentiments et les images, et ce qui paraĂźt ĂȘtre lâextĂ©rieur est tout bonnement le dedans ? »> Lettre intĂ©grale dans Gallica Lettre Ă Georges Sand, 3 avril 1876
LeRevenant Lyrics: Calme, confortable, officiel / En un mot rĂ©sidentiel / Tel Ă©tait le cimetiĂšre oĂč / Cet imbĂ©cile avait son trou / Comme il ne reconnaissait pas / Le bien-fondĂ© de son
Georges Brassens Jean Bertola TransposerGeorges Brassens Jean BertolaSong A A C7Calme, confortable, officiel, Fm CmEn un mot rĂ©sidentiel, D A Tel Ă©tait le cimetiĂšre oĂč, B7 E7 Cet imbĂ©cile avait son trou. C E7 Comme il ne reconnaissait pas, Am EmLe bien-fondĂ© de son trĂ©pas, F C L'a voulu faire, aberration ! Fm C G7 C E7Sa petite rĂ©surrection. A C7Les vieux morts, les vieux ici-gĂźt », Fm CmLes braves sĂ©pulcres blanchis, D A InsistĂšrent pour qu'il revĂźnt, B7 E7Sur sa dĂ©cision mais en vain. C E7 L'ayant astiquĂ©e, il remit, Am EmSur pied sa vieille anatomie, F C Et tout pimpant, tout satisfait, Fm C G7 C E7Prit la clef du champ de navets. A C7Chez lui s'en Ă©tant revenu, Fm CmSon chien ne l'a pas reconnu D A Et lui croque en deux coups de dents, B7 E7Un des os les plus importants. C E7 En guise de consolation, Am EmPensa faire une libation, F C Boire un coup de vin gĂ©nĂ©reux, Fm C G7 C E7Mais tous ses tonneaux sonnaient creux. A C7Quand dans l'alcĂŽve il est entrĂ©, Fm CmEmbrasser sa veuve Ă©plorĂ©e, D A Il jugea d'un simple coup d'Ćil, B7 E7Qu'elle ne portait plus son deuil. C E7 Il la trouve se rĂ©chauffant, Am EmAvec un salaud de vivant, F C Alors chancelant dans sa foi, Fm C G7 C E7Mourut une seconde fois. A C7La commĂšre au potron-minet, Fm CmRamassa les os qui traĂźnaient D A Et pour une bouchĂ©e de pain, B7 E7 Les vendit Ă des carabins. C E7 Et, depuis lors, ce macchabĂ©e, Am EmDans l'amphithéùtre tombĂ©, F C Malheureux, poussiĂ©reux, transi, Fm C G7 E7Chante Ah ! ce qu'on s'emmerde ici » ! F C Malheureux, poussiĂ©reux, transi, Fm C G7 CChante Ah ! ce qu'on s'emmerde ici » ! Georges Brassens > Le Revenant >
Compterendu d'une équipe E&R présente à la Manif pour Tous du 21 avril 2013 à Paris. Filmé au téléphone portable, pour une meilleure lecture
Chapitre I Dans quelles contrĂ©es les apĂŽtres ont prĂȘchĂ© le Christ 1 Les affaires des Juifs en Ă©taient lĂ ; les saints apĂŽtres et disciples de notre Sauveur se trouvaient alors dispersĂ©s par toute la terre. Thomas selon la tradition reçut en partage le pays des Parthes, AndrĂ© eut la Scythie, Jean, lâAsie oĂč il vĂ©cut ; sa mort eut lieu Ă EphĂšse. 2 Pierre paraĂźt avoir prĂȘchĂ© dans le Pont, en Galatie, en Bithynie, en Cappadoce et en Asie aux juifs de la dispersion. Venu lui aussi Ă Rome en dernier lieu, il y fut crucifiĂ© la tĂȘte en bas, ayant demandĂ© de souffrir ainsi. 3 ; Que dire de Paul ? Depuis JĂ©rusalem jusquâĂ lâIllyricum, il acheva la prĂ©dication de lâĂ©vangile du Christ et fut enfin martyrisĂ© Ă Rome sous NĂ©ron. VoilĂ ce qui est dit textuellement par OrigĂšne, dans son troisiĂšme livre de ses Expositions sur la GenĂšse. Chapitre II Qui fut le remier chef de lâĂglise des romains AprĂšs le martyre de Paul et de Pierre, Lin le premier obtint la charge Ă©piscopale de lâĂ©glise des Romains. Paul fait mention de lui, lorsquâil Ă©crit de Rome Ă TimothĂ©e, dans la salutation Ă la fin de lâĂ©pitre. Chapitre III Les Ă©pĂźtres des apĂŽtres 1 Une seule Ă©pĂźtre de Pierre, celle quâon appelle la premiĂšre, est incontestĂ©e. Les anciens presbytres sâen sont servis dans leurs Ă©crits comme dâun document indiscutĂ©. Quand Ă celle quâon prĂ©sente comme la seconde, nous avons appris quâelle nâĂ©tait pas testamentaire ; mais parce quâelle a paru utile Ă beaucoup, on lâa traitĂ©e avec respect ainsi que les autres Ă©critures. 2Pour ce qui est des Actes qui portent son nom, de lâĂvangile quâon lui attribue, de ce quâon appelle sa PrĂ©dication et son Apocalypse, nous savons quâils nâont absolument pas Ă©tĂ© transmis parmi les Ă©crits catholiques, et quâaucun Ă©crivain ecclĂ©siastique ancien ou contemporain ne sâest servi de tĂ©moignages puisĂ©s en eux. 3 Dans la suite de cette histoire, je ferai Ćuvre utile en mentionnant, avec les successions, ceux des Ă©crivains ecclĂ©siastiques qui se sont servis en leur temps des Ă©crits contestĂ©s, de quels Ă©crits ils se sont servis, ce qui est dit par eux, soit des Ă©critures testamentaires et reconnues, soit de celles qui ne le sont pas. 4Mais de celles qui portent le nom de Pierre, dont je ne connais quune seule, authentique et admise par les presbytres anciens, voilĂ tout ce qui est Ă dire. 5 Pour les quatorze Ă©pĂźtres de Paul, au contraire, leur cas est clair et Ă©vident ; que certains cependant rejettent lâĂ©pĂźtre aux HĂ©breux, disant que lâĂglise de Rome nie quâelle soit de Paul, il serait injuste de le mĂ©connaĂźtre. Jâexposerai du reste en son temps ce quâon en disait avant nous. Quant aux Actes qui portent son nom, je ne les ai pas reçus parmi les ceuvres incontestĂ©es. 6 Comme le mĂȘme apĂŽtre dans les salutations de la fin de lâĂ©pĂźtre aux Romains fait mention, entre autres, dâHermas, on dit que le petit livre du Pasteur est de lui ; il est vrai que quelques-uns aussi le contestent et ne rangent pas cet Ă©crit parmi les authentiques dâautres pourtant estiment quâil est trĂšs nĂ©cessaire Ă ceux surtout qui ont besoin dâune introduction Ă©lĂ©mentaire. Du reste, nous savons quâon le lit publiquement dans des Ă©glises, et jâai constatĂ© que certains des Ă©crivains les plus anciens sâen sont servis. 7 VoilĂ exposĂ© ce qui concerne les livres divins incontestĂ©s et ceux qui ne sont pas reconnus par tous, Chapitre IV La premiĂšre succession des apĂŽtres 1 Que Paul ait prĂȘchĂ© lâĂ©vangile aux Gentils dans les pays qui sâĂ©tendent de JĂ©rusalem Ă lâIllyricum, et quâil y ait jetĂ© les fondements des Ă©glises, nous en avons la preuve eu ses propres paroles comme aussi en ce que Luc a racontĂ© dans les Actes. 2Les termes dont Pierre est servi nous apprennent de mĂȘme dans quelles provinces il a annoncĂ© lui aussi le Christ Ă ceux de la circoncision et leur a donnĂ© la doctrine du Nouveau Testament ; cela est clairement indiquĂ© dans lâĂ©pĂźtre que nous avons dit ĂȘtre reconnue comme de lui il lâadresse Ă ceux des HĂ©breux de la dispersion qui se trouvaient dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, lâAsie et la Bithynie. 3 Combien, parmi les vĂ©ritables disciples de apĂŽtres, furent jugĂ©s dignes dâexercer dans les Ă©glises fondĂ©es par eux les fonctions de pasteur, et quels ils furent, il nâest pas facile de le dire, si ce nâest pour ceux dont recueille les noms dans les Ă©crits de Paul. 4Les compagnons de labeur de ce dernier furent dâailleurs trĂšs nombreux et ils devinrent ses frĂšres dâarmes, comme il les appelle beaucoup lui doivent un souvenir impĂ©rissable dans le tĂ©moignage incessant quâil leur rend dans ses propres Ă©pĂźtres. Du reste, dans les Actes, Luc dĂ©signe lui aussi par leurs noms les disciples de Paul. 5Il est racontĂ© que TimothĂ©e obtint le premier le gouvernement de lâĂglise dâĂphĂšse, de mĂȘme que Tite, lui aussi, celui des Ă©glises de CrĂšte. 6 Luc, issu dâune famille dâAntioche el mĂ©decin de profession, fut le plus longtemps le compagnon de Paul et vĂ©cut dâune façon suivie dans la sociĂ©tĂ© des autres apĂŽtres. Il nous a laissĂ© la preuve quâil avait appris dâeux lâart de guĂ©rir les Ăąmes, puisquâil nous a donnĂ© deux livres inspirĂ©s de Dieu lâĂvangile, quâil assure avoir composĂ© dâaprĂšs les indications de ceux qui, dĂšs le commencement, ont Ă©tĂ© les tĂ©moins oculaires et les serviteurs de la parole, et quâil affirme avoir tous frĂ©quentĂ©s autrefois puis les Actes des ApĂŽtres, quâil retrace non pas aprĂšs les avoir entendu raconter, mais aprĂšs les avoir vus de ses yeux. 7On dit que Paul a coutume de parler de lâĂ©vangile de Luc, comme dâune Ćuvre qui lui est propre, lorsquâil Ă©crit selon mon Ă©vangile ». 8 En ce qui concerne le reste de ses disciples, Paul atteste que Crescent est allĂ© dans les Gaules voyez lâAppendice. Lin, dont il mentionne la prĂ©sence Ă Rome avec lui dans la seconde Ă©pĂźtre Ă TimothĂ©e, reçut, comme premier successeur de Pierre, le gouvernement de lâĂ©glise des Romains ainsi que nous lâavons dĂ©jĂ dit auparavant. 9 Mais ClĂ©ment, lui aussi leur troisiĂšme Ă©vĂȘque, a Ă©tĂ© Ă©galement, au tĂ©moignage de Paul, son auxiliaire el le compagnon de ses combats. 10 En outre, lâArĂ©opagite qui a nom Denis, celui dont Luc parle dans les Actes comme ayant cru le premier aprĂšs le discours de Paul Ă lâArĂ©opage, devint aussi le premier Ă©vĂȘque dâAthĂšnes ; ainsi le raconte un autre Denis, un des anciens et pasteur de lâĂglise de Corinthe. 11 Mais au fur et Ă mesure que nous avancerons dans notre chemin, nous parlerons en son lieu de ce qui concerne la succession des apĂŽtres suivant les temps. Il faut maintenant poursuivre notre rĂ©cit. Chapitre V Dernier siĂšge des Juifs aprĂšs le Christ 1 NĂ©ron avait rĂ©gnĂ© treize ans [54-68] ; ses successeurs Galba et Othon, seulement dix-huit mois pour les deux [68-69]. Vespasien devenu cĂ©lĂšbre par ses combats contre les Juifs fut proclamĂ© empereur en JudĂ©e mĂȘme, par les armĂ©es qui sây trouvaient. Il se mit aussitĂŽt en route pour Rome, laissant Ă Titus son fils le soin de continuer la lutte. 2 AprĂšs lâascension de notre Sauveur, les Juifs non contents de lâavoir fait pĂ©rir, dressĂšrent aux apĂŽtres des embĂ»ches sans nombre ; dâabord, Etienne fut lapidĂ©; ensuite, Jacques, fils de ZĂ©bĂ©dĂ©e et frĂšre de Jean, dĂ©capitĂ©; puis surtout, Jacques, qui avait obtenu le premier aprĂšs lâascension de notre Sauveur le siĂšge Ă©piscopal de JĂ©rusalem, fut mis Ă mort de la maniĂšre qui a Ă©tĂ© racontĂ©e. Le reste des apĂŽtres fut aussi lâobjet de mille machinations dans le but de les mettre Ă mort. ChassĂ©s de la JudĂ©e, ils entreprirent dâaller dans toutes les nations, pour enseigner et prĂȘcher avec la puissance du Christ qui leur avait dit Allez enseignez toutes les nations en mon nom ». 3 Le peuple de lâĂglise de JĂ©rusalem reçut, grĂące Ă une prophĂ©tie qui avait Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e aux hommes notables qui sây trouvaient, lâavertissement de quitter la ville avant la guerre et dâaller habiter une certaine ville de PĂ©rĂ©e que lâon nomme Pella. Câest lĂ que se retirĂšrent les fidĂšles du Christ sortis de JĂ©rusalem. Ainsi la mĂ©tropole des Juifs et tout le pays de la JudĂ©e furent entiĂšrement abandonnĂ©s par les saints. La justice de Dieu restait au milieu de ceux qui avaient si grandement prĂ©variquĂ© contre le Christ et ses apĂŽtres, pour faire disparaĂźtre entiĂšrement du genre humain cette race dâhommes impies. 4Quels malheurs fondirent alors en tous lieux sur le peuple entier ; comment surtout les habitants de la JudĂ©e furent poussĂ©s jusquâau comble de lâinfortune ; combien de milliers dâhommes, Ă la fleur de lâĂąge, sans compter les femmes et les enfants, pĂ©rirent, par le glaive, la faim et cent autres genres de morts ; combien de villes juives furent assiĂ©gĂ©es et de quelle façon ; de quelles calamitĂ©s terribles et plus que terribles furent tĂ©moins ceux qui sâĂ©taient rĂ©fugiĂ©s Ă JĂ©rusalem, comme dans une mĂ©tropole fortement dĂ©fendue ; quel fut le caractĂšre de cette guerre et quelle fut la suite des Ă©vĂ©nements qui sây succĂ©dĂšrent ; comment, Ă la fin, lâabomination de la dĂ©solation annoncĂ©e par les prophĂštes sâĂ©tablit dans le temple de Dieu, si illustre autrefois, et qui nâattendait plus que la ruine complĂšte et lâaction destructive des flammes quiconque voudra connaĂźtre exactement tout cela pourra le trouver dans lâhistoire de JosĂšphe. 5 Toutefois il est indispensable de transcrire ici les termes mĂȘmes dans lesquels cet Ă©crivain rapporte comment une multitude de trois millions dâhommes qui avait affluĂ© de toute la JudĂ©e au temps de la fĂȘte de PĂąques fut enfermĂ©e dans JĂ©rusalem ainsi que dans une prison. 6 Il fallait en effet quâen ces mĂȘmes jours oĂč ils sâĂ©taient efforcĂ©s dâaccabler des souffrances de la passion le sauveur et bienfaiteur de tous, le Christ de Dieu, ils fussent rassemblĂ©s comme dans une prison pour recevoir la mort que leur destinait la divine justice. 7 Je ne donnerai pas le dĂ©tail des maux qui leur arrivĂšrent ; je laisserai ce qui fut tentĂ© contre eux par le glaive ou autrement. Seulementâ je crois nĂ©cessaire dâexposer les tortures que leur causa la faim afin que ceux qui liront ce rĂ©cit puissent savoir en partie comment leur vint le chĂątiment du ciel qui punit sans tarder le crime commis contre le Christ de Dieu, Chapitre VI La famine qui les accabla 1 Prenons donc Ă nouveau le cinquiĂšme livre des Histoires de JosĂšphe et lisons le tragique rĂ©cit des Ă©vĂ©nements quâil y raconte Pour les riches, dit-il, rester, câĂ©tait la mort sous prĂ©texte quâils voulaient dĂ©serter, on les tuait pour sâemparer de leurs biens. Du reste, avec la famine, la fureur des rĂ©voltĂ©s augmentait, et de jour en jour ces deux flĂ©aux ne faisaient que croĂźtre. 2 Comme on ne voyait plus de blĂ©, ils entraient de force dans les maisons pour en chercher. Lorsquâils en dĂ©couvraient, ils maltraitaient cruellement les gens pour avoir niĂ© quâils en avaient, et, lorsquâils nâen trouvaient pas, pour lâavoir trop bien cachĂ©. On jugeait Ă lâaspect de ces malheureux sâils en avaient ou non ; sâils tenaient encore debout, sĂ»rement ils Ă©taient pourvus de provisions ; sâils Ă©taient extĂ©nuĂ©s, on les laissait tranquilles il semblait hors de propos de tuer ceux qui allaient incessamment mourir de faim. 3Beaucoup Ă©changeaient leur bien en cachette, les riches contre une mesure de froment, les pauvres contre une mesure dâorge. Ensuite, ils sâenfermaient au plus profond de leurs demeures ; les uns Ă©taient dans un tel besoin, quâils mangeaient leur blĂ© sans le prĂ©parer ; les autres le faisaient cuire quand la faim et la crainte le leur permettait. 4 On ne mettait plus de table ; on retirait du feu les mets encore crus et on les dĂ©chirait. La nourriture Ă©tait misĂ©rable et câĂ©tait un spectacle digne de larmes, de voir ceux qui avaient la force, se gorger de nourriture, et les faibles rĂ©duits Ă gĂ©mir. 5 La douleur de la faim dĂ©passe toutes les autres et ne dĂ©truit rien comme la pudeur on foule aux pieds ce quâen dâautres temps on entourerait de respect. Les femmes arrachaient les aliments de la bouche de leurs maris, les enfants de celle de leur pĂšres et, ce qui est plus digne encore de compassion, les mĂšres de celle de leurs enfants. Elles voyaient sĂ©cher dans leurs mains ce quâelles avaient de plus cher et elles ne rougissaient pas de leur enlever le lait qui Ă©tait le soutien de leur vie. 6 Encore ne pouvait-on prendre une pareille nourriture sans ĂȘtre dĂ©couvert ; les insurgĂ©s Ă©taient partout et la rapine avec eux. Voyaient-ils une maison close ? CâĂ©tait le signe quâil y avait des provisions ; ils en brisaient aussitĂŽt les portes, y faisaient irruption, et retiraient presque les morceaux de la bouche pour les emporter. 7 Les vieillards qui refusaient de lĂącher les mets quâils tenaient, Ă©taient battus ; on arrachait les cheveux aux femmes qui cachaient ce quâelles tenaient en leurs mains. Il nây avait de pitiĂ© ni pour les cheveux blancs, ni pour les petits. On soulevait les enfants qui se suspendaient aux mets quâils mangeaient et on les jetait Ă terre. Ceux qui voulaient prĂ©venir les voleurs et avaler ce quâon allait leur ravir Ă©taient regardĂ©s comme des malfaiteurs et traitĂ©s plus cruellement. 8 Les brigands inventĂšrent des supplices affreux pour arriver Ă dĂ©couvrir des vivres ; ils obstruaient avec des vesces le canal de lâurĂštre et enfonçaient dans le rectum des bĂątons pointus. On endurait ainsi des tourments dont le seul rĂ©cit fait frĂ©mir et qui avaient pour but de faire avouer quâon possĂ©dait un pain ou quâon savait oĂč lâon trouverait une poignĂ©e dâorge. 9Les bourreaux du reste ne souffraient pas de la faim leur cruautĂ© aurait paru moins odieuse si elle avait eu pour excuse la nĂ©cessitĂ© ; mais ils affichaient un orgueil insensĂ© et entassaient des vivres pour les jours Ă venir. [10] Ils allaient Ă la rencontre de ceux qui sâĂ©taient glissĂ©s la nuit en rampant vers les avant-postes romains pour y recueillir quelques lĂ©gumes sauvages ou quelques herbes. Quand ces malheureux paraissaient hors de portĂ©e des traits ennemis, les brigands leur enlevaient leur butin. Souvent les victimes suppliaient et invoquaient le nom terrible de Dieu, pour recouvrer au moins une partie de ce quâils avaient apportĂ© au pĂ©ril de leur vie ; on ne leur rendait rien, et câĂ©tait assez pour eux de nâavoir pas Ă©tĂ© mis Ă mort et dâĂȘtre seulement volĂ©s. 11 JosĂšphe ajoute un peu plus loin Tout espoir de salut sâĂ©vanouit pour les Juifs avec la possibilitĂ© de sortir, et lâabĂźme de la faim se creusant engloutit le peuple par maison et par famille. Les terrasses Ă©taient remplies de femmes qui Ă©taient mortes avec leurs nourrissons ; les cadavres des vieillards encombraient les rues. 12 Les enfants et les jeunes gens enflĂ©s erraient comme des fantĂŽmes sur les places et tombaient lĂ mĂȘme oĂč le mal les avait saisis. Il Ă©tait impossible aux malades dâenterrer leurs parents et ceux qui en avaient encore la force refusaient de le faire parce que les morts Ă©taient trop nombreux et que leur sort Ă eux-mĂȘmes Ă©tait incertain. Beaucoup en effet suivaient dans la mort ceux quâils avaient ensevelis ; beaucoup venaient Ă leur sĂ©pulcre avant lâheure Ă laquelle ils devaient y entrer. 13 Dans ces calamitĂ©s, il nây avait ni larmes ni gĂ©missements ; la faim maĂźtrisait mĂȘme les passions de lâĂąme. Ceux qui agonisaient ainsi, voyaient dâun Ćil sec mourir ceux qui les devançaient. Un morne silence planait sur la ville ; elle Ă©tait pleine de la nuit de la mort. Le flĂ©au des brigands Ă©tait plus dur que tout le reste. 14 Ces monstres fouillaient les maisons devenues des tombeaux pour y dĂ©pouiller les morts ; ils arrachaient et emportaient en riant les voiles qui couvraient les cadavres ; ils essayaient sur leurs membres la pointe de leurs glaives, et parfois perçaient de malheureux abandonnĂ©s qui respiraient encore, pour Ă©prouver leur fer. Parmi ceux-ci, quelques-uns les suppliaient de leur prĂȘter lâaide de leurs mains et de leurs Ă©pĂ©es ; mais ils sâen allaient et les laissaient avec mĂ©pris aux tortures de la faim alors chacun des moribonds tournait fixement ses regards vers le temple, laissant de cĂŽtĂ© les insurgĂ©s vivants. 15Les sĂ©ditieux firent dâabord ensevelir les morts aux frais du trĂ©sor public pour nâavoir pas Ă en supporter lâodeur ; mais ensuite ils nây suffirent plus et lâon fit jeter les cadavres dans les ravins par-dessus les murailles. Titus, en visitant ces derniers, les trouva remplis de corps en putrĂ©faction ; il vit lâhumeur empestĂ©e qui en coulait avec abondance ; il gĂ©mit et, levant les mains, il prit Dieu Ă tĂ©moin que ce nâĂ©tait point lĂ son Ćuvre ». 16 AprĂšs avoir parlĂ© dâautre chose, JosĂšphe poursuit Je nâhĂ©siterai pas Ă dire ce que mâordonne la douleur. Si les Romains avaient Ă©tĂ© impuissants contre ces monstres, je crois que la ville aurait Ă©tĂ© engloutie par un tremblement de terre, ou submergĂ©e dans un dĂ©luge, ou anĂ©antie par le feu de Sodome car elle contenait une race dâhommes beaucoup plus impie que celle qui fut ainsi chĂątiĂ©e. Tout le peuple pĂ©rit par leur fureur insensĂ©e ». 17 Au sixiĂšme livre, lâhistorien juif Ă©crit encore Le nombre de ceux que torturait la faim et qui moururent fut infini dans la ville, et les maux qui survinrent indicibles. Dans chaque maison, en effet, sâil apparaissait quelque ombre de nourriture, câĂ©tait la guerre ; ceux quâunissait la plus Ă©troite affection en venaient aux mains et sâarrachaient les aliments dâune vie misĂ©rable. La mort elle-mĂȘme nâĂ©tait pas une preuve suffisante de dĂ©nuement. [18] Les voleurs fouillaient mĂȘme ceux qui exhalaient leur dernier souffle pour voir sâils ne simulaient pas la mort afin de cacher des vivres dans leur sein. Les hommes affamĂ©s allaient la bouche ouverte comme des chiens enragĂ©s, trĂ©buchaient, tombant contre les portes comme des gens ivres et revenant sans en avoir conscience, deux ou trois fois dans la mĂȘme heure Ă la mĂȘme maison. 19 La nĂ©cessitĂ© les amenait Ă se mettre sous la dent tout ce quâils rencontraient, et ce que les plus vils animaux auraient refusĂ©, ils le ramassaient pour le manger. Ils sâemparaient des baudriers, puis des semelles et mĂąchaient le cuir des boucliers rĂ©duit en laniĂšres. Dâautres se nourrissaient de la poussiĂšre de vieux foin ; car quelques-uns ayant recueilli des fĂ©tus, en vendaient une petite quantitĂ© au prix de quatre attiques. 20 Mais pourquoi rappeler lâimpudence des affamĂ©s en ce qui concerne des objets inanimĂ©s ? Je .vais raconter un fait inouĂŻ chez les Grecs comme chez les barbares, affreux Ă dire et incroyable Ă entendre. Quâon ne pense pas que je veuille duper ceux qui me liront un jour, jâaurais avec plaisir passĂ© sous silence une pareille calamitĂ© si elle ne mâeĂ»t Ă©tĂ© attestĂ©e par des tĂ©moins sans nombre au reste ce serait faire Ă ma patrie une pauvre grĂące que de dissimuler en mon rĂ©cit les maux quâelle a soufferts. 21 Parmi les Juifs qui habitaient au delĂ du Jourdain, se trouvait une femme appelĂ©e Marie, fille dâĂlĂ©azar, du bourg de BathĂ©zor, terme qui signifie maison dâhysope. Sa famille et sa condition Ă©taient honorables. Elle sâĂ©tait rĂ©fugiĂ©e avec tant dâautres Ă JĂ©rusalem et se trouvait parmi les assiĂ©gĂ©s. 22 Les tyrans lui avaient volĂ© tous les biens quâelle avait rassemblĂ©s en PĂ©rĂ©e et amenĂ©s Ă la ville. Chaque jour, des gens armĂ©s faisaient irruption chez elle, dans le soupçon quâil y eĂ»t encore des vivres et lui enlevaient le reste de son avoir Une terrible indignation sâempara de cette femme Ă chaque instant, elle injuriait et maudissait les brigands, cherchant Ă les exciter contre elle. 23 Ni lâirritation ni la pitiĂ© ne les porta Ă lui donner la mort. Alors, fatiguĂ©e de chercher pour dâautres des aliments quâil nâĂ©tait plus possible de trouver nulle part, sentant ses entrailles et ses moelles brĂ»lĂ©es par la faim, lâĂąme enflammĂ©e plus encore par la vengeance, elle prit conseil de sa colĂšre et de la nĂ©cessitĂ©, et se rĂ©volta contre la nature elle-mĂȘme. Elle avait un enfant attachĂ© Ă la mamelle, elle le prit. 24 Malheureux enfant, dit-elle, pour qui te conserverais-je, au milieu dâune pareille guerre, dans une telle famine et une telle rĂ©volte ? La servitude chez les Romains, voilĂ notre sort, si toutefois nous vivons jusquâĂ leur victoire ; mais auparavant, câest la faim, et les insurgĂ©s plus terribles que lâune et lâautre. Allons, sois pour moi une nourriture ; pour les sĂ©ditieux, une furie vengeresse ; pour lâhumanitĂ©, un sujet de lĂ©gende, le seul qui manque encore aux malheurs des Juifs ». 25 Tandis quâelle parlait encore, elle tue son enfant ; puis, elle le fait cuire et en mange la moitiĂ© le surplus, elle le cache et le met en rĂ©serve. AussitĂŽt les factieux arrivent et flairent lâodeur de cette chair impie ; ils menacent cette femme et la somment de leur donner le mets quâelle a prĂ©parĂ© ; sinon, elle va ĂȘtre Ă©gorgĂ©e sur lâheure. Elle leur rĂ©pond quâelle leur en a gardĂ© une belle part et leur dĂ©couvre les restes de son enfant. 26Ils sont aussitĂŽt frappĂ©s de stupeur et dâeffroi, immobiles devant un pareil spectacle. Câest mon fils, leur disait-elle, câest mon Ćuvre. Mangez, jâen ai goĂ»tĂ© moi-mĂȘme. Ne soyez pas plus dĂ©licats quâune femme ni plus attendris quâune mĂšre. Si dans votre piĂ©tĂ©, vous vous dĂ©tournez de mon sacrifice, jâen ai mangĂ© Ă votre intention que le reste soit Ă la mienne ». 27 Alors ils sortirent en tremblant ; une fois du moins ils eurent peur, et ils laissĂšrent Ă regret Ă cette mĂšre un pareil aliment. La ville entiĂšre retentit bientĂŽt du rĂ©cit de cette atrocitĂ© ; chacun croyait avoir cette tragĂ©die devant les yeux, et il en frissonnait comme sâil en avait Ă©tĂ© lui-mĂȘme lâauteur. 28 Il y eut alors de la part des affamĂ©s comme un entrain vers la mort, et on estimait heureux ceux qui avaient pĂ©ri avant dâĂȘtre les tĂ©moins de tels malheurs ». Tel fut le chĂątiment des Juifs, en punition du crime et de lâimpiĂ©tĂ© quâils avaient commis contre le Christ de Dieu. Chapitre VII Les prĂ©dictions du Christ 1 Il est Ă propos de leur mettre sous les yeux les prĂ©dictions si vraies de notre Sauveur oĂč toutes ces calamitĂ©s Ă©taient annoncĂ©es en ces termes Malheur aux femmes enceintes et Ă celles qui allaitent en ces jours. Priez pour que votre fuite nâait pas lieu en hiver ou un jour de sabbat. Car il y aura alors une grande affliction, telle quâil nây en a pas eu depuis le commencement du monde et telle quâil nây en aura plus ensuite ». 2 LâĂ©crivain, supputant le chiffre total des morts, dit qu il pĂ©rit onze cent mille personnes par la faim et le glaive. Les factieux et les brigands qui survĂ©curent, se dĂ©noncĂšrent mutuellement aprĂšs la prise de la ville et furent mis Ă mort. Les jeunes gens les plus grands et les plus distinguĂ©s par leur beautĂ© furent rĂ©servĂ©s pour le triomphe. Quant au reste de la multitude, ceux qui avaient plus de dix-sept ans furent, les uns enchaĂźnĂ©s et envoyĂ©s aux travaux dâĂgypte, les autres en plus grand nombre, distribuĂ©s aux provinces pour mourir dans les amphithéùtres par le fer ou les bĂȘtes. Ceux qui nâavaient pas dix-sept ans furent emmenĂ©s prisonniers pour ĂȘtre vendus. Ces derniers Ă eux seuls Ă©taient Ă peu prĂšs quatre-vingt-dix mille . 3 Ainsi sâaccomplirent ces Ă©vĂ©nements dans la seconde annĂ©e du rĂšgne de Vespasien [70 aprĂšs selon les paroles prophĂ©tiques de notre Seigneur et Sauveur JĂ©sus-Christ. GrĂące Ă son pouvoir divin, il les avait contemplĂ©s dâavance comme des rĂ©alitĂ©s prĂ©sentes. Il avait pleurĂ© et sanglotĂ©, suivant le texte des saints Ă©vangiles, qui nous rapportent ses propres paroles, quand il sâadressait pour ainsi dire Ă JĂ©rusalem elle-mĂȘme 4 Si du moins, tu connaisssais en ce jour, ce qui peut tâapporter la paix ! Mais maintenant cela est cachĂ© Ă tes yeux ! Des jours viendront sur toi, oĂč tes ennemis tâentoureront de retranchements, tâinvestiront, te presseront de toutes parts et te renverseront Ă terre toi et tes enfants ».5 Et maintenant au sujet du peuple Il y aura une grande dĂ©tresse sur la terre et la colĂšre sera sur ce peuple. Ils tomberont dĂ©vorĂ©s par le glaive, ils seront emmenĂ©s en captivitĂ© dans toutes les nations. Et JĂ©rusalem sera foulĂ©e aux pieds par les Gentils jusquâĂ ce que leurs temps soient accomplis ». Et encore Lorsque vous verrez JĂ©rusalem assiĂ©gĂ©e par une armĂ©e, sachez que sa dĂ©solation est proche ». 6 Si on compare les paroles du Sauveur avec les rĂ©cits de lâhistorien oĂč il retrace toute cette guerre, comment ne serait-on pas Ă©tonnĂ© et nâavouerait-on pas que cette prescience et cette prĂ©diction de lâavenir Ă©taient, chez le Sauveur, vĂ©ritablement divines et extraordinaires. 7 Pour ce qui est arrivĂ© Ă tout le peuple aprĂšs la passion du Sauveur, aprĂšs les cris par lesquels la multitude des Juifs demandait la grĂące dâun voleur et dâun assassin et suppliait quâon fĂźt disparaĂźtre de son sein lâauteur de la vie, il nây a rien Ă ajouter aux histoires. 8 Il est cependant juste de joindre une remarque qui montre bien la misĂ©ricorde delĂ toute bonne Providence. AprĂšs le crime audacieux commis contre le Christ, elle attendit quarante annĂ©es entiĂšres pour dĂ©truire les coupables pendant ce laps de temps, le plus grand nombre des apĂŽtres et des disciples, ainsi que Jacques lui-mĂȘme, le premier Ă©vĂȘque de ce pays, appelĂ© le frĂšre du Seigneur, Ă©taient encore de ce monde et vivaient dans la ville de JĂ©rusalem ; ils Ă©taient pour elle comme un trĂšs puissant rempart. 9La vigilance de Dieu avait Ă©tĂ© jusquâalors patiente peut-ĂȘtre ces gens se repentiraient-ils de ce quâils avaient fait et obtiendraient-ils le pardon et le salut. En outre de cette longanimitĂ©, le ciel leur envoya des signes extraordinaires de ce qui allait leur arriver, sâils persĂ©vĂ©raient dans leur endurcissement. Ces prĂ©sages ont Ă©tĂ© jugĂ©s dignes de mĂ©moire par lâhistorien citĂ© plus haut ; le mieux est de les rapporter ici pour ceux qui liront cet ouvrage. Chapitre VIII Les signes avant la guerre 1 Prenez donc le sixiĂšme livre des Histoires et lisez ce quâil y expose en ces termes Les sĂ©ducteurs Ă©garaient alors ce malheureux peuple elle trompaient au sujet de Dieu, en sorte quâil ne donnait point dâattention, et ne croyait pas aux prĂ©sages qui annonçaient si clairement la dĂ©vastation future. Ainsi que des gens Ă©tourdis par la foudre qui nâont plus lâusage de leurs yeux ni de leur esprit, les Juifs nâattachaient aucune importance aux avertissements de Dieu. 2 Ce fut dâabord un astre qui parut sur la ville sous la forme dâun glaive et une comĂšte qui resta suspendue pendant une annĂ©e. Ensuite, avant la dĂ©fection et le soulĂšvement pour la guerre, au moment oĂč le peuple Ă©tait rĂ©uni pour la fĂȘte des azymes, le huit du mois Xantique, Ă la neuviĂšme heure de la nuit, une telle lumiĂšre environna lâautel et le temple quâon crut ĂȘtre en plein jour, et cela dura une demi-heure les ignorants y virent un bon prĂ©sage, mais les scribes comprirent tout de suite avant que les choses ne fussent arrivĂ©es. 3 Au temps de la mĂȘme fĂȘte, une vache, amenĂ©e par le grand prĂȘtre pour le sacrifice, mit bas un agneau au milieu du temple. 4 La porte orientale de lâintĂ©rieur du temple Ă©tait dâairain et si lourde que vingt hommes avaient grandâ peine Ă la fermer le soir ; elle Ă©tait close par des verrous en fer et munie de targettes trĂšs profondes Ă la sixiĂšme heure de la nuit, on la-vit sâouvrir dâelle-mĂȘme. 5 Peu de jours aprĂšs la fĂȘte, le vingt et uniĂšme du mois ArtĂ©misios, on vit le spectre dâun dĂ©mon plus grand quâon ne peut croire. Ce que je dois raconter semblerait fabuleux, si le rĂ©cit nâen Ă©tait pris de tĂ©moins oculaires et si les maux qui suivirent nâavaient Ă©tĂ© dignes des prĂ©sages eux-mĂȘmes. Avant le coucher du soleil, on aperçut sur tout le pays des chars aĂ©riens et des phalanges armĂ©es qui sâĂ©lançaient des nuages et entouraient les villes. 6Lors de la fĂȘte appelĂ©e PentecĂŽte, pendant la nuit, les prĂȘtres venus au temple selon leur coutume,, pour leur office, dĂ©clarĂšrent avoir entendu dâabord des bruits de pas, un tumulte, puis des voix nombreuses qui disaient Sortons dâici ». 7 Mais voici qui est encore plus effrayant Un homme appelĂ© JĂ©sus, fils dâAnanie, homme simple, un paysan, quatre ans avant la guerre, alors que la ville Ă©tait en pleine paix et prospĂ©ritĂ©, vint Ă la fĂȘte oĂč tous ont coutume de dresser des tentes en lâhonneur de Dieu. Tout Ă coup il se mit Ă crier Ă travers le temple Voix de lâorient, voix du couchant, voix des quatre vents, voix sur JĂ©rusalem et sur le temple, voix sur les fiancĂ©s et les fiancĂ©es, voix sur tout le peuple ». Jour et nuit, il parcourait toutes les rues de la ville et poussait ce cri. 8 Quelques-uns des principaux du peuple indignĂ©s de ces paroles de mauvais augure le saisirent et lâaccablĂšrent de coups ; mais lui continuait Ă pousser la mĂȘme clameur devant eux, et cela, non pas de lui-mĂȘme, ni de son propre mouvement. 9 Les chefs pensaient que cette excitation Ă©tait plutĂŽt lâĆuvre dâun esprit, comme elle lâĂ©tait. Ils conduisirent le malheureux auprĂšs du gouverneur romain voyez lâAppendice lĂ , on le dĂ©chira Ă coups de fouets jusquâaux os ; il ne laissait Ă©chapper ni priĂšre ni larme ; mais en cet Ă©tat, sa voix plaintive flĂ©chissait seulement de plus en plus avec ses forces, et Ă chaque coup, il redisait Malheur Ă JĂ©rusalem ». 10 JosĂšphe rapporte encore une autre prĂ©diction plus surprenante quâil assure avoir trouvĂ©e dans les saintes Ăcritures, et annonçant quâen ce temps quelquâun sorti de leur pays commanderait Ă la terre. Il croit quâelle a Ă©tĂ© accomplie enVespasien ; 11 mais ce prince ne domina pas sur la terre entiĂšre, il rĂ©gna seulement sur les contrĂ©es soumises aux Romains. Il serait plus juste dâappliquer cette parole au Christ, Ă qui son PĂšre a dit Demande-moi et je te donnerai les nations pour hĂ©ritag-e et pour ton bien les extrĂ©mitĂ©s de la terre ». Or Ă cette Ă©poque mĂȘme, la voix des saints apĂŽtres Ă©tait allĂ©e dans lâunivers entier et leur parole avait atteint les limites du monde. Chapitre IX JosĂšphe et les Ă©crits quâil a laissĂ©s 1 AprĂšs tout ceci, il est bon de ne pas laisser ignorer ce quâĂ©tait JosĂšphe lui-mĂȘme, puisquâil nous a tant aidĂ© dans le rĂ©cit des Ă©vĂ©nements qui nous occupent. DâoĂč vient-il ? quelle est sa race ? Il nous lâapprend lui-mĂȘme en ces termes JosĂšphe, fils de Matthias, prĂȘtre de JĂ©rusalem, fit dâabord la guerre aux Romains, puis se rapprocha dâeux par nĂ©cessitĂ© ». 2 Il fut de beaucoup le plus cĂ©lĂšbre des Juifs de son temps, non seulement auprĂšs de ses compatriotes, mais aux yeux mĂȘme des Romains, si bien quâĂ Rome, on lâhonora dâune statue et que ses livres furent jugĂ©s dignes des bibliothĂšques. 3 Il expose toute lâantiquitĂ© juive dans un ouvrage de vingt livres et il raconte en sept livres lâhistoire de la guerre des Romains en son temps. Il affirme avoir rĂ©digĂ© ce dernier Ă©crit, non seulement en grec, mais encore dans sa langue maternelle ; il est digne dâĂȘtre cru. 4On montre encore de lui deux livres qui mĂ©ritent dâĂȘtre Ă©tudiĂ©s, Sur lâantiquitĂ© des Juifs câest une rĂ©ponse au grammairien Apion qui Ă©crivait alors contre eux, ainsi quâĂ dâautres gens qui prenaient Ă tĂąche de calomnier les origines de la race juive. 5 Dans le premier de ces livres, il Ă©tablit le nombre des Ă©crits qui forment le testament appelĂ© ancien et montre ceux qui Ă©taient incontestĂ©s chez les HĂ©breux. Voici ce quâil en dit en propres termes,, comme dâaprĂšs une tradition antique. Chapitre X Comment il mentionne les livres saints 1 On ne trouve pas chez nous une foule de livres en dĂ©saccord et en opposition les uns avec les autres ; nousâ en avons seulement vingt-deux. Ils nous prĂ©sentent le rĂ©cit de tous les Ăąges Ă©coulĂ©s et Ă bon droit nous les croyons divins. 2 De ces livres, cinq sont de MoĂŻse. Ils embrassent les lois et la tradition de lâhumanitĂ© depuis son origine, jusquâĂ la mort de cet Ă©crivain, câest-Ă -dire un peu moins de trois mille ans. 3 DelĂ mort de MoĂŻse Ă celle dâArtaxerxĂšs, roi des Perses aprĂšs XerxĂšs, les prophĂštes qui vinrent aprĂšs MoĂŻse Ă©crivirent ce qui arriva, de leur temps en treize livres. Les quatre livres qui restent renferment des hymnes Ă Dieu et des principes de conduite pour les hommes. 4 Depuis ArtaxerxĂšs jusquâĂ nous, lâhistoire de chaque Ă©poque a Ă©tĂ© Ă©crite ; mais les ouvrages qui la contenaient nâont pas Ă©tĂ© jugĂ©s dignes de la crĂ©ance dont jouissent les livres antĂ©rieurs, car la succession des prophĂštes est moins exacte. 5La preuve Ă©vidente de notre vĂ©nĂ©ration pour nos Ă©crits est dans ce fait, que personne, aprĂšs tant de siĂšcles, nâa osĂ© ni ajouter, ni retrancher, ni changer le moindre dĂ©tail. Chaque Juif, dĂšs sa premiĂšre enfance, croit quâils contiennent les pensĂ©es mĂȘmes de Dieu, quâil faut sây tenir, et, au besoin, mourir volontiers pour eux ». 6 Il nâĂ©tait pas inutile de citer ces paroles de JosĂšphe. Cet Ă©crivain a encore composĂ© un ouvrage qui nâest pas indigne de lui, Sur la toute puissance de la, raison. Certains lâont intitulĂ© MacchabaĂŻcon, parce quâil renferme les combats des HĂ©breux qui ont luttĂ© dâune façon virile pour la piĂ©tĂ© envers la DivinitĂ©, ainsi que le racontent les livres des MacchabĂ©es voyez lâAppendice. 7 Vers la fin du vingtiĂšme livre des AntiquitĂ©s, le mĂȘme auteur nous dit encore son intention dâĂ©crire quatre livres concernant les croyances traditionnelles des Juifs sur Dieu et son essence, sur les lois, sur le motif pour lequel elles permettent certaines choses et en dĂ©fendent dâautres il rappelle aussi quâil a encore Ă©tudiĂ© dâautres questions dans des traitĂ©s spĂ©ciaux. 8 Nous croyons en outre Ă propos dâenregistrer aussi les paroles qui servent dâĂ©pilogue Ă ses AntiquitĂ©s, pour confirmer le tĂ©moignage que nous lui avons empruntĂ©. Il y accuse de mensonge et de bien dâautres mĂ©faits, Juste de TibĂ©riade, qui avait essayĂ© de peindre aussi la mĂȘme Ă©poque que lui et il ajoute textuellement 9 Je ne crains pas un semblable traitement pour mes Ă©crits jâai remis mes livres aux empereurs eux-mĂȘmes, alors quâon voyait presque encore les faits que jây raconte. Certain de ma vigilance Ă dire la vĂ©ritĂ©, jâai attendu leurs suffrages et je nâai pas Ă©tĂ© déçu. 10 Jâai prĂ©sentĂ© mon rĂ©cit Ă bien dâautres dont quelques-uns avaient pris part Ă la guerre, comme le roi Agrippa et certains de ses parents. 11 Lâempereur Titus a jugĂ© que la mĂ©moire de ces faits ne devait ĂȘtre transmise aux hommes que par ces seuls rĂ©cits et il a signĂ© de sa main un dĂ©cret ordonnant de publier officiellement mes livres. Le roi Agrippa dâautre part a adressĂ© soixante-deux lettres oĂč il atteste que jâai dit la vĂ©ritĂ© ». JosĂšphe en cite deux ; mais en voilĂ assez sur lui. Continuons notre rĂ©cit. Chapitre XI AprĂšs Jacques, SimĂ©on gouverne lâĂ©glise de JĂ©rusalem 1 Apres le martyre de Jacques et la destruction de JĂ©rusalem qui arriva en ce temps, on raconte que ceux des apĂŽtres et des disciples du Seigneur qui Ă©taient encore en ce monde vinrent de partout et se rĂ©unirent en un mĂȘme lieu avec les parents du Sauveur selon la chair dont la plupart existaient Ă cette Ă©poque. Ils tinrent conseil tous ensemble pour examiner qui serait jugĂ© digne de la succession de Jacques, et ils dĂ©cidĂšrent Ă lâunanimitĂ© que SimĂ©on, fils de ce Clopas dont parle lâĂvangile, Ă©tait capable dâoccuper le siĂšge de cette Ă©glise il Ă©tait, dit-on, cousin du Sauveur HĂ©gĂ©sippe raconte en effet que Clopas Ă©tait le frĂšre de Joseph. Chapitre XII Vespasiens ordonne de rechercher les descendants de David 1 On rapporte en outre quâaprĂšs la prise de JĂ©rusalem, Vespasien fit rechercher tous les descendants de David, afin quâil ne restĂąt plus chez les Juifs, per- sonne qui fĂ»t de race royale. Ce leur fut un nouveau sujet de trĂšs grande persĂ©cution. Chapitre XIII Anaclet est le second Ă©vĂȘque des romains 1 Vespasien ayant rĂ©gnĂ© dix ans, lâempereur Titus, son fils, lui succĂšde la seconde annĂ©e de son rĂšgne [80-81], Lin, depuis douze ans Ă©vĂȘque de lâĂ©glise des Romains, laisse sa charge Ă Anaclet. Titus a pour successeur son frĂšre Domitien aprĂšs deux ans et autant de mois de rĂšgne [13 septembre 81]. Chapitre XIV Avilius est le second chef de lâĂ©glise dâAlexandrie 1 La quatriĂšme annĂ©e de Domitien [84-85], Annianus, premier Ă©vĂȘque dâAlexandrie, aprĂšs avoir administrĂ© cette Ă©glise pendant vingt-deux ans entiers, meurt, et son successeur est Avilius, second Ă©vĂȘque. Chapitre XV AprĂšs lui, ClĂ©ment est le troisiĂšme 1 La douziĂšme annĂ©e du mĂȘme rĂšgne [92-93], Anaclet, ayant Ă©tĂ© Ă©vĂȘque de lâĂ©glise des Romains douze ans, a pour successeur ClĂ©ment, que lâapĂŽtre, dans sa lettre aux Philippiens, le compagnon de son labeur par ces mots Avec ClĂ©ment et mes autres collaborateurs, dont les noms sont au livre de vie ». Chapitre XVI LâĂ©pĂźtre de ClĂ©ment 1 Il existe de celui-ci, acceptĂ©e comme authentique, une Ă©pĂźtre longue et admirable. Elle a Ă©tĂ© Ă©crite au nom de lâĂglise de Rome Ă celle de Corinthe Ă propos dâune dissension qui sâĂ©tait alors Ă©levĂ©e Ă Corinthe. En beaucoup dâĂ©glises, depuis longtemps et de nos jours encore, on la lit publiquement dans les rĂ©unions communes. Quâun diffĂ©rend, Ă cette Ă©poque, ait troublĂ© lâĂ©glise de Corinthe, nous en avons pour garant digne de foi HĂ©gĂ©sippe. Chapitre XVII La persĂ©cution de Domitien 1 Domitien montra une grande cruautĂ© envers beaucoup de gens ; il fit tuer Ă Rome sans jugement rĂ©gulier une foule !!de nobles et de personnages considĂ©rables ; dâautres citoyens illustres en trĂšs grand nombre furent aussi condamnĂ©s injustement Ă lâexil hors des limites de lâempire et Ă la confiscation des biens. Il finit par se montrer le successeur de NĂ©ron dans sa haine et sa lutte contre Dieu. Il souleva contre nous la seconde persĂ©cution, quoique Vespasien son pĂšre nâait jamais eu de mauvais dessein Ă notre endroit. Chapitre XVIII Jean lâapĂŽtre et lâApocalypse 1 On raconte quâĂ cette Ă©poque lâapĂŽtre et Ă©vangĂ©liste Jean vivait encore ; Ă cause du tĂ©moignage quâil avait rendu au Verbe de Dieu, il avait Ă©tĂ© condamnĂ©, par jugement, Ă habiter lâĂźle de Patmos. 2 IrĂ©nĂ©e, Ă propos du nombre produit par lâaddition des lettres qui forment le nom de lâAntĂ©christ dâaprĂšs lâApocalypse attribuĂ©e Ă Jean, dit en propres termes ceci de Jean, dans le cinquiĂšme livre des HĂ©rĂ©sies 3 Sâil eĂ»t fallu proclamer ouvertement Ă notre Ă©poque le nom de lâAntĂ©christ, celui qui a vu la rĂ©vĂ©lation lâaurait fait. Car il la contempla il nây a pas longtemps et presque dans notre gĂ©nĂ©ration, vers la fin du rĂšgne de Domitien ». 4 Lâenseignement de notre foi brillait Ă cette Ă©poque dâun tel Ă©clat que les Ă©crivains Ă©trangers Ă notre croyance nâhĂ©sitent pas Ă rapporter dans leurs histoires la persĂ©cution et les martyres quâelle provoqua. Ils en fixent la date avec exactitude ; ils racontent que dans la quinziĂšme annĂ©e de Domitien, avec beaucoup dâautres, Flavia Domitilla elle-mĂȘme, fille dâune sĆur de Flavius GlĂ©mens, alors un des consuls de Rome 95 , fut relĂ©guĂ©e dans lâĂźle Pontia en punition de ce quâelle avait rendu tĂ©moignage au Christ. Chapitre XIX Domitien ordonne de tuer les descendants de David 1 Le mĂȘme Domitien ordonna de dĂ©truire tous les Juifs qui Ă©taient de la race de David une ancienne tradition raconte que des hĂ©rĂ©tiques dĂ©noncĂšrent les descendants de Jude, qui Ă©tait, selon la chair, frĂšre du Sauveur, comme appartenant Ă la race de David et parents du Christ lui-mĂȘme. Câest ce que montre HĂ©gĂ©sippe quand il sâexprime en ces termes Chapitre XX Les parents de notre Sauveur 1 Il y avait encore de la race du Sauveur les petitsfils de Jude qui lui-mĂȘme Ă©tait appelĂ© son frĂšre selon la chair on les dĂ©nonça comme descendants de David. lâevocatus les amena Ă Domitien ; celui-ci craignait la venue du Christ, comme HĂ©rode. 2Lâempereur leur demanda sâils Ă©taient de la race de David ; ils lâavouĂšrent ; il sâenquit alors de leurs biens et de leur fortune ils dirent quâils ne possĂ©daient ensemble lâun et lâautre que neuf mille deniers, dont chacun avait la moitiĂ©; ils ajoutĂšrent quâils nâavaient pas cette somme en numĂ©raire, mais quâelle Ă©tait lâĂ©valuation dâune terre de trente-neuf plĂšthres, pour laquelle ils payaient lâimpĂŽt et quâils cultivaient pour vivre. 3 Puis ils montrĂšrent leurs mains et, comme preuve quâils travaillaient eux-mĂȘmes, ils allĂ©guĂšrent la rudesse de leurs membres, et les durillons incrustĂ©s dans leurs propres mains, indice certain dâun labeur continu. 4 InterrogĂ©s sur le Christ et son royaume, sur la nature de sa royautĂ©, sur le lieu et lâĂ©poque de son apparition, ils firent cette rĂ©ponse, que le rĂšgne du Christ nâĂ©tait ni du monde ni de la terre, mais cĂ©leste et angĂ©lique, quâil se rĂ©aliserait Ă la fin des temps, quand le Christ venant dans sa gloire jugerait les vivants et les morts et rendrait Ă chacun selon ses Ćuvres. 5 Domitien ne vit rien lĂ qui fĂ»t contre eux ; il les dĂ©daigna comme des gens simples, les renvoya libres et un Ă©dit fit cesser la persĂ©cution contre lâ Une fois dĂ©livrĂ©s, ils dirigĂšrent les Ă©glises, Ă la fois comme martyrs et parents du Seigneur, et vĂ©curent aprĂšs a paix jusquâau temps de Trajan. 7 Tel est le rĂ©cit dâHĂ©gĂ©sippe. Du reste, celui de Tertullien nous raconte la mĂȘme chose sur Domitien Domitien essaya un jour de faire la mĂȘme chose que celui-ci ; il Ă©tait la monnaie de NĂ©ron pour la cruautĂ© ; mais comme il avait, je pense, quelque intelligence, il sâarrĂȘta bien vite et rappela mĂȘme ceux quâil avait bannis ». 8 AprĂšs Domitien qui rĂ©gna quinze ans, Nerva obtint lâempire 96 ; les honneurs de Domitien furent abolis, le sĂ©nat des Romains vota une loi qui permit Ă ceux qui Ă©taient injustement exilĂ©s de revenir chez eux et mĂȘme de recouvrer leurs biens ; câest ce que racontent les historiens qui ont Ă©crit les Ă©vĂ©nements de cette Ă©poque. 9 Alors lâapĂŽtre Jean put donc, lui aussi, quitter lâĂźle oĂč il Ă©tait relĂ©guĂ©, pour sâĂ©tablir Ă ĂphĂšse ; câest ce que rapporte une tradition de nos anciens. Chapitre XXI Cerdon est le troisiĂšme chef de lâĂ©glise dâAlexandrie 1 Nerva ayant rĂ©gnĂ© un peu plus dâun an, Trajan lui succĂšde dans la premiĂšre annĂ©e de ce prince 98, Avilius ayant gouvernĂ© lâĂ©glise dâAlexandrie pendant treize ans, fut remplacĂ© par Cerdon. Celui-ci Ă©tait le troisiĂšme des Ă©vĂȘques de ce pays ; Annianus avait Ă©tĂ© le premier. En ce temps, ClĂ©ment Ă©tait encore chef de lâĂ©glise des Romains et lui aussi venait au troisiĂšme rang aprĂšs Paul et Pierre ; Lin avait Ă©tĂ© le premier Ă©vĂȘque et Anaclet le second. Chapitre XXII Le second chef de lâĂglise dâAntioche est Ignace 1 Mais Ă Antioche, aprĂšs Evodius qui en fut le premier Ă©vĂȘque, en ce temps-lĂ , Ignace en a Ă©tĂ© le second voyez lâAppendice. SimĂ©on fut pareillement le second qui, aprĂšs le frĂšre de notre Sauveur, eut Ă cette Ă©poque la charge de lâĂ©glise de JĂ©rusalem. Chapitre XXIII Anecdote concernant lâapĂŽtre Jean 1 En ce temps en Asie, survivait encore Jean, celui que JĂ©sus aimait, qui fut Ă la fois apĂŽtre et Ă©vangĂ©liste. Il gouvernait les Ă©glises de ce pays aprĂšs ĂȘtre revenu, Ă la mort de Domitien, de lâĂźle oĂč il avait Ă©tĂ© exilĂ©. 2 Que jusquâĂ cette Ă©poque, il fut encore de ce monde, deux tĂ©moins suffisent Ă le prouver, et ils sont dignes de foi, ayant enseignĂ© lâorthodoxie ecclĂ©siastique ; lâun est IrĂ©nĂ©e, lâautre ClĂ©ment dâAlexandrie. 3 Le premier, au second livre de son ouvrage Contre les hĂ©rĂ©sies, Ă©crit ainsi en propres termes Tous les presbytres qui se sont rencontrĂ©s en Asie avec Jean le disciple du Seigneur, tĂ©moignent quâil leur a transmis cela il demeura en effet parmi eux jusquâaux temps de Trajan ». 4 Au troisiĂšme livre du mĂȘme traitĂ©, IrĂ©nĂ©e exposa encore la mĂȘme chose en ces termes Mais lâĂglise dâEphĂšse, fondĂ©e par Paul et oĂč demeura Jean jusquâĂ lâĂ©poque de Trajan, est aussi un tĂ©moin vĂ©ritable de la tradition des apĂŽtres ». 5 ClĂ©ment nous indique Ă©galement cette date et il raconte une histoire fort utile Ă entendre pour ceux qui se plaisent aux choses belles et profitables. Elle est dans son traitĂ© intitulĂ© Quel riche est sauvĂ©. Prenez-la et lisez-la, telle quâelle est dans son texte 6 Ecoute une fable, qui nâest pas une fable, mais un rĂ©cit transmis par la tradition et gardĂ© par le souvenir, au sujet de Jean lâapĂŽtre. AprĂšs la mort du tyran, lâapĂŽtre quitta lâĂźle de Patmos pour EphĂšse et il alla appelĂ© par les pays voisins des Gentils, tantĂŽt y Ă©tablir des Ă©vĂȘques, tantĂŽt y organiser des Ă©glises complĂštement, tantĂŽt choisir comme clerc chacun de ceux qui Ă©taient signalĂ©s par lâEsprit. 7 Il vint donc Ă lâune de ces villes qui Ă©taient proches, dont quelques-uns mĂȘme citent le nom. Il y consola dâabord les frĂšres. Ă la fin, il se tourna vers lâĂ©vĂȘque qui Ă©tait Ă©tabli lĂ et apercevant un jeune homme dont le maintien Ă©tait distinguĂ©, le visage gracieux et lâĂąme ardente Je te confie celui-lĂ de tout cĆur, dit-il, lâĂglise et le Christ en sont tĂ©moins ». LâĂ©vĂȘque le reçut et promit tout lâapĂŽtre rĂ©pĂ©ta encore ses mĂȘmes recommandations et ses adjurations. 8 Puis il partit pour ĂphĂšse. Le presbytre prit chez lui le jeune homme qui lui avait Ă©tĂ© confiĂ©, lâĂ©leva, le protĂ©gea, lâentoura dâaffection et enfin lâĂ©claira. AprĂšs cela, il se relĂącha de son soin extrĂȘme et de sa vigilance lorsquâil lâeut muni du sceau du Seigneur ainsi que dâune protection dĂ©finitive. 9 Le jeune homme en possession dâune libertĂ© prĂ©maturĂ©e fut gĂątĂ© par des compagnons dâĂąge oisifs, dissolus et habituĂ©s au mal. Dâabord, ils le conduisirent dans de splendides festins ; puis sortant aussi la nuit pour voler les vĂȘtements, ils lâemmenĂšrent ; plus tard, on le jugea propre Ă coopĂ©rer Ă quelque chose de plus grand. 10II sây habitua peu Ă peu, et, sous lâimpulsion de sa nature ardente, semblable Ă un coursier indomptĂ© et vigoureux qui ronge son frein, il sortit du droit chemin et sâĂ©lança vivement dans les prĂ©cipices. 11 Lorsquâil eut enfin renoncĂ© au salut de Dieu, il ne sâarrĂȘta plus aux projets mĂ©diocres, mais il tenta quelque chose dâimportant et, puisquâil Ă©tait perdu sans retour, il rĂ©solut de ressembler aux autres. Il les rassembla donc et forma avec eux une sociĂ©tĂ© de brigands. Il en devint le digne chef ; car il Ă©tait le plus violent, le plus sanguinaire et le plus dur. 12 Sur ces entrefaites et en raison dâun besoin survenu, on appela Jean il vint et traita les affaires pour lesquelles on lâavait mandĂ©. Puis il dit Allons, Ă©vĂȘque, rends-nous le dĂ©pĂŽt que le Christ et moi tâavons confiĂ© en prĂ©sence de lâĂ©glise Ă laquelle tu prĂ©sides ». 13 Celui-ci fut dâabord stupĂ©fait, pensant Ă une somme dâargent quâil nâavait pas reçue et pour laquelle on lâaurait dĂ©noncĂ© il ne pouvait croire Ă un dĂ©pĂŽt quâil nâavait pas, ni mettre en doute la parole de Jean Je te demande, reprit celui-ci, le jeune homme et lâĂąme de ce frĂšre ». Le vieillard gĂ©mit profondĂ©ment et pleura. Il est mort, dit-il. â Comment et de quelle mort ? â Mort Ă Dieu ; car il est parti, et est devenu mĂ©chant et perdu, en un mot, câest un voleur ; et maintenant il tient la montagne qui est lĂ en face de lâĂ©glise avec une troupe dâhommes armĂ©s semblables Ă lui ». 14LâapĂŽtre dĂ©chire son vĂȘtement, et avec un long sanglot se frappe la tĂȘte Jâai laissĂ©, dit-il, un bon gardien de lâĂąme de mon frĂšre ! Mais quâon mâamĂšne aussitĂŽt un cheval et que quelquâun me serve de guide pour le chemin ». Et il sortit de lâĂ©glise comme il Ă©tait. 15 ArrivĂ© Ă lâendroit, il fut pris par lâavant-poste des brigands il ne chercha pas Ă fuir, ne demanda rien, mais il sâĂ©cria Câest pour cela mĂȘme que je suis venu ; conduisez-moi Ă votre chef ». 16Celui-ci prĂ©cisĂ©ment attendait en armes ; mais dĂšs quâil reconnut Jean, il rougit et prit la fuite. LâapĂŽtre, oubliant son Ăąge, le poursuivait de toutes ses forces et lui criait 17 Pourquoi me fuis-tu, ĂŽ mon fils, moi ton pĂšre, un homme dĂ©sarmĂ©, un vieillard ? Aie pitiĂ© de moi, ĂŽ enfant ; ne crains pas, tu as encore des espĂ©rances de vie. Je donnerai pour toi ma parole au Christ ; sâil le fallait, je mourrais volontiers pour toi comme le Sauveur lâa fait pour nous. Je donnerai ma vie Ă la place de la tienne. ArrĂȘte-toi ; aie confiance, câest le Christ qui mâenvoie ». 18 Le jeune homme obĂ©it et sâarrĂȘte. Il baisse la tĂȘte, puis jette ses armes, enfin se met Ă trembler en versant des larmes amĂšres. Il entoure de ses bras le vieillard qui sâavançait, lui demande pardon, comme il peut, par ses gĂ©missements et il est baptisĂ© une seconde fois, dans ses larmes. Cependant il tenait encore sa main droite cachĂ©e. 19 LâapĂŽtre se porte caution, lâassure par serment quâil a trouvĂ© pour lui misĂ©ricorde auprĂšs du Sauveur ; il prie, il tombe Ă genoux, il baise la main droite elle-mĂȘme du jeune homme pour montrer quâelle est purifiĂ©e par la pĂ©nitence. Jean le conduit ensuite Ă lâĂ©glise, intercĂšde pour lui dans de longues priĂšres, offre avec lui des jeĂ»nes prolongĂ©s et enchante son esprit par le charme variĂ© de ses discours. On dit quâil ne le quitta pas avant de lâavoir fixĂ© dĂ©finitivement dans lâĂglise, offrant un grand exemple de vĂ©ritable repentir et une Ă©clatante preuve de renaissance, un trophĂ©e de rĂ©surrection visible ». Chapitre XXIV Lâordre des Ăvangiles 1 Jâai placĂ© ici ce passage de ClĂ©ment Ă la fois pour lâinformation et pour lâutilitĂ© de ceux qui le rencontreront. Maintenant indiquons les Ă©crits incontestĂ©s de lâapĂŽtre Jean. 2 On doit dâabord recevoir comme authentique son Ă©vangile ; il est reconnu tel par toutes les Ă©glises qui sont sous le ciel. Câest Ă bon droit que les anciens lâont placĂ© au quatriĂšme rang aprĂšs les trois autres ; en voici le motif. 3 Les hommes inspirĂ©s et vraiment dignes de Dieu, je dis les apĂŽtres du Christ, purifiaient leur vie avec un soin extrĂȘme, ornant leur Ăąme de toute vertu. Mais ils connaissaient peu la langue ; la puissance divine quâils tenaient du Sauveur et qui opĂ©rait des merveilles Ă©tait leur assurance. Exposer les enseignements du maĂźtre avec lâhabiletĂ© insinuante et lâart des discours leur Ă©tait inconnu et ils ne lâentreprenaient pas. Ils se contentaient de la manifestation de lâEsprit Saint qui les assistait et de la seule puissance du Christ qui agissait avec eux et faisait des miracles. Ils annonçaient Ă lâunivers entier la connaissance du royaume des cieux sans le moindre souci dâĂ©crire des ouvrages. 4 Ils faisaient cela pour accomplir un ministĂšre sublime et au-dessus de lâhomme. Paul, le plus puissant dâailleurs dans lâart de tout discours et le plus habile dans les pensĂ©es, ne confia rien autre Ă lâĂ©criture que de fort courtes Ă©pĂźtres. Il avait pourtant ,Ă dire des choses trĂšs nombreuses et mystĂ©rieuses, puisquâil avait touchĂ© aux merveilles qui sont jusquâau troisiĂšme ciel et, ravi au paradis mĂȘme de Dieu, il avait Ă©tĂ© jugĂ© digne dâentendre lĂ des paroles ineffables. 5Ils nâĂ©taient pas aussi sans Ă©prouver les mĂȘmes choses, les disciples de notre Sauveur, les douze apĂŽtres, les soixante-dix disciples, et bien dâautres avec ceux-ci. Cependant dâeux tous, Matthieu et Jean, seuls, nous ont laissĂ© des mĂ©moires des entretiens du Seigneur ; encore ils nâen vinrent Ă les composer que poussĂ©s, dit-on, par la nĂ©cessitĂ©. 6 Matthieu prĂȘcha dâabord aux HĂ©breux. Comme il dut ensuite aller en dâautres pays, il leur donna son Ă©vangile dans sa langue maternelle ; il supplĂ©ait Ă sa prĂ©sence, auprĂšs de ceux quâil quittait, par un Ă©crit. 7 Tandis que dĂ©jĂ Marc et Luc avaient fait paraĂźtre leurs Ă©vangiles, Jean, dit-on, nâavait constamment prĂȘchĂ© que de vive voix. Enfin, il en vint Ă Ă©crire ; voici pour quel motif On raconte que lâapĂŽtre reçut les trois Ă©vangiles composĂ©s prĂ©cĂ©demment ; tous les avaient dĂ©jĂ et il les accepta, leur rendant le tĂ©moignage quâils contenaient la vĂ©ritĂ©. Seulement il manquait Ă leur rĂ©cit lâexposĂ© de ce quâavait fait le Christ tout dâabord au commencement de sa Et cette parole est vraie. On peut voir en effet que ces trois Ă©vangĂ©listes ont racontĂ© seulement les faits postĂ©rieurs Ă lâemprisonnement de Jean-Baptiste et accomplis par le Sauveur dans lâespace dâune annĂ©e. Ils le disent du reste au dĂ©but de leur narration. 9 Le jeĂ»ne de quarante jours et la tentation qui eut lieu Ă ce propos marquent le temps indiquĂ© par Matthieu. Il dit Ayant appris que Jean avait Ă©tĂ© livrĂ©, il laissa la JudĂ©e et revint en GalilĂ©e ». 10Marc dĂ©bute de mĂȘme AprĂšs que Jean eut Ă©tĂ© livrĂ©, JĂ©sus vint en GalilĂ©e ». Quant Ă Luc, avant de commencer le rĂ©cit des actions de JĂ©sus, il fait Ă peu prĂšs la mĂȘme remarque en disant quâHĂ©rode ajouta aux mĂ©faits quâil avait commis, celui de mettre Jean en prison ». 11 LâapĂŽtre Jean fut, dit-on, priĂ©, pour ce motif, de donner dans son Ă©vangile la pĂ©riode passĂ©e sous silence par les prĂ©cĂ©dents Ă©vangĂ©listes et les faits accomplis par le Sauveur en ce temps, câest-Ă -dire ce qui sâĂ©tait produit avant lâincarcĂ©ration du baptiste. Il indique cela mĂȘme, soit quand il dit Tel fut le dĂ©but des miracles que fit JĂ©sus », soit quand il fait mention de Jean, au milieu de lâhistoire de JĂ©sus, comme baptisant encore en ce moment Ă Enon, prĂšs de Salem. Il le montre clairement aussi par ces paroles Car Jean nâĂ©tait pas encore jetĂ© en prison ». 12Ainsi donc lâapĂŽtre Jean dans son Ă©vangile rapporte ce que fit le Christ quand le baptiste nâĂ©tait pas encore incarcĂ©rĂ© ; les trois autres Ă©vangĂ©listes au contraire racontent ce qui suivit son emprisonnement. 13 Quiconque remarque ces choses, ne peut plus penser que les Ă©vangĂ©listes soient en dĂ©saccord les uns avec les autres. Car lâĂ©vangile de Jean comprend lâhistoire des premiĂšres Ćuvres du Christ, les autres Ă©vangĂ©listes nous donnent le rĂ©cit de ce quâil a fait Ă la fin de sa vie. Vraisemblablement Jean a passĂ© sous silence la gĂ©nĂ©ration de notre Sauveur selon la chair, parce quâelle avait Ă©tĂ© Ă©crite auparavant par Matthieu et Luc ; il a commencĂ© par sa divinitĂ©. Cet honneur lui avait, pour ainsi dire, Ă©tĂ© rĂ©servĂ© par lâEsprit divin comme au plus digne. 14 VoilĂ ce que nous avions Ă dire sur la composition de lâĂ©vangile de Jean ; le motif qui a poussĂ© Marc Ă Ă©crire a Ă©tĂ© expliquĂ© plus haut. 15 Luc, au dĂ©but de son rĂ©cit, expose lui-mĂȘme ce qui lâa dĂ©terminĂ© Ă entreprendre son Ćuvre. Il nous dĂ©clare que beaucoup dâautres se sont mĂȘlĂ©s de raconter inconsidĂ©rĂ©ment des choses quâil a examinĂ©es Ă fond. Aussi bien, juge-t-il nĂ©cessaire de nous dĂ©barrasser des conjectures douteuses quâils enseignent, et de nous donner, en son Ă©vangile, le rĂ©cit fidĂšle des Ă©vĂ©nements dont il a acquis une connaissance certaine, dans la compagnie et la frĂ©quentation de Paul, ainsi que dans les entretiens quâil a eus avec les autres apĂŽtres. 16 VoilĂ ce que nous avons Ă dire sur ce sujet nous serons plus Ă lâaise Ă lâoccasion en citant le tĂ©moignage des anciens pour essayer de montrer ce qui a Ă©tĂ© âdit par les autres au sujet de ces Ă©vangiles. 17 Pour ce qui est des Ă©crits de Jean, en dehors de lâĂvangile, la premiĂšre de ses Ă©pĂźtres est aussi reconnue par nos contemporains et par les anciens comme hors de toute contestation ; les deux autres sont discutĂ©es. 18 LâautoritĂ© de lâApocalypse est mise en doute par beaucoup encore aujourdâhui. Mais cette question sera rĂ©solue Ă©galement en son lieu Ă lâaide du tĂ©moignage des anciens. Chapitre XXV Les Ă©critures reconnues pour tous et celles qui ne le sont pas 1 Au point oĂč nous en sommes, il semble Ă propos de capituler dans une liste les Ă©crits du Nouveau Testament dont nous avons dĂ©jĂ parlĂ©. Nous mettrons au premier rang la sainte tĂ©trade des Ăvangiles que suit le livre des Actes des Il faut y joindre les Ă©pĂźtres de Paul ; puis, la premiĂšre attribuĂ©e Ă Jean, et aussi la premiĂšre de Pierre. On ajoutera, si on le juge bon, lâApocalypse de Jean au sujet de laquelle nous exposerons en son temps les diverses opinions. 3 VoilĂ les livres reçus de tous. Ceux qui sont contestĂ©s, quoiquâun grand nombre les admettent, sont lâĂ©pĂźtre dite de Jacques, celle de Jude, la seconde de Pierre, celles quâon appelle la seconde et la troisiĂšme de Jean, quâelle soit de lâĂ©vangĂ©liste ou dâun homonyme. 4 On doit ranger entre les apocryphes les Actes de Paul, le livre quâon nomme le Pasteur, lâApocalypse de Pierre, lâĂ©pĂźtre attribuĂ©e Ă BarnabĂ©, ce quâon intitule les Enseignements des apĂŽtres et, si lâon veut, ainsi que je lâai dit plus haut, lâApocalypse de Jean que les uns, comme je lâai indiquĂ©, rejettent comme supposĂ©e et que les autres, maintiennent au nombre des Ćuvres reconnues. 5 Certains font encore entrer dans cette catĂ©gorie lâĂvangile aux HĂ©breux, dont les Juifs qui ont reçu le Christ aiment surtout Ă se servir. Tous ces livres peuvent ĂȘtre classĂ©s parmi ceux qui sont discutĂ©s. 6Nous avons cru nĂ©cessaire dâĂ©tablir le catalogue de ceux-lĂ aussi et de sĂ©parer les Ă©crits que la tradition ecclĂ©siastique a jugĂ©s vrais, authentiques et reconnus, dâavec ceux dâune autre condition, qui ne sont pas testamentaires et se trouvent contestĂ©s, bien que la plupart des Ă©crivains ecclĂ©siastiques les connaissent. Ainsi, nous pourrons discerner ces ouvrages et les distinguer de ceux que les hĂ©rĂ©tiques prĂ©sentent sous le nom des apĂŽtres, tels que les Ăvangiles de Pierre, de Thomas, de Matthias et dâautres encore, ou tels que les Actes dâAndrĂ©, de Jean et du reste, des apĂŽtres, dont aucun Ă©crivain de la tradition ecclĂ©siastique nâa jamais jugĂ© utile dâinvoquer le tĂ©moignage. 7 Le style du reste sâĂ©loigne de la maniĂšre apostolique, tandis que la pensĂ©e et lâenseignement quâils contiennent sont tout Ă fait en dĂ©saccord avec la vĂ©ritable orthodoxie. Câest lĂ une preuve manifeste quâils sont des Ă©lucubrations dâhĂ©rĂ©tiques. Il ne faut donc pas mĂȘme les ranger parmi les apocryphes ; mais les rejeter comme absolument absurdes et impies. Maintenant reprenons la suite de notre rĂ©cit. Chapitre XXVI MĂ©nandre le magicien 1 MĂ©nandre succĂ©da Ă Simon le mage. Cet autre instrument de la puissance diabolique ne se montra pas infĂ©rieur au premier. Lui aussi Ă©tait Samaritain ; aussi bien que son maĂźtre, il atteignit les sommets de la science magique et il le dĂ©passa mĂȘme dans ses prodiges. Il se disait le sauveur envoyĂ© dâen haut dĂšs les siĂšcles invisibles pour le salut des hommes. 2 Il enseignait quâon ne pouvait dĂ©passer les anges crĂ©ateurs du monde, Ă moins dâĂȘtre initiĂ© par lui Ă lâexercice de la magie et dâavoir reçu le baptĂȘme quâil confĂ©rait. Ceux qui en avaient Ă©tĂ© jugĂ©s dignes, participaient en ce monde Ă une immutabilitĂ© Ă©ternelle ; ils ne mouraient pas, ils demeuraient ici-bas sans vieillir jamais et devenaient immortels. On peut facilement, du reste, lire tout cela dans IrĂ©nĂ©e. 3Justin, traitant de Simon, parle aussi de MĂ©nandre au mĂȘme endroit et ajoute ceci Ă son sujet voyez lâAppendice . Un certain MĂ©nandre, Samaritain, lui aussi, du bourg de CaparattĂ©e, devint disciple de Simon. AiguillonnĂ© comme lui par les dĂ©mons, il alla Ă Antioche oĂč nous savons quâil sĂ©duisit beaucoup de gens par lâexercice de la magie. Il leur persuadait que ceux qui le suivaient ne mourraient pas encore aujourdâhui, il y a des gens qui le disent dâaprĂšs lui ». 4 LâactivitĂ© du dĂ©mon se servait de tels imposteurs couverts du nom des chrĂ©tiens, dans le but de dĂ©truire par la magie le grand mystĂšre de la religion et de mettre en piĂšces les dogmes de lâĂglise sur lâimmortalitĂ© de lâĂąme et la rĂ©surrection des morts. Mais ceux qui souscrivirent Ă de tels sauveurs furent dĂ©chus de la vĂ©ritable espĂ©rance. Chapitre XXVII LâhĂ©rĂ©sie des Ă©bionites 1 Le dĂ©mon malfaisant, ne rĂ©ussissant pas Ă en dĂ©tacher dâautres de lâamour du Christ de Dieu, sâempara dâeux par un cĂŽtĂ© oĂč il les trouva accessibles. Ces nouveaux hĂ©rĂ©tiques furent Ă bon droit appelĂ©s, dĂšs lâorigine, Ebionites, parce quâils avaient sur le Christ des pensĂ©es pauvres et humbles. 2 Celui-ci leur apparaissait dans leurs conceptions comme un ĂȘtre simple et vulgaire ; devenu juste par le progrĂšs de sa vertu, il nâĂ©tait quâun mortel qui devait sa naissance Ă lâunion de Marie et dâun homme. Lâobservance de la loi mosaĂŻque leur Ă©tait tout Ă fait nĂ©cessaire, parce quâils ne devaient pas ĂȘtre sauvĂ©s par la seule foi au Christ, non plus que par une vie conforme Ă cette foi. 3 Il y en avait cependant dâautres qui portaient le mĂȘme nom et qui se gardaient de la sottise de ceuxci. Ils ne niaient pas que le Seigneur fĂ»t nĂ© dâune vierge et du Saint-Esprit ; mais, comme eux, ils nâadmettaient pas sa prĂ©existence, quoiquâil fĂ»t le Verbe divin et la Sagesse, et ils revenaient ainsi Ă lâimpiĂ©tĂ© des premiers. Leur ressemblance avec les autres est surtout dans le zĂšle charnel quâils mettaient Ă accomplir les prescriptions de la loi. 4 Ils pensaient que les Ă©pĂźtres de lâapĂŽtre doivent ĂȘtre rejetĂ©es complĂštement, et ils lâappelaient un apostat de la loi. Ils ne se servaient que de lâĂvangile aux HĂ©breux et faisaient peu de cas des autres. 5 Ils gardaient le sabbat et le reste des habitudes judaĂŻques, ainsi que les autres Ăbionites ; cependant ils cĂ©lĂ©braient les dimanches Ă peu prĂšs comme nous, en mĂ©moire de la ..rĂ©surrection du Sauveur. 6 Une telle conception leur a valu le nom dâĂbionites, qui convient assez pour exprimer la pauvretĂ© de leur intelligence, puisque câest par ce terme que les HĂ©breux dĂ©signent les mendiants voyez lâAppendice. Chapitre XXVIII LâhĂ©rĂ©siarque CĂ©rinthe 1 Nous avons appris quâĂ cette Ă©poque surgit le chef dâune autre hĂ©rĂ©sie, câĂ©tait CĂ©rinthe. GaĂŻus, dont nous avons dĂ©jĂ rapportĂ© plus haut les paroles, Ă©crit ceci Ă son sujet dans sa Recherche 2 Mais CĂ©rinthe au moyen de rĂ©vĂ©lations comme celles quâĂ©crivit un grand apĂŽtre, nous prĂ©sente dâune façon mensongĂšre des rĂ©cits de choses merveilleuses qui lui auraient Ă©tĂ© montrĂ©es par les anges ; il dit quâaprĂšs la rĂ©surrection, le rĂšgne du Christ sera terrestre, que la chair revivra de nouveau Ă JĂ©rusalem et servira les passions et les voluptĂ©s. Câest un ennemi des Ăcritures divines et comme il veut tromper les hommes, il dit quâil y aura mille ans de fĂȘtes nuptiales voyez lâappendice ». 3 Denys, qui de notre temps a obtenu le siĂšge de lâĂ©glise dâAlexandrie, dans le second livre de ses Promesses, lorsquâil parle de LâApocalypse de Jean, raconte certains faits comme venant de la tradition ancienne, et fait mention du mĂȘme CĂ©rinthe en ces termes 4 CĂ©rinthe, lâauteur de lâhĂ©rĂ©sie quâon appelle corinthienne, voulut mettre son Ćuvre sous un nom digne de lui attirer du crĂ©dit. Voici en effet le principe de son enseignement le rĂšgne du Christ sera terrestre. 5 Il consistera, dâaprĂšs le rĂȘve de CĂ©rinthe, dans les choses que lui-mĂȘme dĂ©sirait, Ă©tant ami des sens et tout charnel, dans les satisfactions du ventre et de ce qui est au-dessous du ventre, câest-Ă -dire dans le boire, le manger et le plaisir charnel, et aussi dans des choses par lesquelles il pensait donner Ă ces satisfactions un aspect plus honorable, dans des fĂȘtes, des sacrifices et des immolations de victimes ». 6 VoilĂ ce quâĂ©crit Denys. IrĂ©nĂ©e, nous rapporte certaines erreurs plus secrĂštes du mĂȘme CĂ©rinthe dans son premier livre sur les HĂ©rĂ©sies. Dans le troisiĂšme, il raconte une anecdote digne dâĂȘtre citĂ©e quâil tient de Polycarpe. LâapĂŽtre Jean Ă©tait entrĂ© un jour dans des bains pour sây laver. Il apprit que CĂ©rinthe y Ă©tait ; il sâen alla prĂ©cipitamment et gagna la porte, ne supportant pas dâĂȘtre sous le mĂȘme toit que lui, et il dit ceci aux compagnons qui Ă©taient avec lui Fuyons, de peur que les bains ne sâĂ©croulent ; CĂ©rinthe sây trouve, lâennemi delĂ vĂ©ritĂ© ». Chapitre XXIX Nicolas et ceux auxquels il a donnĂ© son nom 1 En ce temps-lĂ , naquit aussi lâhĂ©rĂ©sie dite des NicolaĂŻtes, qui dura trĂšs peu et dont il est question dans lâApocalypse de Jean. Ses adeptes prĂ©tendent que Nicolas Ă©tait un des diacres, compagnons dâEtienne, choisis par les apĂŽtres pour le service des pauvres. Voici, du moins, ce que raconte de lui en propres termes ClĂ©ment dâAlexandrie au troisiĂšme livre de ses Stromates 2 Il avait, dit-on, une femme dans lâĂ©clat de sa jeunesse. AprĂšs lâascension du Sauveur, les apĂŽtres lui reprochĂšrent dâen ĂȘtre jaloux alors Nicolas lâamena et lâabandonna Ă qui la voudrait Ă©pouser. On dit que cette conduite Ă©tait en effet conforme Ă la maxime quâil faut faire peu de cas de la chair. Ceux qui adoptent son hĂ©rĂ©sie suivent, simplement, sans examen, cet exemple et ce principe, et ils se laissent aller Ă une honteuse prostitution. 3Pour moi, je crois que jamais Nicolas nâeut dâautre femme .que celle quâil avait Ă©pousĂ©e ; quant Ă ses enfants, ses filles vĂ©curent vierges et son fils garda la chastetĂ©. Les choses Ă©tant ainsi, cet abandon en prĂ©sence des apĂŽtres de sa femme, qui Ă©tait un objet de jalousie, fut un renoncement Ă la passion, et cette continence en ce qui regarde les joies les plus recherchĂ©es enseigna Ă faire peu de cas de la chair. Car il ne me semble pas quâil voulut, selon la dĂ©fense du Christ, servir deux maĂźtres », le plaisir et le Seigneur. 4 On prĂ©tend aussi que Matthias enseignait ainsi Ă combattre la chair, Ă en faire peu de cas, et Ă ne rien lui accorder qui puisse la flatter, mais Ă grandir plutĂŽt son Ăąme par la foi et la science ». VoilĂ ce qui concerne ceux qui ont essayĂ©, en ces temps-lĂ , de fausser la vĂ©ritĂ©. Ils ont complĂštement disparu, plus vite quâon ne peut le dire. Chapitre XXX Les apĂŽtres qui vĂ©curent dans le mariage 1 Cependant ClĂ©ment, dont nous venons de citer les paroles, donne immĂ©diatement aprĂšs, au sujet de ceux qui condamnent les noces, les noms des apĂŽtres qui vĂ©curent dans le mariage, et il dit Est-ce quâils rĂ©prouveront mĂȘme les apĂŽtres ? car Pierre et Philippe eurent des enfants ; celui-ci mĂȘme maria ses filles et Paul nâhĂ©site pas dans une Ă©pĂźtre Ă saluer sa femme ; il ne lâа pas emmenĂ©e avec lui pour ne pas ĂȘtre gĂȘnĂ© dans son ministĂšre ». 2 Puisque nous rappelons ces choses, il ne sera pas sans intĂ©rĂȘt de rapporter du mĂȘme Ă©crivain une anecdote digne dâĂȘtre contĂ©e. Il lâexpose ainsi, au septiĂšme livre des Stromates On dit que le bienheureux Pierre voyant conduire sa femme au supplice, se rĂ©jouit de sa vocation et de son retour dans la demeure ; il lâencourageait et la consolait de toutes ses forces, lâappelant par son nom Ă toi, lui disait-il, souviens-toi du Seigneur ». VoilĂ ce quâĂ©taient les mariages des saints et les sentiments exquis de ceux qui sâaimaient tant voyez lâAppendice ». Ce rĂ©cit Ă©tait assorti Ă mon dessein prĂ©sent ; voilĂ pourquoi je lâai placĂ© ici. Chapitre XXXI Mort de Jean et de Philippe 1 Nous avons jusquâici indiquĂ© le temps et le genre de la mort de Paul et de Pierre, comme aussi le lieu oĂč leurs corps ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s, aprĂšs leur trĂ©pas. 2 Nous avons dit aussi lâĂ©poque de la mort de Jean. Quant Ă lâendroit de sa sĂ©pulture, il est indiquĂ© dans la lettre que Polycrate celui-ci Ă©tait Ă©vĂȘque de lâĂ©glise dâĂphĂšse Ă©crivit Ă Victor, Ă©vĂȘque des Romains. Il y est Ă©galement question de Philippe et de ses filles en ces termes 3 De grands astres, dit-il, se sont couchĂ©s en Asie, qui se lĂšveront au dernier jour, lors de la venue du Sauveur, quand il viendra du ciel avec gloire pour chercher tous les saints, Philippe, lâun des douze apĂŽtres, qui repose Ă HiĂ©rapolis, ainsi que deux de ses filles, qui ont vieilli dans la virginitĂ©, et, lâautre qui, aprĂšs avoir vĂ©cu dans le Saint-Esprit, a Ă©tĂ© ensevelie Ă ĂphĂšse Jean lui aussi, lâapĂŽtre qui a dormi sur la poitrine du Sauveur, qui, prĂȘtre, a portĂ© la lame dâor, a Ă©tĂ© martyr et docteur et a son tombeau Ă ĂphĂšse ». VoilĂ ce qui concerne la mort de ces personnages 4 Dans le dialogue de GaĂŻus dont nous avons parlĂ© un peu plus haut, Proclus, contre qui la discussion est dirigĂ©e, est Ă©galement de notre avis pour ce que nous venons de rapporter de la mort de Philippe et de ses filles. 11 parle ainsi AprĂšs celui-ci, il y eut Ă HiĂ©rapolis ; en Asie quatre prophĂ©tesses, les filles de Philippe ; leur tombeau est lĂ , ainsi que celui de leur pĂšre ». VoilĂ ce quâil dit. 5 Luc, dâautre part, dans les Acte des apĂŽtres, nous rappelle que les filles de Philippe vivaient alors Ă CĂ©sarĂ©e de JudĂ©e avec leur pĂšre et quâelles avaient le don de prophĂ©tie. Il dit en propres termes Nous sommes venus Ă CĂ©sarĂ©e et nous sommes entrĂ©s dans la maison de Philippe lâĂ©vangĂ©liste, qui Ă©tait un des sept. Nous sommes restĂ©s chez lui. Il avait quatre filles vierges qui prophĂ©tisaient ». 6 Ce qui est venu Ă notre connaissance concernant les apĂŽtres, leurs temps et les saints Ă©crits quâils nous ont laissĂ©s, ceux qui sont contestĂ©s, quoique beaucoup les lisent publiquement dans un grand nombre dâĂ©glises, ceux qui sont tout Ă fait apocryphes et Ă©trangers Ă lâorthodoxie apostolique, voilĂ ce que nous avons exposĂ© en ce qui prĂ©cĂšde. Il faut maintenant continuer notre rĂ©cit. Chapitre XXXII Comment SimĂ©on, Ă©vĂȘque de JĂ©rusalem, rendit tĂ©moignage 1 AprĂšs NĂ©ron et Domitien, sous le prince dont nous examinons actuellement lâĂ©poque, on raconte que, partiellement et dans certaines villes, le soulĂšvement des populations excita contre nous une persĂ©cution. Câest alors que SimĂ©on, fils de Clopas, dont nous avons dit quâil Ă©tait le second Ă©vĂȘque de JĂ©rusalem, couronna sa vie par le martyre, comme nous lâavons appris. 2Ce fait nous est garanti par le tĂ©moignage dâHĂ©gĂ©sippe, auquel nous avons dĂ©jĂ empruntĂ© maintes citations. Parlant de divers hĂ©rĂ©tiques, il ajoute quâĂ cette Ă©poque SimĂ©on eut alors Ă subir une accusation venant dâeux ; on le tourmenta pendant plusieurs jours parce quâil Ă©tait chrĂ©tien ; il Ă©tonna absolument le juge et ceux qui lâentouraient ; enfin, il souffrit le supplice quâavait endurĂ© le Sauveur. 3 Mais rien ne vaut comme dâentendre lâĂ©crivain dans les termes dont il sâest servi et que voici Câest Ă©videmment quelques-uns de ces hĂ©rĂ©tiques qui accusĂšrent SimĂ©on, fils de Glopas dâĂȘtre descendant de David et chrĂ©tien ; il subit ainsi le martyre Ă cent vingt ans sous le rĂšgne de Trajan et le consulaire Atticus ». 4 Le mĂȘme auteur dit encore quâil arriva Ă ses accusateurs dans la recherche quâon fĂźt des rejetons de la race royale des Juifs, dâĂȘtre mis Ă mort comme appartenant Ă cette tribu. SimĂ©on, on peut lâinfĂ©rer Ă bon droit, est lui aussi un des tĂ©moins qui ont vu et entendu le Seigneur ; on en a la preuve dans sa longĂ©vitĂ© et dans le souvenir que lâĂvangile consacre Ă Marie, femme de Clopas, qui fut sa âmĂšre comme nous lâavons dit plus haut. 5 Le mĂȘme auteur nous apprend encore que dâautres descendants de Jude, lâun de ceux quâon disait frĂšres du Seigneur, vĂ©curent jusquâau temps du mĂȘme rĂšgne de Trajan, aprĂšs avoir, sous Domitien, rendu tĂ©moignage Ă la foi chrĂ©tienne ainsi que nous lâavons dĂ©jĂ notĂ©. Voici ce que nous raconte cet Ă©crivain 6 Ils vont donc servant de guides Ă chaque Ă©glise en qualitĂ© de martyrs et de parents du Seigneur. GrĂące Ă la paix profonde dont lâĂ©glise entiĂšre jouissait alors, ils vivent jusquâĂ Trajan. Sous le rĂšgne de ce prince, SimĂ©on, dont il a Ă©tĂ© question plus haut, fils de Clopas, lâoncle du Seigneur, dĂ©noncĂ© par des hĂ©rĂ©tiques, fut lui aussi jugĂ© comme eux sous le consulaire Atticus, pour le mĂȘme motif. Ses tortures durĂšrent de longs jours et il rendit tĂ©moignage de sa foi de façon Ă Ă©tonner tout le monde et le consulaire lui-mĂȘme, qui Ă©tait surpris de voir une telle patience Ă un vieillard de cent vingt ans. Il fut condamnĂ© Ă ĂȘtre crucifiĂ© ». 7 AprĂšs cela le mĂȘme HĂ©gĂ©sippe poursuivant le rĂ©cit des temps dont nous parlons, ajoute que jusquâĂ cette Ă©poque lâĂ©glise demeura semblable Ă une vierge pure et sans souillure câĂ©tait dans lâombre tĂ©nĂ©breuse et comme dans une taniĂšre que travaillaient alors, quand il sâen trouvait, ceux qui essayaient dâaltĂ©rer la rĂšgle intacte de la prĂ©dication du Sauveur. 8 Mais lorsque le chĆur sacrĂ© des apĂŽtres eut succombĂ© Ă divers genres de mort et quâeut disparu la gĂ©nĂ©ration de ceux qui avaient Ă©tĂ© jugĂ©s dignes dâentendre de leurs oreilles la Sagesse divine, alors lâerreur impie reçut un commencement dâorganisation par la tromperie de ceux qui enseignaient une autre doctrine. Ceux-ci, voyant quâil ne restait plus aucun apĂŽtre, jetĂšrent le masque et se mirent Ă opposer une science qui porte un nom mensonger Ă la prĂ©dication de la vĂ©ritĂ©. Chapitre XXXIII Comment Trajan dĂ©fendit de rechercher les chrĂ©tiens 1 La persĂ©cution sĂ©vissait cependant en beaucoup dâendroits contre nous et avec une si grande vigueur que Pli ne le Jeune, trĂšs illustre parmi les gouverneurs, Ă©tonnĂ© de la multitude des martyrs, Ă©crivit Ă lâempereur. Il lui dit le nombre de ceux qui Ă©taient mis Ă mort pour la foi ; il lâinforma en mĂȘme temps quâil nâavait rien surpris en eux qui fĂ»t criminel ou contraire aux lois. Ils se levaient avec lâaurore pour chanter des hymnes au Christ, comme Ă un Dieu ; mais lâadultĂšre, le meurtre et autres crimes de ce genre Ă©taient repoussĂ©s par eux ; leur conduite Ă©tait entiĂšrement conforme aux lois. 2Comme rĂ©ponse, Trajan Ă©tablit un dĂ©cret portant quâil ne fallait pas rechercher la tribu des chrĂ©tiens, mais la punir quand on la trouvait. Câest ainsi, en quelque sorte, que la menace de la persĂ©cution, qui Ă©tait si forte, sâĂ©teignit. Il restait cependant encore bien des prĂ©textes et non des moindres Ă ceux qui nous voulaient du mal. Soit quâelles fussent causĂ©es par les populations, soit quâelles fussent lâĆuvre des fonctionnaires locaux qui nous dressaient des embĂ»ches, les persĂ©cutions partielles se rallumĂšrent dans les provinces, malgrĂ© lâabsence de poursuites officielles ; et beaucoup de fidĂšles endurĂšrent des martyres variĂ©s. 3 Ceci est empruntĂ© Ă lâApologie latine de Tertullien, dont nous avons parlĂ© plus haut. Voici la traduction du passage en question Cependant nous avons trouvĂ© quâon a dĂ©fendu de nous rechercher. Pline le Jeune, gouverneur dâune province, aprĂšs avoir condamnĂ© quelques chrĂ©tiens et leur avoir retirĂ© leurs dignitĂ©s, troublĂ© Ă la vue de leur nombre, ne sut plus que faire. Il Ă©crivit Ă lâempereur Trajan quâen dehors du refus dâadorer les idoles, il ne voyait rien de Criminel en eux. Il ajoutait que les chrĂ©tiens se levaient dĂšs lâaurore, cĂ©lĂ©braient dans leurs chants le Christ comme un Dieu, que leur enseignement leur dĂ©fendait de tuer, de commettre lâadultĂšre, de se permettre lâinjustice, le vol et autres choses semblables. Trajan rĂ©pondit quâil ne fallait pas rechercher la tribu des chrĂ©tiens, mais la punir si on la rencontrait ». Et telle Ă©tait de fait la ligne de conduite. Chapitre XXXIV Ăvariste est le quatriĂšme chef de lâĂ©glise des romains 1 Pour ce qui est des Ă©vĂȘques de Rome, la troisiĂšme annĂ©e du rĂšgne de lâempereur dĂ©signĂ© plus haut 100 , ClĂ©ment, termina sa vie, laissant sa charge Ă Ăvariste. Il avait en tout prĂ©sidĂ© neuf ans Ă lâenseignement de la parole divine. Chapitre XXXV Le troisiĂšme Ă©vĂȘque de JĂ©rusalem est Juste 1 Cependant, SimĂ©on mort, lui aussi, de la façon que nous avons dite, un Juif, du nom de Juste, reçut le siĂšge de lâĂ©glise de JĂ©rusalem. Ceux de la circoncision qui croyaient au Christ Ă©taient alors trĂšs nombreux ; il Ă©tait lâun dâentre eux. Chapitre XXXVI Ignace et ses Ă©pĂźtres 1 Ă cette Ă©poque, florissait en Asie Polycarpe, compagnon des apĂŽtres. Il avait Ă©tĂ© Ă©tabli Ă©vĂȘque de lâĂglise de Smyrne par ceux qui avaient vu et servi le Sauveur. 2En ce temps, Papias, lui aussi Ă©vĂȘque dâHiĂ©rapolis, Ă©tait en rĂ©putation, ainsi quâIgnace, maintenant encore si connu. Celui-ci avait obtenu au second rang la succession de Pierre dans lâĂ©glise dâAntioche. 3On raconte quâil fut envoyĂ© de Syrie Ă Rome pour ĂȘtre exposĂ© aux bĂȘtes Ă cause de son tĂ©moignage en faveur du Christ. 4II fit ce voyage Ă travers lâAsie, sous la plus Ă©troite surveillance de ses gardes. Dans les villes oĂč il passait, il affermissait les Ă©glises par ses entretiens et ses exhortations. Il les engageait avant tout Ă se prĂ©munir contre les hĂ©rĂ©sies, qui justement alors commençaient Ă abonder ; il les pressait de tenir fermement Ă la tradition des apĂŽtres et, pour plus de sĂ©curitĂ©, il jugea nĂ©cessaire de la fixer par Ă©crit il Ă©tait dĂ©jĂ martyr. 5Se trouvant ainsi Ă Smyrne oĂč Ă©tait Polycarpe, il adressa une lettre Ă lâĂ©glise dâĂphĂšse oĂč il fait mention dâOnĂ©sime, son pasteur. Il en envoya une autre Ă lâĂglise de MagnĂ©sie sur le MĂ©andre, oĂč il parle Ă©galement de lâEvĂȘque Damos ; une autre Ă celle de Tralles, dont il dit que Polybe Ă©tait alors Ă©vĂȘque. 6II Ă©crivit en outre Ă lâĂ©glise de Rome pour conjurer instamment quâon ne fĂźt pas de dĂ©marches en vue de le priver du martyre qui Ă©tait son dĂ©sir et son espĂ©rance. Il est bon de citer quelques courts passages de ces Ă©pĂźtres pour confirmer ce que nous avançons. Voici donc ce quâil dit en propres termes 7 Depuis la Syrie jusquâĂ Rome, jâai Ă lutter avec les bĂȘtes sur terre et sur mer, la nuit et le jour je suis attachĂ© Ă dix lĂ©opards, qui sont les soldats de mon escorte. Quand je leur fais du bien, ils deviennent pires Ă leurs injustices, je deviens de plus en plus disciple, mais je nâen suis pas pour cela justifiĂ©. 8Du moins que je puisse jouir des bĂȘtes qui me sont prĂ©parĂ©es je prie afin de les trouver le plus tĂŽt possible. Je les caresserai afin quâelles me dĂ©vorent rapidement, et quâelles ne me fassent comme Ă certains, quâelles ont eu peur de toucher ; si elles sây refusent, je les y forcerai. 9 Pardonnez-moi ; mais je sais ce quâil me faut, et voici que je commence Ă ĂȘtre un disciple. Que les choses visibles ou invisibles nâoccupent plus mon dĂ©sir, afin que jâobtienne JĂ©sus-Christ. Feu, croix, attaque des bĂȘtes, rupture des os, sĂ©paration des membres, broiement de tout le corps, supplices du diable, que tout cela vienne sur moi, pourvu seulement que jâobtienne JĂ©sus-Christ ». 10 VoilĂ ce quâil adressait de la ville dont nous avons parlĂ© aux Ă©glises que nous avons Ă©numĂ©rĂ©es. Ătant dĂ©jĂ loin de Smyrne, il Ă©crivit de nouveau de Troade aux chrĂ©tiens de Philadelphie, ainsi quâĂ lâĂ©glise de Smyrne et en particulier Ă Polycarpe, son Ă©vĂȘque. Il le savait tout Ă fait homme apostolique, et il lui confiait, comme Ă un vrai et bon pasteur, son troupeau dâAntioche, dans la pensĂ©e quâil en aurait un soin diligent. 11 Sâadressant aux Smyrniens, il se sert de paroles empruntĂ©es je ne sais oĂč, en disant ce qui suit du Christ Je sais et je crois quâaprĂšs sa rĂ©surrection il existe dans sa chair. El lorsquâil vint auprĂšs des compagnons de Pierre, il leur dit Prenez, touchez-moi, et voyez que je ne suis pas un esprit qui nâa point de corps ». Ils le touchĂšrent aussitĂŽt et ils crurent ». 12 IrĂ©nĂ©e connut lui aussi le martyre dâIgnace et il parle de ses lettres en ces termes Comme dit un des nĂŽtres, condamnĂ© aux bĂȘles pour le tĂ©moignage rendu Ă Dieu Je suis le froment de Dieu et je serai moulu par la dent des bĂȘtes, afin de devenir un pain sans tache ». 13 Polycarpe aussi mentionne les mĂȘmes choses dans la lettre aux Philippiens quâon a de lui. Il dit en propres termes Je vous exhorte tous Ă obĂ©ir et Ă vous exercer Ă cette indĂ©fectible patience que vous avez pu contempler de vos yeux, non seulement dans les bienheureux Ignace. Rufus et Zosime, mais encore en dâautres qui sont des vĂŽtres, et en Paul lui-mĂȘme et dans le reste des apĂŽtres. Soyez convaincus que tous ceux-lĂ nâont pas couru en vain, mais dans la foi et la justice, et quâils sont Ă la place qui leur revenait de droit auprĂšs du Seigneur, pour lequel ils ont souffert. Car ils nâont pas aimĂ© ce siĂšcle, mais celui qui est mort pour nous, et que Dieu a ressuscitĂ© Ă cause de nous ». 14 Et il ajoute ensuite Vous aussi mâavez Ă©crit, ainsi quâIgnace, afin que si quelquâun va en Syrie, il porte vos lettres. Jâen aurai soin, si lâoccasion favorable se prĂ©sente, soit que jây aille moi-mĂȘme ou que jâenvoie quelquâun qui sera votre messager. 15Quant aux Ă©pĂźtres quâIgnace nous avait adressĂ©es et toutes celles que nous avions chez nous, nous vous les avons envoyĂ©es, comme vous lâavez demandĂ© ; elles sont avec cette lettre. Vous pourrez en recueillir un grand profit ; vous y trouverez foi, patience et toute Ă©dification qui se rapporte Ă notre Seigneur ». VoilĂ ce que jâavais Ă dire dâIgnace, HĂ©ros lui succĂ©da comme Ă©vĂȘque dâAntioche. Chapitre XXXVII Les Ă©vangĂ©listes qui se distinguaient alors 1 Parmi ceux qui florissaient en ce temps Ă©tait Quadratus. On dit quâil fut honorĂ© ainsi que les filles de Philippe du don de prophĂ©tie. Beaucoup dâautres aussi furent alors cĂ©lĂšbres ils avaient le premier rang dans la succession des apĂŽtres. Disciples merveilleux de tels maĂźtres, ils bĂątissaient sur les fondements des Ă©glises, que ceux-ci avaient Ă©tablis en chaque pays ; ils dĂ©veloppaient et Ă©tendaient la prĂ©dication de lâĂ©vangile et ils rĂ©pandaient au loin par toute la terre les germes sauveurs du royaume des cieux. 2Beaucoup en effet des disciples dâalors sentaient leur Ăąme touchĂ©e par le Verbe divin, dâun violent amour pour la philosophie. Ils commençaient par accomplir le conseil du Sauveur. Ils distribuaient leurs biens aux pauvres. Puis, ils quittaient leur patrie et allaient remplir la mission dâĂ©vangĂ©listes. Ă ceux qui nâavaient encore rien entendu de lâenseignement de la foi, ils allaient Ă lâenvi prĂȘcher et transmettre le livre des divins Ă©vangiles. 3 Ils se contentaient de jeter les bases de la foi chez les peuples Ă©trangers, y Ă©tablissaient des pasteurs et leur abandonnaient le soin de ceux quâils venaient dâamener Ă croire. Ensuite, ils partatent vers dâautres contrĂ©es et dâautres nations avec la grĂące et le secours de Dieu ; car les nombreuses et merveilleuses puissances de lâEsprit divin agissaient en eux encore en ce temps. Aussi dĂšs la premiĂšre nouvelle, les foules se groupaient et recevaient avec empressement dans lâĂąme la religion du crĂ©ateur de lâunivers. 4 Il nous est impossible dâĂ©numĂ©rer et de citer par leur nom tous ceux qui, lors de la premiĂšre succession des apĂŽtres, devinrent les pasteurs ou les Ă©vangĂ©listes des diverses Ă©glises du monde. Nous ne pouvons guĂšre mentionner et transcrire ici que les noms de ceux qui ont transmis jusquâĂ nous dans leurs mĂ©moires la tradition de lâenseignement apostolique. Chapitre XXXVIII LâĂ©pĂźtre de ClĂ©ment et celles qui lui sont faussement attribuĂ©es 1 Tels sont, par exemple, Ignace, dans les lettres que nous avons Ă©numĂ©rĂ©es, et encore ClĂ©ment, dans celle dont lâauthenticitĂ© est reconnue de tous et quâil a rĂ©digĂ©e pour lâĂglise de Corinthe au nom de celle de Rome. Lâauteur y fait beaucoup dâemprunts Ă lâEpĂźtre aux HĂ©breux, soit pour les pensĂ©es, soit mĂȘme pour certaines expressions quâil rapporte textuellement ; il y montre avec Ă©vidence que ce dernier Ă©crit nâĂ©tait pas nouveau. 2 Câest donc Ă bon droit quâil a Ă©tĂ© rangĂ© parmi les autres Ćuvres de lâapĂŽtre. Paul, dit-on, sâĂ©tait adressĂ© aux HĂ©breux dans leur langue maternelle. Sa lettre fut traduite par lâĂ©vangĂ©liste Luc, selon les uns, et, selon les autres, par ClĂ©ment. 3Des deux hypothĂšses celle-ci semblerait plutĂŽt ĂȘtre la vraie. Dâune part, lâĂ©pĂźtre de ClĂ©ment et lâĂ©pĂźtre aux HĂ©breux conservent la mĂȘme allure de style ; et, dâautre part, les pensĂ©es dans les deux Ă©crits ont une parentĂ© qui nâest pas Il ne faut pas ignorer quâon attribue encore une seconde Ă©pĂźtre Ă ClĂ©ment ; mais nous savons quâelle nâa pas Ă©tĂ© aussi connue que la premiĂšre, puisque nous ne voyons pas que les anciens sâen soient servis. 5Dâautres Ă©crits verbeux et longs ont Ă©tĂ© tout rĂ©cemment prĂ©sentĂ©s sous son nom. Ils contiennent des discours de Pierre et dâApion, dont on ne trouve absolument nulle mention chez les anciens. Ils nâont du reste pas la vraie marque de lâorthodoxie apostolique. VoilĂ clairement ce qui concerne lâĆuvre de ClĂ©ment qui est reconnue comme authentique ; il a Ă©tĂ© parlĂ© Ă©galement des Ă©crits dâIgnace et de Polycarpe. Chapitre XXXIX Les Ă©crits de Papias 1 On montre de Papias cinq livres qui ont pour titre Explication des sentences du Seigneur. IrĂ©nĂ©e en fait mention comme des seuls quâil ait Ă©crits Papias, dit-il, disciple de Jean, familier de Polycarpe, homme antique, lâatteste par Ă©crit dans son quatriĂšme livre ; car il en a composĂ© cinq ». Telles sont les paroles dâIrĂ©nĂ©e. 2 Cependant Papias, dans la prĂ©face de son ouvrage, ne paraĂźt nullement avoir entendu ni vu les saints apĂŽtres ; mais il apprend quâil a reçu les leçons de la foi de ceux qui les avaient connus, et voici les termes dont il se sert 3 Pour toi, je nâhĂ©siterai pas Ă ajouter ce que jâai appris des presbytres et dont jâai fort bien conservĂ© le souvenir, pour confirmer la vĂ©ritĂ© de mes explications. Car ce nâĂ©tait pas auprĂšs des beaux parleurs que je me plaisais, comme le font la plupart, mais auprĂšs de ceux qui enseignaient le vrai ; je nâaimais pas ceux qui rapportaient des prĂ©ceptes Ă©trangers, mais ceux qui transmettaient les commandements imposĂ©s par le Seigneur Ă notre foi et nĂ©s de la vĂ©ritĂ© elle-mĂȘme. 4Quand quelque part, je rencontrais ceux qui avaient Ă©tĂ© dans la compagnie des presbytres, je cherchais Ă savoir les propos des presbytres ; ce quâavait dit AndrĂ© ou Pierre ou Philippe ou Thomas ou Jacques ou Jean ou Matthieu ou quelquâautre des disciples du Seigneur ; ce que disaient Aristion et Jean le presbytre, disciples du Seigneur. Je ne croyais pas que ce quâil y a dans les livres me fĂ»t aussi profitable que dâentendre les choses exprimĂ©es par une parole demeurĂ©e vivante ». 5 Il est bon de remarquer que Papias mentionna deux personnages appelĂ©s Jean. Il place le premier avec Pierre, Jacques, Matthieu et le reste des ApĂŽtres ; câest clairement lâĂ©vangĂ©liste quâil indique. Il introduit ensuite une distinction dans son Ă©numĂ©ration et range le second Jean parmi dâautres qui sont en dehors du nombre des ApĂŽtres ; il le place aprĂšs Aristion et le dĂ©signe positivement sous le nom de Ainsi se trouverait confirmĂ©e lâassertion de ceux qui affirment quâil y aurait eu deux hommes de ce nom en Asie et quâil existe aussi Ă ĂphĂšse deux tombeaux portant encore maintenant le nom de Jean. Il est indispensable de faire attention Ă ceci ; car, si lâon refuse de lâadmettre du premier, il serait vraisemblable que ce soit le second qui ait contemplĂ© la rĂ©vĂ©lation attribuĂ©e Ă Jean. 7 Papias, dont il est question actuellement, reconnaĂźt donc avoir reçu la doctrine des apĂŽtres par ceux qui les ont frĂ©quentĂ©s. Dâautre part, il dit avoir Ă©tĂ© lâauditeur direct dâAristion et de Jean le presbytre il cite en. effet souvent leurs noms dans ses Ă©crits et il y rapporte ce quâils ont transmis. 8 Il nâĂ©tait pas hors de propos de rapporter ceci, non plus quâĂ ses dires exposĂ©s plus haut, dâen ajouter dâautres encore dans lesquels lâauteur nous apprend certaines choses miraculeuses qui lui seraient venues de la tradition. 98 Il a dĂ©jĂ Ă©tĂ© Ă©tabli antĂ©rieurement que lâapĂŽtre Philippe et ses filles avaient sĂ©journĂ© Ă HiĂ©rapolis. Il faut maintenant indiquer comment Papias, qui vivait en ces mĂȘmes temps, nous dit avoir entendu dâelles une histoire merveilleuse. Il raconte la rĂ©surrection dâun mort, arrivĂ©e Ă cette Ă©poque-lĂ ; puis, un autre miracle concernant Juste surnommĂ© Barsabas, qui but un poison mortel et par la grĂące du Seigneur nâen Ă©prouva aucun mal. 10Ce Juste est celui quâaprĂšs lâascension du sauveur, les saints ApĂŽtres avaient prĂ©sentĂ© avec Matthias, aprĂšs avoir priĂ©, pour que le sort dĂ©signĂąt lequel des deux devait, Ă la place de Judas, complĂ©ter leur nombre. Le livre des Actes relate ainsi le fait Ils prĂ©sentĂšrent deux hommes, Joseph appelĂ© Barsabas, surnommĂ© Juste, et Matthias, et ils priĂšrent en ces termes.. ». 11 Le mĂȘme Papias ajoute dâautres Ă©lĂ©ments qui lui seraient venus, dit-il, par une tradition orale, telles que certaines paraboles Ă©tranges et certains enseignements du sauveur ainsi que dâautres rĂ©cits tout Ă fait fabuleux. 12II dit, notamment, quâil y aura mille ans aprĂšs la rĂ©surrection des morts, que le rĂšgne du Christ sera matĂ©riel et aura lieu sur la terre. Je pense que cette conception vient de ce quâil a mal compris les rĂ©cits des apĂŽtres et nâa pas vu quâils se servaient de figures et sâexprimaient dans un langage symbolique. 13 Il paraĂźt avoir Ă©tĂ© du reste dâun esprit fort mĂ©diocre, comme on peut le conjecturer dâaprĂšs ses Ă©crits. Cependant il fut cause quâun trĂšs grand nombre dâauteurs ecclĂ©siastiques aprĂšs lui adoptĂšrent le mĂȘme avis que lui ; son antiquitĂ© leur Ă©tait une garantie. Câest ainsi quâIrĂ©nĂ©e et quelques autres ont embrassĂ© son sentiment. 14 Dans son ouvrage, il nous donne encore dâautres rĂ©cits dâAristion dont nous avons parlĂ© plus haut, sur les discours du Seigneur, ainsi que des traditions de Jean le presbytre auxquelles nous renvoyons les lecteurs dĂ©sireux de sâinstruire. Pour le moment, il est utile que nous ajoutions Ă tout ce que nous avons rapportĂ© de lui la tradition quâil nous transmet au sujet de Marc qui a Ă©crit lâĂ©vangile, voici en quels termes. 15 Et le presbytre disait ceci Marc, Ă©tant lâinterprĂšte de Pierre, Ă©crivit exactement, mais sans ordre, tout ce quâil se rappelait des paroles ou des actions du Christ ; car il nâa ni entendu ni accompagnĂ© le Sauveur. Plus tard, ainsi que je lâai rappelĂ©, il a suivi Pierre. Or celui-ci donnait son enseignement selon les besoins et sans nul souci dâĂ©tablir une liaison entre les sentences du Seigneur. Marc ne se trompe donc pas en Ă©crivant selon quâil se souvient ; il nâa eu quâun souci, ne rien laisser de ce quâil avait entendu et ne rien dire de mensonger ». VoilĂ ce que Papias raconte de Marc. 16Il dit dâautre part ceci de Matthieu Matthieu rĂ©unit les sentences de JĂ©sus en langue hĂ©braĂŻque et chacun les traduisit comme il put ». 17 Papias se sert de tĂ©moignages tirĂ©s de la premiĂšre Ă©pĂźtre de Jean et de la premiĂšre de Pierre. Il raconte encore une autre histoire, au sujet de la femme accusĂ©e de beaucoup de pĂ©chĂ©s devant le Sauveur que renferme lâĂvangile aux HĂ©breux. Cela, ajoutĂ© Ă ce que nous avons exposĂ©, nâa pas Ă©tĂ© marquĂ© sans utilitĂ©. LIVRE III iii. Sur ce chapitre, voy. A. Loisy, Hist. du canon du nouveau Testament Paris, 1891, p. 156. iv, 8 áŒÏÎŻ ᜰ Îαλλία, variante du texte de saint Paul, oĂč on lit aussi Δጰ ÎÎ±Î»Î±ÎŻÎ±Îœ, ce quâa rĂ©tabli le traducteur syriaque dâaprĂšs sa version du Nouveau Testament. En tout cas, lâidĂ©e de faire de ce Crescent un Ă©vĂȘque de Vienne nâest pas plus vieille que le milieu du ixe siĂšcle ; voy. L. Duchesne, Origines chrĂ©tiennes, p. 449; Fastes Ă©piscopaux de la Gaule, t. I, p. 151 suiv. v, 3 Î ÎλλαΜ renseignement dĂ» Ă EusĂšbe exclusivement ; voy. les ouvrages citĂ©s sur I, vÎčÎč, 14. vi, 18 áŒÎșÏΜÎÎżÎœÎ± ER, syr., Rufin, JosĂšphe ; áŒÎșÏΜÎÎżÎœÎ± AÎDMT. â 27 áœĄ ÏαÏâαᜠBDERT, áœĄ ÏαÏâ αáœÎżáżŠ Î, ᜄÏÎ”Ï Î±áœ M; tamquam si ipse id perpetrasset, Rufin et syr. Les mss. de JosĂšphe ont áœĄ ÏαÏâ et ᜄÏΔÏ. Ătant donnĂ© lâemploi frĂ©quent de ÏαÏÎŹ chez ces auteurs, il nây a pas une grande diffĂ©rence de sens. viÎčÎč, 6 áŒÎžÏα mss., Ecl. proph., Jos., áŒÎžÏα λΔγοÏη Dem. ; qui parla soudain áŒÎžÏ », syr. ; subitas dicentes Rufin. â 8 ÏÏ᜞ Îżáœș ÏαÏΜα mss., syr., lat. ; ÏÏ᜞ Îżáœș ÏαÏÎżÎœÎ± Î, Jos. â 9 ᜞Μ ÏαÏᜰ áżŹÎŒÎ±ÎŻÎżÎč áżŹÎŒÎ±ÎŻÎœ Î Jos. áŒÏαÏÏÎżÎœ alors Lucceius Albinus, procurateur de 62 Ă 64. ix, 1 ÎÎ±ÎžÎŻÎżÏ BER syr.. ÎÎ±Î±ÎžÎŻÎżÏ , ADMT ; les mss. de JosĂšphe sont partagĂ©s ; ceux de Rufin ont Matthei de premiĂšre main. â Sur JosĂšphe, voy. Shuerer, Gesch. des jĂŒd. Volkes, t. I, p. 74 suiv. x, 2 ᜎΜ áż áŒÎœÎžÏÏÎżÎłÎżÎœÎŻÎ± ÏαÏÎŹÎŽÎżÎčΜ ᜎΜ áŒÏâ áŒÎœÎžÏÏÎżÎłÎżÎœÎŻÎ± Ï., JosĂšphe ; áŒÏâ est le seul texte possible. De mĂȘme, dans 3 ÎŒÎÏÏÎč áż áŒÏαΟÎÏÎŸÎżÏ , áż nĂ©gligĂ© par le syr. et Rufin est interpolĂ©. â 6. Le ΠΔÏ᜶ αáœÎżÎșÏÎŹÎżÏÎż λογÎčÎŒÎżáżŠ nâest pas de JosĂšphe, mais dâun autre Ă©crivain du mĂȘme temps. Il est quelquefois comptĂ© comme quatriĂšme livre des MacchabĂ©es. Voy. Shuerer, l. c, t. III, p. 393 suiv. â 8. La biographie de JosĂšphe est un appendice des AntiquitĂ©s voy. Shuerer, l. c, t. I, p. 86 suiv. â Sur Juste de TibĂ©riade, voy. ib. t. I, p. 58. â 10. JosĂšphe, Contre Apion, I, 51, mentionne ces parents dâAgrippa Il Julius ArchĂ©laus, son beau-frĂšre, et un HĂ©rode, qui ne peut ĂȘtre lâoncle et beau-frĂšre dâAgrippa II, HĂ©rode de Chalcis, mort en 48 dâaprĂšs la ÎĄrosopographia imperii romani, t. II, p. 142-143, peut-ĂȘtre un fils dâAristobule et de SalomĂ©, par consĂ©quent un petit-fils dâHĂ©rode de Chalcis. xii Ce chapitre, au discours indirect, paraĂźt provenir dâHĂ©gĂ©sippe, mentionnĂ© Ă la fin du chap. xi. xiii. Nous donnons, dans le texte grec, la disposition que M. Schwartz a prĂ©fĂ©rĂ©e ; dans la traduction, la division en chapitres qui sert de base aux rĂ©fĂ©rences. Il suit delĂ que le chapitre ÎÎłâ du grec nâa pas de texte correspondant. Dâailleurs les mss. trahissent un grand dĂ©sordre dans la division du texte. La cause en est facile Ă dĂ©couvrir. Notre chapitre xiv,sur Avilius, a Ă©tĂ© transposĂ© avec le chapitre xiii. La transposition est ancienne, puisquâelle paraĂźt antĂ©rieure Ă la traduction syriaque et Ă Rufin. Mais elle est dĂ©noncĂ©e par le sommaire des chapitres, qui indique avec les titres la suite des sujets. Le traducteur syriaque avait dĂ©jĂ remarquĂ© la difficultĂ© et pour retrouver le compte des chapitres, il avait placĂ© le titre xiv Anaclet en tĂȘte du chapitre xv, coupant en deux la phrase devant áœv Ï ÎœÎ”ÏÎłÎœ expĂ©dient empirique. La suite est donc ; titre xii, actuellement chap. xÎčÎč Vespasien â XIII â chap. XIV Avilius â XIV â chap. XIII Anaclet â XV â chap. XV ClĂ©ment EusĂšbe passe de JĂ©rusalem Ă Alexandrie, puis dâAlexandrie Ă Rome. xx, 1 áœ áŒ ÎżÏ ÎżÎșáŸ¶Îż les vĂ©tĂ©rans qui faisaient partie des euocati avaient des fonctions administratives infĂ©rieures ; on connaĂźt un euocatus Palatinus, câĂ©tait une sorte dâhuissier du palais. Rufin Hos Reuocatus quidam nomine, qui ad hoc missus fuerat, perducit ad Domitianum Caesarem câest la mĂ©prise qui a fait dâexpeditus un nom de saint ; mais elle est Ă©trange chez un Ă©crivain romain. â HĂ©gĂ©sippe emploie encore deux mots tirĂ©s du latin, áŒÎŽÎ·Î»Î±ÏÎ”Ï Î±Îœ, de delator, mais sans correspondant exact, et ÎŽÎ·ÎœÎŹÏÎčα, frĂ©quent chez les historiens grecs. xxii áŒÎłÎœÏίζΔο terme frĂ©quemment employĂ© dans les chroniques grecques pour dĂ©signer le temps oĂč florissait un personnage clarus habebatur. xxiii, 7 ÎżáœÎœÎżÎŒÎ± Smyrne, dâaprĂšs le Chronicon Paschale, p. 470, 9, dont lâĂ©vĂȘque Ă©tait saint Polycarpe. xxiv, 7 ጀΎη ... ÏΔÏÎżÎčηΌÎΜΜ ; au lieu de ces mots, les traductions supposent un autre texte ; ĂŒber Marcus aber und ĂŒber Lucas und ĂŒber die Ueberlieferung ihrer Evangelien ist schon von uns gesprochen » syr. ; post hunc, Lucae et Marci scriptura euangelica secundum eas causas quas superius diximus editur Rufin. Cf. II, xv, et III, iv, 6. xxv, Sur ce chapitre, voy. plus haut, chap. iii, et LOISY, Histoire du canon du Nouveau Testament Paris, 1891, p. 151 suiv. â ÎηλΞΔία ne signifie rien de plus que de quibus diximus, comme lâa prouvĂ© Heinichen ; voy. plus haut, la note sur I, Μ, 1. xxvi, 3. Voy. le texte de Justin dans lâĂ©dition PAUTIGNY, p. 52, et les divergences des mss. de Justin avec EusĂšbe, ib., p. xxxi. xxvii, 6. Le nom de Pauvres » devait ĂȘtre donnĂ© dĂšs lâorigine aux chrĂ©tiens Ă JĂ©rusalem ; Ebionaei se trouve pour la premiĂšre fois dans IRENEE, I, xxvi, 2, etc. Les renseignements donnĂ©s ici proviennent dâORIGĂNE, De principiis, IV, xxii. Voy. les ouvrages citĂ©s sur I, vii, 14, et A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte Leipzig, 1888, 2e Ă©d., t. I, p. 244 suiv. xxviii, 2 áŒÎœ ÎłÎŹÎŒ áŒÎżÏáż les traductions latine et syriaque supposent áŒÎœ ÎłÎŹÎŒÎżÏ áŒÎżÏáż; M. Schwartz pense que cette variante est une ancienne conjecture et quâil y a une lacune. Mais cette fĂȘte nuptiale, qui doit durer mille ans, rappelle les fĂȘtes de printemps qui ont lieu chez certains peuples WESTERMARCK, Origine du mariage dans lâespĂšce humaine, de VARIGNY, Paris, 1895, p. 29-34; elle nâen diffĂšre que par la durĂ©e, comme il convient Ă un rĂȘve apocalyptique. Voy. le sens de ÎłÎŹÎŒÎżÎč dans la citation de Denys. â Cf. les descriptions de lâApocalypse, sur le rĂšgne millĂ©naire, la JĂ©rusalem nouvelle, les noces de lâAgneau, ch. xix-xxi. â 4 áŒÎ±Ï οῊ ÏÎ»ÎŹÎŒÎ±Îč par ces mots, Valois et Heinichen entendent un livre, que dâaprĂšs Denys, GĂ©rinthe aurait mis sous le nom de lâapĂŽtre Jean. GaĂŻus dit tout autre chose. â 5 ÏÎ»Î·ÎŒÎżÎœÎ±áż ÏÎ»Î·ÎŒÎżÎœÎœ mss. ; faute corrigĂ©e dâaprĂšs le texte de VII, xxv, 3. xxix, 2 ÏαÏαÏ៶ΞαÎč ῠαÏÎșÎŻ la maxime est Ă©quivoque ; dans HERMAS, Sim., V, vii, 2, elle est prise dans un sens dĂ©favorable. xxx, 2 Μ ÏÎčÎ»ÎŹÎœ faute du texte lu par EusĂšbe ; ÎŒÎÏÏÎč Μ ÏÎčÎ»ÎŹÎœ, CLEMENT. xxxi, 3 ÎżÎčÏΔáżÎ± ce mot sert Ă dĂ©signer les constellations du zodiaque ou les sept planĂštes ; voy. la note de Valois, et II. DIELS, Elementum Leipzig, 1899, p. 44 suiv. et p. 53. â Ce passage est altĂ©rĂ©. DâaprĂšs M. Harnack, Die Mission und Ausbreitung des Christentums, p. 484, il y a une Ă©numĂ©ration comprenant Philippe, deux filles de Philippe, une troisiĂšme, lâapĂŽtre Jean. Câest ainsi que paraissait avoir compris dĂ©jĂ Valois. M. Schwartz entend par áŒĄ áŒÎ”Ïα lâune des deux filles mentionnĂ©es, et suppose quâil y a une lacune. xxxii, 3 áœÏαÎčÎșοῊ áŒÎčÎșοῊ ce gouverneur de JudĂ©e Ă©tait consulaire, comme un de ses successeurs immĂ©diats, Q. Pompeius Falco. On identifie cet Atticus avec le pĂšre dâHĂ©rode Atticus. LâĂ©vĂ©nement est placĂ© en 107, par EusĂšbe, dans sa chronique ; en 105, par le Chronicon paschale, qui dâailleurs dĂ©rive dâEusĂšbe. Voy. Shuerer, Geschichte des jĂŒdischen Volkes, t. I, p. 645. â 7 ÎșÏΔÎč ABDM, Îșοί Î, Îșοί R ; áœĄ Î, om. mss. ; Δጰ add. Schwartz ; ÏÎ»Î”Ï ÎœÎœ ABE, áŒÎŒÏÎ»Î”Ï ÎœÎœ R, áŒÎŒÏÎżÎ»Î”Ï ÎœÎœ DM; wie in Finsternis verborgen waren » syr. ; in occultis et abditis hiatibus terrae delitescentibus, Rufin. â 8 áŒÏΔÏΔίÏÎżÏ Îœ ADMT1 syr. ; áŒÏΔÏΔίÏΜ; Îșα᜶ αῊα ÎŒáœČΜ ÎżáœÎż ÏΔÏ᜶ ÎżÏΜ ÎŽÎčαλαÎČᜌΜ áœ§ÎŽÎ Ï áŒÎ»Î”ΟΔΜ áŒĄÎŒÎ”áż ÎŽáœČ áŒÏ᜶ ᜰ áŒÎŸáż áż áŒ±ÎżÏία áœÎŽ ÏÏÎżÎČÎ±ÎŻÎœÎżÎœÎ” ጎΌΔΜ BERT2; sed istud bellum intrinsecus gerebatur, Rufin. xxxiii, 3 ÏÏ᜞ ᜞ ᜎΜ áŒÏÎčÎźÎŒÎ·Îœ αáœÎœ ÎŽÎčαÏÏ Î»ÎŹÎ”ÎčΜ est Ă peu prĂšs inintelligible ; TERTULLIEN coetus antelucanos ad canendum Christo ut Deo et ad confoederandum disciplinam, homicidium, etc.. prohibentes. â áŒÎŒÏΔΜ ÎŽáœČ ÎșολΏζΔΞαÎč oblatos uero puniri, TERTULLIEN. xxvi, 2 Îșα᜶ αáœáœž áŒÏÎŻÎșÎżÏÎż BDER ajoutent áŒÎœáœŽÏ ᜰ ÏÎŹÎœÎ± ᜠÎč ÎŒÎŹÎ»Îčα λογÎčÏαο Îșα᜶ áż ÎłÏαÏáż Î”áŒ°ÎŽÎźÎŒÎœ. Cette interpolation, dĂ©noncĂ©e par Valois, est dĂ©fendue Ă tort par Heinichen. â 4 áŒÏÎčÏολαζοÏα mss., syr. áŒÎœÎ±ÏÏ Î”ÎŻÎ± Îșα᜶ áŒÏÎčÏολαζοÏα Ă ; copiosius coeperant pullulare, Rufin. â 7 ᜠáŒÎŻÎœ...ÎŹÎłÎŒÎ± glose fort anciennement passĂ©e dans le texte. â 8 ÏÎœÎżÎŒÎ± mss., mss. dâIgnace ; Ï ÎœÎŒ syr. et trad. syr. dâIgn. ; acriores, Rufin ; ÏÎœÎżÎœÎ± conjecture de Vossius, citĂ© par Valois, qui remarque que ce dut ĂȘtre le texte lu par Rufin. â 11 cf. Luc, xxiv, 39 ; mais λΏÎČΔΔ, et la fin du logion, viennent dâailleurs, de lâĂvangile aux HĂ©breux dâaprĂšs saint JEROME, De uiris inl., xvi p. 17, 24 RICHARDSON, et In Is., XVIII, prol. P. L., t. XXIV, col. 628. Mais EusĂšbe connaissait cet apocryphe. La derniĂšre partie se lisait aussi dans la Doctrine de Pierre ORIGENE, De principiis, praef., 8 ; P. G., t. XI, col. 119 C.Cf. RESCH, Agraphia Leipzig, 1889, p. 411, apokryphon 41.â 13 EusĂšbe a quelques leçons diffĂ©rentes du texte donnĂ© par le ms. de la lettre ; il omet, aprĂšs ÏΔÎčΞαÏÏΔáżÎœ, λγ áż ÎŽÎčÎșαÎčÎżÏΜη; noter de plus áŒÎșΔáżÎœ áœÏÎżÎŒÎΜΔÎčΜ POL. ; λοÎčÏÎżáż dâaccord avec la vieille trad. lat. áŒÎ»Î»ÎżÎč POL. xxxiii, 3 ÎŽÏ ÎœÎŹÎŒÎ”Îč áŒÎœÎźÏÎłÎżÏ Îœ voy. H. WEINEL, Die Wirkungen des Geistes und der Geister im nachaposiolischen Zeitalter bis auf Irenaeus ; Fribourg-en-Brisgau, 1899. xxxviii, 1. Cette liste des citations de lâĂpitre aux HĂ©breux, dans ClĂ©ment de Rome, est empruntĂ©e Ă M. Schwartz ; elle est dâailleurs incomplĂšte. Voy. la table de la grande Ă©dition des PĂšres apostoliques par FUNK 1901, p. 645, et surtout The New Testament in the Apostolic fathers, by a committee of the Oxford society of historical theology Oxford, 1905, p. 44 suiv. xxxix, 1 áŒÎŸÎ·ÎłÎźÎ” EusĂšbe ; JEROME, De uiris, xvm explanatio ; áŒÎŸÎ·ÎłÎźÎ”Îč M. â 4 áŒÏÎčÎŻÎœ le syr. suppose partout AristĂŽn. â 15 ᜠmss., und » syr., om. Rufin ; le sujet dans les deux traductions se trouve donc ĂȘtre Marc. â Î»ÎżÎłÎŻÎœ Î»ÎłÎœ AT1. â16 λογία mss., das Evangelium » syr., om. Rufin. â Ï ÎœÎ”ÎŹÎŸÎ±Îż Ï ÎœÎ”ÎłÏÎŹÏαο AM. â 17 áŒÏÎčΔηÏΟΞ áŒÏÎčΔηÏΟΞ áŒÎŒÏ᜶ ÎŽáœČ ᜞ ÎŽÎŽÎÎșÎ±ÎżÎœ áŒÎż áż ÏαÏÎ±ÎœÎżáżŠ ÎČαÎčλΔία . . 66 428 62 185 411 401 495 89